Réchauffement climatique : Quel choix pour l’Europe ?

Hervé NIFENECKER

Réchauffement climatique : Quel choix pour l’Europe ?



 Résumé

La question de l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie discutée au sein de la commission européenne met aux prises les états (France, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie, mais aussi la Finlande, la Suède, voire les Pays-Bas) qui soutiennent que le nucléaire doit être traité de façon équitable, au même titre que les énergies renouvelables, comme énergie contribuant à la lutte contre l’effet de serre, d’une part, et des états comme l’Allemagne et l’Autriche qui souhaitent la sortie du nucléaire pour l’Europe. Alors que l’unanimité est faite quant à l’importance de limiter les émissions de gaz à effet de serre, il est nécessaire d’évaluer la politique de l’UE et de ses membres en la matière.

Selon les statistiques établies par l’Agence Internationale de l’Énergie [1], pour l’ensemble de l’UE, la principale contribution aux émissions de CO2 est le secteur énergétique, et, plus spécifiquement celui de la production d’électricité. Cet article a pour ambition de comparer les mix énergétiques et les émissions de CO2 de l’UE et de ses membres. Dans ce domaine, la différence entre l’Allemagne et la France est impressionnante et on démontre que, pour atteindre les objectifs climatiques qu’elle s’est fixés, l’Europe devra s’inspirer du modèle français plutôt que du modèle allemand. L’abandon de l’usage des combustibles fossiles dans le domaine de la production d’électricité et de chaleur est une nécessité. La disposition d’une électricité décarbonée permettra aussi de donner un sens à l’électrification des transports, qui se trouveront ipso facto décarbonés. Si la nécessité d’abandonner l’usage des combustibles fossiles pour la production d’électricité par ses membres apparaît comme une nécessité pour l’UE pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en matière de lutte contre le réchauffement climatique, le choix du mix décarboné (énergies renouvelables seules ou en complément du nucléaire et capture et stockage du dioxyde de carbone associé à l’utilisation des combustibles fossiles) devra rester soumis au principe de subsidiarité, chaque état demeurant libre de choisir le mix énergétique décarboné lui permettant d’atteindre les objectifs climatiques compatibles avec ceux de l’Union.

[1] Data & Statistics - IEA  Le tableau 1 est un résumé, pour les pays de l’UE, des données économiques et climatiques fournies par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE)

Introduction

L’UE affiche d’ambitieux projets climatiques. Son premier paquet Énergie-Climat, paru en 2008, proposait, à l’horizon 2020, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20 % par rapport à 1990, de porter la part des énergies renouvelables à 20 %, d’améliorer l’efficacité énergétique de 20 %. On peut considérer que ce but a été atteint en ce qui concerne les émissions de GES.

En 2014 l’objectif pour 2030 a été une réduction des émissions de GES de 40 % par rapport à 1990. Finalement l’EU a fixé l’objectif de la neutralité Carbone en 2050, mais vient aussi d’adopter un objectif contraignant de baisse de 55 % par rapport à 1990 pour 2030. Ce seuil de 55 % est calculé en valeur nette, et inclut donc l’absorption d’une partie des gaz à effet de serre par les puits de carbone que sont, par exemple, les forêts et les océans. C’est cependant très ambitieux car il faudra aller environ 5 fois plus vite que lors de la période 1990/2020.

L’Europe des 28 émet, chaque année plus de 3 milliards de tonnes de CO2 soit environ 10 % des émissions mondiales. Sur le Tableau 1, en rapportant les émissions à la population, on voit que l’Europe émet 6,19 tonnes par habitant à comparer aux 4,40 tonnes par habitant pour le monde entier. La Chine, de son côté est à 6,59 tonnes par habitant. Vouloir imposer une taxe carbone sur les produits chinois pour limiter les émissions de CO2 est donc une fiction puisque les Européens émettent à peine moins que les Chinois. La situation devient même caricaturale si on utilise les chiffres de l’Allemagne et de la France : 8,82 et 4,32 tonnes par habitant respectivement. Si une taxe carbone était justifiée entre la France et la Chine, elle le serait beaucoup plus entre la France et l’Allemagne !

L’Allemagne, championne des énergies renouvelables

Les Verts Français et les Associations qui en sont proches (Greenpeace, WWF, FNE, etc.) ainsi que le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) et l’organisme public ADEME, soulignent à l’envi le retard pris par la France par rapport à l’Allemagne dans une transition énergétique exigeant le développement des productions éoliennes et photovoltaïques. Et les chiffres leur donnent raison puisque l’éolien allemand produisait, en 2019, 126 TWh, 3,6 fois plus que le français tandis que le photovoltaïque allemand avec 47,5 TWh, atteint 4,2 fois plus que son homologue français. On s’attendrait donc à ce que l’Allemagne fasse beaucoup mieux que la France en matière d’émissions de dioxyde de carbone. Las, la figure 1 fait litière de cet a priori.

figure 1 note comp France Allemagne

Figure 1

Corrélation observée entre le pourcentage d’énergie renouvelable dans le mix électrique et les émissions de CO2 par habitant.

Cette figure caractérise l’Allemagne, la France et l’Union Européenne grâce à deux paramètres, l’importance relative des énergies renouvelables intermittentes (ENRi) dans le mix électrique et les émissions de CO2 par habitant. Il apparaît sur la figure que l’importance des ENRi dans le Mix n’a aucun effet bénéfique, au contraire, sur les émissions de CO2. Ceci ne signifie pas, bien entendu, que les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques émettent du CO2 lorsqu’ils produisent de l’électricité. Mais cela provient des conséquences de leur fonctionnement sur les autres composantes du Mix. En effet, en Allemagne, les ENRi ne représentent que 25 % du Mix électrique. Les 75 % restants peuvent fort bien être responsables des émissions élevées de l’Allemagne. C’est ce que montre la Figure 2.

figure 2 note comp France Allemagne

Figure 2

Corrélation entre les pourcentages des productions d’électricité d’origine renouvelable intermittentes et fossiles dans les mix français, allemands et européens

En effet, on peut y voir qu’il y a une corrélation positive entre la part des ENRi et celle des fossiles dans le Mix. C’est une conséquence de l’intermittence de l’éolien et du solaire. L’absence de vent ou de soleil exige que les fluctuations de la production puissent être compensées par les centrales traditionnelles, fossiles ou nucléaires. L’Allemagne ayant décidé d’arrêter ses centrales nucléaires a dû augmenter d‘environ 10 % la puissance de ses centrales fossiles. Mais les opérateurs de celles-ci doivent diminuer leur production lorsque le vent souffle ou que le soleil brille, et par là, perdre de l’argent. Ils souhaitent donc trouver une gestion plus rentable des périodes de vent et de soleil. La solution est d’exporter le trop produit. Ainsi la production éolienne allemande de 76 TWh en 2018 a-t-elle permis d’exporter 50 TWh dans les pays voisins. Par conséquent, la production éolienne allemande ne joue qu’à la marge sur les émissions de CO2 allemandes.

La France, championne du nucléaire

La figure 3 montre la corrélation entre la part du nucléaire dans le mix électrique et les émissions de CO2. La simple observation de la figure montre que le recours au nucléaire pour produire l’électricité est un moyen puissant pour réduire les émissions de CO2. Parmi les pays européens, seule la Suède, avec du nucléaire et de l’hydraulique fait mieux que la France car elle a, davantage que la France, utilisé l’électricité ou le bois pour le chauffage.

figure 3 note comp France Allemagne

Figure 3

 Corrélation observée entre le pourcentage du nucléaire dans la production du mix électrique et les émissions de CO2 par habitant pour la France, l’Allemagne et l’Europe des 28

Quel choix européen ?

L’Europe affiche, depuis longtemps, l’ambition de construire une politique européenne de l’énergie. On ne voit pas comment une telle politique serait possible sans qu’un choix clair soit fait entre les modèles allemands et français. Le Tableau 1 récapitule les principaux index économiques et climatiques des pays de l’Union Européenne. La prise en considération sérieuse de ce tableau devrait être préliminaire à la définition de toute politique énergétique européenne. L’UE ne pourra respecter ses engagements climatiques que si les états qui la constituent diminuent eux-mêmes leurs émissions de GES et, plus spécifiquement de CO2. Ils devront donc renoncer à l’usage des combustibles fossiles qu’ils pourront remplacer par des énergies décarbonées, renouvelables ou nucléaires, à moins de capturer et stocker le dioxyde de carbone émis lors de l’utilisation de ces combustibles. Lors de la transition énergétique décarbonée, l’UE devra respecter le principe de subsidiarité en laissant aux membres de l’Union la responsabilité d’établir leur Mix énergétique décarboné.

Le Tableau 1 montre que l’Allemagne est largement l’économie la plus puissante de l’UE (avec un PIB par individu supérieur de 16 % à celui de la France). Cette puissance se répercute, évidemment, sur son influence au niveau des institutions de l’Union. En ce qui concerne les émissions de CO2, avec 723 millions de tonnes émises chaque année, elle représente 23 % de la production européenne à comparer à seulement 9 % pour la France. On remarque que les émissions de CO2 liées à la production d’électricité et de chaleur (CHP) atteignent 287 millions de tonnes pour l’Allemagne mais seulement 36 millions de tonnes pour la France alors que les émissions par les transports sont assez proches pour les deux pays, 168 et 125 millions de tonnes respectivement. Ainsi le consommateur allemand émet plus de CO2 lorsqu’il utilise sa prise de courant que lorsqu’il utilise sa voiture. Électrifier sa voiture ne serait donc pas une bonne solution pour diminuer ses émissions de CO2, tant que son électricité est fortement carbonée, contrairement au cas de son voisin français.[2]

Pays

CO2/hab/an

Pop

CO2tot

PIB

CO2/PIB

CO2-Elec-heat

CO2-trans

CO2Elec/trans

PIB/POP

tonnes

millions

MtCO2/an

G$

Mt/G$

MtCO2/an

MtCO2/an

k$/hab

DK

6,51

5,3

34,5

326

0,11

10

13

0,77

61,51

France

4,32

66

285

2716

0,10

39

125

0,31

41,15

Allemagne

8,82

82

723

3861

0,19

287

158

1,82

47,09

Italie

5,23

61

319

2004

0,16

101

100

1,01

32,85

Pays bas

8,71

17

148

845

0,18

54

31

1,74

49,71

UK

6,00

65

390

2682

0,15

81

121

0,67

41,26

Belgique

8,25

11,2

92,5

533

0,17

16

25

0,64

47,59

Pologne

7,36

38,5

282

556

0,51

150

63

2,38

14,44

Espagne

5,32

46,4

239

1393

0,17

70

92

0,76

30,02

Suède

3,78

9,8

37,1

540

0,07

7

16

0,44

55,10

Estonie

8,72

1,33

11,6

31,4

0,37

11

2

5,50

23,61

Lituanie

5,81

1,91

11,1

54,6

0,20

1

6

0,17

28,59

Lettonie

5,11

1,33

6,8

34,6

0,20

2

3

0,67

26,02

Luxembourg

15,65

0,62

9,7

71,1

0,14

1

6

0,17

114,68

Autriche

7,07

8,88

62,8

441

0,14

13

25

0,52

49,66

Malte

3,33

0,48

1,6

15

0,11

1

1

1,00

31,25

Portugal

4,26

10,28

43,8

239

0,18

18

17

1,06

23,25

Bulgarie

5,54

7,2

39,9

67

0,60

23

9

2,56

9,31

Chypre

7,33

0,86

6,3

25

0,25

3

2

1,50

29,07

Croatie

3,74

4,09

15,3

61

0,25

3

6

0,50

14,91

Finlande

7,52

5,52

41,5

269

0,15

18

12

1,50

48,73

Irlande

6,77

4,93

33,4

389

0,09

10

12

0,83

78,90

Grèce

5,30

10,71

56,8

210

0,27

29

17

1,71

19,61

Hongrie

4,68

9,77

45,7

163

0,28

11

14

0,79

16,68

Tchéquie

8,97

10,67

95,7

251

0,38

53

19

2,79

23,52

Roumanie

3,68

19,47

71,6

250

0,29

27

18

1,50

12,84

Slovénie

6,27

2,09

13,1

54

0,24

5

6

0,83

25,84

Slovaquie

5,30

5,45

28,9

105

0,28

6

8

0,75

19,27

UE

6,19

507,79

3145,7

18186,7

0,17

1050

927

1,13

35,32

Monde

4,40

7335

32296

75482

0,43

13870

8258

1,68

10,22

Tableau 1

Principaux indices climato-énergétiques des 28 pays européens

Un classement par le MIT Technology Review

Le MIT Technology Review vient de sortir un « Green Future Index »[3]. Quelques valeurs de cet index confirment les discussions précédentes. Nous en donnons quelques exemples.

Pays

Index

Classement

Islande

6.5

1

Danemark

6.4

2

France

6.0

4

Belgique

5.6

9

Pays Bas

5.6

10

Allemagne

5.5

11

Suède

5.5

12

Autriche

5.5

15

Australie

5,5

35

USA

4.7

40

Chine

4.5

45

Japon

4.0

60

Russie

2.9

73

Tableau 2

Classement de quelques pays selon le « Green future index » du MIT

Plus antinucléaires que patriotes, les plaignants de l’Affaire du Siècle ont fait grise mine devant le bon classement de la France dans le « Green future index ». Contrairement à eux, les chercheurs du MIT ont pensé que l’important était de limiter la concentration en dioxyde de carbone de l’atmosphère. Cette limite est le résultat d’une amélioration à partir des valeurs actuelles et non pas seulement du taux d’évolution des émissions sur quelques années. Or le point de départ des émissions de la France est déjà bien meilleur que celui d’autres pays comme l’Allemagne. C’est pourquoi, dans l’avenir les émissions de la France resteront longtemps plus faibles que celles de l’Allemagne. Donc ne retenir que les évolutions de ces émissions sur les quelques prochaines années est une erreur si le calcul ne tient pas compte des valeurs de départ.

Dans le dernier rapport du GIEC (Special Report 1.5, SR1.5) il est spécifié que pour limiter la hausse de la température moyenne de surface à 1,5°C, les émissions de CO2 ne devront pas dépasser 43 Mds de tonnes par an en 2025, avant de décroître, alors qu’en 2018 ces émissions ont déjà atteint 37 Mds de tonnes. Pour une population mondiale de 9 milliards, les 43 Mds de tonnes correspondent à 4,8 tonnes par habitant. Les Français émettent 4,38 tonnes par habitants et sont donc, déjà, dans les clous, contrairement aux Allemands qui émettent 8,88 tonnes par an et par habitant. Quand donc l’UE va-t-elle s’émouvoir ?

Dans ces conditions comment comprendre que le choix de l’Europe ne soit pas le modèle français ? Interrogé récemment sur France Culture José Bové donnait l’exemple du courage d’Angela Merkel qui avait décidé la sortie du nucléaire de l’Allemagne. Il citait le fait que l’on ne savait pas démanteler les réacteurs ni gérer les déchets. La plupart des spécialistes pensent le contraire. Mais, même en admettant qu’ils se trompent, constatons que le démantèlement pourrait attendre[4] sans inconvénient pour le climat ni la biodiversité, et que, actuellement, les déchets sont gérés correctement et sûrement, sans dispersion dans la biosphère, contrairement au CO2, aux rejets toxiques des centrales à charbon et aux plastiques, par exemple. L’action sur les émissions de CO2 est urgente, de l’avis de tous les climatologues. Régler le problème des déchets nucléaires ne présente aucun caractère d’urgence dans la mesure où ils sont contrôlés et entreposés dans des conditions sûres. Nous avons le temps de trouver des conditions optimisées pour leur stockage à moyen et long terme. De plus tous les experts mondiaux considèrent que le stockage des déchets les plus radiotoxiques en site géologique profond et anhydre est une solution sûre et pérenne. Alors pourquoi ceux qui estiment être les gardiens du climat s’entêtent ils à refuser le moyen le plus efficace de le contrôler ? Est-ce la peur associée au mot nucléaire depuis Hiroshima et Nagasaki ? Les réacteurs et autres installations nucléaires civiles n’ont rien à voir avec les bombes !

 

Le nucléaire est victime d’un faux procès

Le faux procès du nucléaire

De faibles risques sanitaires   

L’Union Européenne a procédé à une étude approfondie des risques sanitaires associés aux différentes technologies (étude Externe) de production d’électricité. La revue internationale Forbes a résumé les conclusions de cette étude dans le Tableau 3. Pour le nucléaire, les conséquences observées et estimées des catastrophes de TMI, Tchernobyl et Fukushima sont prises en compte.

Technique

Décès/1000TWh

Charbon (monde)

170000

Charbon (Chine)

280000

Charbon (US)

15000

pétrole

36000

Gaz naturel

4000

Biomasse

24000

PV

440

éolien

150

Hydroélectricité

1400

Nucléaire

90

Tableau 3

Nombre moyen estimé de décès associés à la production d’électricité. Ce nombre est normalisé pour la production de 1000 TWh, soit un peu plus de deux fois la production électrique de la France

La catastrophe de Tchernobyl a été beaucoup plus meurtrière que celles de Three Mile Island et Fukushima. L’OMS a estimé que le nombre de décès prématurés attribuables aux contaminations radioactives consécutives à cette catastrophe serait de l’ordre de 4 000[5]. Il s’agit, essentiellement, de cancers provoqués par l’irradiation à moyen et long terme. L’estimation porte sur les 60 ans suivant la catastrophe.

En 2013, une étude sur les décès entraînés par les émissions toxiques des centrales à charbon européennes a été réalisée par l’université de Stuttgart, à la demande de Greenpeace. Cette étude s’est inspirée du programme européen Externe. Elle conclut à plus de 22 000 morts prématurées chaque année en Europe. Sur 60 ans le nombre de décès prématurés dépasserait donc largement les 1,3 millions, 200 fois plus que Tchernobyl, mais Greenpeace s’entête à préférer l’arrêt des réacteurs à celui des centrales à charbon et lignite en Allemagne. Certes le tropisme antinucléaire de Greenpeace remonte à son combat contre les tests de bombes nucléaires dans l’atmosphère et leurs retombées radioactives dans l’atmosphère, mais cette problématique n’a rien à voir avec celle de l’usage du nucléaire pour produire de l’électricité dans des réacteurs.

Un faible impact sur la biodiversité

On peut considérer que l’impact sur la biodiversité, hors émissions toxiques éventuelles, sera proportionnel à la surface consacrée à la production. Le Tableau 4 montre la surface qui serait nécessaire pour produire 14 TWh par an (énergie produite par un EPR) selon les technologies. Il est clair que le nucléaire est la forme de production d’énergie affectant le moins la biodiversité.

 Technique

Nucléaire

Fossiles

PV

Eolien

Biomasse

Empreinte (km2)

4

10

200

1200

5000

Tableau 4

Empreinte (surface pour laquelle la biodiversité est gravement atteinte)
pour diverses techniques de production d’électricité de 14 TWh/a (1,6 GWe)

De faibles besoins en matériaux

À titre d’exemple, l’EPR, (1 650 MWe) requiert environ 500 000 m3 de béton et 110 000 tonnes d’acier. Les émissions de CO2 estimées lors de la construction de l’EPR ont été évaluées à environ 1 million de tonnes. Pendant 60 ans, un EPR produira environ 720 TWh. On arrive alors à des émissions de CO2 associées aux matériaux de construction de 0.5 g CO2/kWh. À production équivalente, les éoliennes requièrent 8 fois plus de béton et 12 fois plus d’acier que l’EPR.

Un coût compétitif

La différence de compétitivité relative des modèles allemand et français est simplement reflétée dans la différence de prix payé par les consommateurs particuliers allemands et français pour l’achat d’un MWh : 330 €/MWh en Allemagne, et 183 €/MWh en France en 2017.

La Figure 4 montre à quel point le secteur de production d’électricité est capital et inégal dans sa production de CO2. On peut, en effet, supposer que les émissions de CO2/hab par le secteur de la mobilité varient peu d’un pays à l’autre, à l’exception des différences du facteur dimension de ces pays. Par contre, si on rapporte les émissions du secteur de production d’électricité à celles des transports on voit de très fortes variations d’un pays à l’autre, la France, la Suède et la Lituanie apparaissant comme les pays relativement les moins émetteurs de CO2 pour la production d’électricité par rapport au secteur de la mobilité.

figure 4 note comp France Allemagne

Figure 4

Rapports entre les émissions de CO2 dues à la production d’électricité et celles dues aux transports.

Une stratégie pour l’Europe

Si l’Europe prend au sérieux le défi climatique il lui faut, en priorité, renoncer à l’usage des combustibles fossiles pour produire son électricité, et utiliser cette énergie après l’avoir décarbonée pour électrifier ses transports. Pour atteindre un tel objectif il est probable que l’approche la plus efficace et la plus économe consiste à l’établissement d’une véritable taxation carbone. Le niveau de cette taxation doit être tel que la production (hors subventions) d’électricité non carbonée, renouvelable ou nucléaire, devienne « naturellement » plus compétitive que la production d’électricité carbonée.

 

Conclusions

Il est maintenant temps que l’Europe choisisse entre les modèles électriques de type français ou allemand, tout en respectant le principe de subsidiarité des états membres !

Les ONG qui se sont acharnées contre le nucléaire, au bénéfice d’un lobby, bien réel celui-là, qui se nourrit grâce aux taxes prélevées sur les consommateurs d’électricité européens, porteront les conséquences de l’échec prévisible de la politique climatique européenne privée d’un moyen efficace pour diminuer les émissions de CO2, au dire même du GIEC (SR1,5)

La question de l’autonomie de l’Europe dans les industries de l’énergie est aussi cruciale. La principale production de cellules photovoltaïques européenne, celle de l’Allemagne, atteint péniblement environ 700 MW/an à comparer aux 17 000 produits par l’Inde, 13 000 produits par la Chine et 16 000 par les autres pays asiatiques. En Europe, seule la France est encore capable de construire des réacteurs nucléaires. Mais les difficultés de construction des EPR finlandais et français témoignent d’une perte de compétence de l’industrie française incapable de trouver, par exemple, un nombre suffisant, de soudeurs qualifiés.

[2] le rendement des moteurs électriques est meilleur que celui des moteurs thermiques et ,de ce fait,, les émissions de CO2 pour les VE allemands sont plus faibles que celles de VTh, mais il n'empêche que si l'électricité allemande avait les mêmes caractéristiques de contenu en CO2 que l'électricité française, les conducteurs allemands seraient responsables (indirectement) de beaucoup moins d'émissions.

[3] The Green Future Index | MIT Technology Review. The Green Future Index is a ranking of 76 leading countries and territories on their progress and commitment toward building a low carbon future. It measures the degree to which their economies are pivoting toward clean energy, industry, agriculture, and society through investment in renewables, innovation, and green finance.

[4] La démonstration qu’un démantèlement complet (retour à l’herbe) est possible a été faite pour plusieurs réacteurs américains et pour le Centre d’Etudes Nucléaires de Grenoble

[5] Et pourtant cette estimation du nombre de morts se fait avec l’hypothèse d’un effet sanitaire des faibles doses proportionnel à la dose reçue. Un tel calcul est certainement pessimiste puisque de nombreux travaux indiquent que les faibles doses pourraient même être bénéfiques (effet hormésis) : voir par exemple Biogerontology (2021) 22 : 189-195.

 

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