Analyse critique de la proposition socialiste de réduire la part du nucléaire à 50% du mix électrique en 2025

SLC

 

Hervé Nifenecker - 28 septembre 2011

 

Sous la pression de leurs alliés d’Europe Ecologie les Verts, il est devenu populaire chez les candidats PS à la candidature de s’engager à réduire la part du nucléaire, quand ce n’est pas d’en sortir à terme. Par exemple, un des plus modérés, François Hollande propose de ramener la part du nucléaire à 50% d’ici 2025. Une telle proposition est-elle réaliste ?  C’est ce que nous désirons examiner.

 

La situation du mix français actuel  (en 2010) est présentée au Tableau 1

 

 

Nucléaire

Thermique

Hydraulique

Eolien

Solaire

Total

Production TWh

407,9

41,7

61,1

9,7

0,4

520,8

Proportion %

78,3

8,0

11,7

1,9

0,1

100

Puissance GWe[1]

63,3

20,5

25

4,6

0,51

 

Facteur de charge[2] %

73

23

28

24

9

 

 

Tableau 1

Caractéristique de la production d’électricité française en 2010

On y voit que la proportion du nucléaire y atteint 78,3%

 

L’option fossile

Sans aucun doute, la réduction de la part du nucléaire est possible s’il s’agit simplement de remplacer les centrales nucléaires par des centrales à gaz ou à charbon comme l’Allemagne s’apprête à le faire, même si, pour donner le change écologique, celle-ci a prévu d’augmenter la production éolienne et photovoltaïque. Dans cette hypothèse, en supposant la production totale inchangée et en supposant que les centrales remplaçant le nucléaire seraient toutes des centrales à gaz CCG, on obtient  le Tableau 2   reflétant le nouvel équilibre de la production électrique.

La production fossile est passée de 41,7 à 189,7 TWh, soit une augmentation de 148 TWh en énergie finale et, en supposant un rendement des centrales à gaz de 0,6, une augmentation de la demande primaire de 246 TWh.

A raison de 0,18 Mtonnes de CO2 par TWh en énergie primaire (0,3 tonnes en énergie finale pour un rendement de 0,6),  ceci correspond à une émission supplémentaire de  44 Mt de CO2  (pour un total des émissions actuelles de 360 Mt), soit 12% de nos émissions totales.

 

 

 

Nucléaire

Thermique

Hydraulique

Eolien

Solaire

Total

Production TWh

260,4

189,7

61,1

9,7

0,4

520,8

Proportion %

50

36,3

11,7

1,9

0,1

100

Puissance GWe

40,4

29,5

25

4,6

0,51

 

Facteur de charge %

73

73

28

24

9

 

 

Tableau 2

 Caractéristiques de la production d’électricité française en  supposant  le remplacement de centrales nucléaires par des centrales à gaz.

 

Nous osons croire que telle n’est pas l’intention des leaders socialistes, puisque, alors, immanquablement, les émissions de CO2 de notre pays augmenteraient notablement et s’aligneraient progressivement sur ceux de l’Allemagne (rappelons que chaque Allemand émet 9,8 tonnes de CO2 chaque année, alors que chaque Français n’en émet que 5,7).

Dans le Tableau 2, nous avons supposé les mêmes facteurs de charge pour les centrales à gaz et pour les centrales nucléaires, puisque, dans le cas présenté, les deux types de centrales sont amenés à fournir la base. On constate que la puissance nucléaire a  baissé de 23 GW, soit plus du tiers de la puissance installée en 2010. Inversement, la puissance des installations thermiques n’augmente que de 6,5 GWe, mais leur facteur de charge augmente de façon importante.

 

L’option renouvelable

Si on refuse l’option de remplacer  purement et simplement  le nucléaire par du fossile,  la première proposition à laquelle on pense est, bien entendu, d’augmenter la part de l’électricité renouvelable. L’hydroélectricité ne semble guère pouvoir se développer davantage en France, d’autant moins que les changements des précipitations tendent à diminuer la ressource. La biomasse peut, sans doute, être mise davantage à contribution mais la façon la plus efficace et la plus économique pour ce faire est de l’utiliser pour produire de la chaleur, éventuellement dans des centrales à co-génération et des réseaux de chaleur.

Dans l’immédiat, c’est à l’éolien et au solaire, surtout photovoltaïque (PV), que l’on pense. Or la nature intermittente, fatale[3] et, surtout dans le cas de l’éolien, difficilement prévisible, de ces énergies impose des limites en absence de techniques de stockage de l’électricité efficaces et massives qu’il est peu probable de pouvoir mettre en œuvre à l’échelle requise avant 2025.

Les limites de l’éolien

C’est une vérité de La Palisse que les éoliennes ne fournissent de courant que lorsqu’il y a du vent…La puissance des éoliennes varie comme la puissance 3 de la vitesse du vent ; autrement dit, les régimes de faible vitesse de vent, très fréquents lorsque notre pays est sous l’influence d’une zone anticyclonique,  contribuent très peu à la production d’électricité. En gros, on peut considérer que chaque GWe d’éolien installé fournit une puissance moyenne de l’ordre de 0,2 à 0,25 GWe. Mais la puissance instantanée varie rapidement entre la puissance maximum ( en fait 70 % de la puissance installée totale pour un réseau dispersé)[4] et 0 à 5% de cette puissance. Ces variations n’ont rien à voir avec celles rencontrées pour la gestion journalière des réseaux en prenant en compte la variation des besoins assez prévisibles (au moins à quelques pour cent près la veille pour le lendemain), et en adaptant en conséquence les productions. La puissance de l’éolienne étant faible la majorité du temps, il faut prévoir en base une puissance de remplacement équivalente; l’investissement en éolien ne permet donc pas d’éviter d’autres investissements. C’est donc la puissance de base qui doit pouvoir s’effacer en  faveur de l’éolien.  En France, pendant les 15 années à venir, ce sera donc essentiellement au nucléaire de faire face à ces à-coups. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, le nucléaire peut accepter des  variations de puissance. Ces variations peuvent être rapides dans une gamme de ± 8 % de la puissance nominale, un peu plus lentes en quelques heures  entre 25 et 30 % et enfin beaucoup plus importantes, par exemple + 70 % de 30 à 100 % et – 70 % de 100 à 30 % en quelques heures, sous réserve d’être programmées (par exemple la veille pour le lendemain). Ainsi la puissance nucléaire de 63 GW,  lorsque toutes les centrales sont en service, pourrait faire face aux variations d’un parc d’éoliennes ayant au maximum  30 GWe (le Grenelle proposait 25 GWe),  sous réserve d’adapter les plus anciens réacteurs  qui à ce jour ne sont pas équipés pour fonctionner en suivi de charge. On arrive ainsi à une production éolienne annuelle de 65 TWh au maximum, celle due au solaire PV, étant donné le prix actuel de cette technique restera marginale d’ici 2025, et ne devrait pas dépasser sensiblement 5 TWh.

Le Tableau 3 est obtenu à partir du Tableau 1 en supposant que la production totale  d’électricité reste constante de même que les productions  fossiles  et hydroélectriques. Les productions éoliennes et photovoltaïques réduisent d’autant la production nucléaire. Au bout du compte on voit que la part du nucléaire reste élevée, à près de 67%. Il faut noter que la puissance nucléaire doit rester disponible à tout moment pour se substituer aux ENR au cas où celles-ci ne seraient pas disponibles. De ce fait le nombre de réacteurs ne devrait pas changer, la grande différence étant d’accentuer le rôle de suivi de charge du nucléaire, mais le taux d’utilisation diminuera, ce qui correspond à une perte financière d’exploitation, de l’ordre de 2 G€/an[5]

La production thermique étant la même que celle actuelle (41.7 TWh) les rejets de gaz carbonique sont inchangés. L’arrivée des renouvelables ne conduit pas à la baisse des rejets, mais à une dégradation de l’usage du parc nucléaire.

 

 

Nucléaire

Thermique

Hydraulique

Eolien

Solaire

Total

Production TWh

348,0

41,7

61,1

65

5

520,8

Proportion %

66,8

8,0

11,7

12

0,96

100

Puissance GWe

63,3

20,5

25

31

6,3

 

Facteur de charge %

62.2

23

28

24

9

 

 

Tableau 3

Hypothèse de maintien de la consommation et du développement maximum des ENR

 

Diminution de la consommation électrique

Est-il possible qu’une diminution de la production électrique totale  se traduise par une diminution de la contribution relative du nucléaire ?  La réponse est affirmative dans la mesure où les productions fossiles et hydroélectriques gagneraient ipso facto en importance relative. Par contre, comme nous l’avons vu, la limite des productions éoliennes et photovoltaïques, en absence de solution à l’intermittence  s’applique à la part de ces productions dans la production totale. Dans le Tableau 3 la part des énergies intermittentes est de 13%. Leur développement se fait au détriment du facteur de charge du nucléaire. Sur le Tableau 4 les 50% de nucléaire sont obtenus par une diminution du nucléaire et de la consommation, les contributions des fossiles et de l’hydroélectricité restant constantes,  celles des ENR diminuant légèrement en pourcentage, notablement en valeur absolue, puisque l’énergie de substitution, le nucléaire diminue dramatiquement.

 

 

Nucléaire

Thermique

Hydraulique

Eolien

Solaire

Total

Production TWh

139

41,7

61,1

33

2.8

278

Proportion %

50

15.8

23.2

12

0.96

100

Puissance GWe

25.5

20,5

25

15.7

3.5

 

Facteur de charge %

62.2

23

28

24

9

 

 

Tableau 4

Diminution de la consommation, diminution du parc nucléaire toujours utilisé en substitution des ENR

On voit que seule une diminution drastique de la consommation, par près d’un facteur 2, pourrait amener à 50% la part du nucléaire si on ne désire pas augmenter la part des combustibles fossiles.

En réalité, il semble clair que, dans l’état actuel des technologies, la diminution à 50% de la part du nucléaire à consommation égale ou croissante ne peut se faire que par une

augmentation de la production fossile. Nous supposons que cette augmentation se fait grâce à des centrales à gaz CCG.

 

Appoint de la production de centrales à gaz

 

 

Nucléaire

Thermique

Hydraulique

Eolien

Solaire

Total

Production TWh

260,0

129.7

61,1

65

5

520,8

Proportion %

50

25

11,7

12.4

0,96

100

Puissance GWe

37

21

25

31

6,3

 

Facteur de charge %

80

70

28

24

9

 

 

Tableau 5 

Hypothèse d’une substitution  du nucléaire par du gaz

Dans le cas du scénario présenté sur le Tableau 5 l’augmentation importante de la production électrique par des centrales à gaz se traduit par une augmentation de la consommation de gaz, et, par conséquent, par une augmentation des émissions de CO2. L’augmentation de la production électrique à partir du de gaz serait de 88 TWh, soit, si on admet des rendements de 60%, une augmentation des importations de gaz de 145 TWh (13 Mtep). Les importations actuelles de gaz sont de 38 Mtep. Il faudrait donc augmenter nos importations de 34%. Les émissions de CO2 produites par la combustion du méthane sont de 0,18 Mtonnes par TWh (énergie primaire). L’augmentation de nos émissions atteindrait donc environ 26 Méga tonnes, soit une augmentation d’environ 7,5% de nos émissions totales actuelles. Elle est légèrement plus faible que celle trouvée au Tableau 2 du fait de  contribution des énergies renouvelables intermittentes.

A noter que le facteur de charge des centrales CCG peut être  augmenté puisqu’elles fonctionnent largement en base.

Est-ce à dire que la réduction de la part du nucléaire en France ne pourrait se faire qu’en augmentant de manière significative nos émissions de CO2 ?  La réponse est négative si on diminue les émissions dans d’autres secteurs, par exemple celui des transports et celui de la production de chaleur. En d’autres termes, si l’augmentation de l’usage du gaz dans la production d’électricité est accompagnée d’une diminution équivalente dans un autre secteur, il peut ne pas y avoir augmentation des émissions de CO2. C’est le secteur de la production de chaleur qui est le plus à même de fournir cette diminution : il s’agit de remplacer la production de chaleur par des combustibles fossiles par du chauffage électrique. Ceci n’est, alors, évidemment possible qu’en augmentant la production totale d’électricité. Encore faut-il que le nombre  de  Mtep de gaz  nécessaire pour produire l’électricité supplémentaire pour le chauffage ne soit pas significativement supérieur à celui économisé en renonçant au chauffage au gaz et au fioul.

 

Comparaison du chauffage direct au gaz et au fioul  au chauffage par l’électricité produite par des centrales à gaz. 

Pour ce qui concerne le chauffage des locaux,  s’il est vrai que les chaudières à gaz modernes atteignent des rendements de 80%, pour la moyenne du parc le rendement moyen est plutôt de l’ordre de 60%[6]. Le rendement des centrales à gaz modernes atteint 60%. Le rendement des convecteurs est très proche de 100%, alors que le rendement des pompes à chaleur est de l’ordre de 300% (3 kWh de chaleur produite pour 1 kWh d’électricité consommée). Tout développement de ces dernières améliore encore l’efficacité moyenne du chauffage électrique.  La généralisation des « réseaux intelligents » améliorera aussi les conditions d’usage du chauffage électrique. Il semble donc raisonnable de supposer que l’efficacité globale d’utilisation du gaz pour la production de chaleur est équivalente dans le cas de son usage direct et dans celui ou cette production est obtenue par de l’électricité produite par des centrales CCG.  Ce dernier est encore plus performant si on le compare au chauffage au fioul. On peut donc conclure que l’augmentation de la consommation de gaz pour la production d’électricité, elle-même utilisée pour la production de chaleur, pourra être approximativement compensée par la diminution de l’usage du gaz et du fioul pour la production de chaleur. En partant du Tableau 3 nous pouvons déterminer l’augmentation de la consommation de gaz nécessaire pour ramener la part du nucléaire à 50%. L’exercice est fait dans le Tableau 6.

 

 

Nucléaire

Thermique

Hydraulique

Eolien

Solaire

Total

Production TWh 2010

407,9

41,7

61,1

9,7

0,4

520,8

Variation 2025-2010

-59,9

165,2

0

65,3

4,6

175.2

Production TWh 2025

348,0

206,9

61,1

75

5

696

Proportion %

50

29,7

8,8

10,7

0,72

100

Puissance GWe

63,3

59

25

36

6,34

 

Facteur de charge %

62.2

40

28

24

9

 

 

Tableau 6

 structure de la production électrique en supposant qu’on augmente la part  de la production par centrales à gaz.

 

La production électrique totale augmentant de plus d’un tiers, il devient possible d’augmenter encore la production des énergies intermittentes[7].

L’augmentation de la production électrique par centrales à gaz atteindrait 165,2 TWh, soit, en énergie primaire 300 TWh, soit encore 26 Mtep. Les importations de gaz actuelles sont  de 38 Mtep, celles de fioul pour  la production de chaleur dans le secteur résidentiel-tertiaire sont de 14 Mtep. On peut supposer que le chauffage au fioul sera remplacé entièrement par du chauffage électrique.. Cette diminution de l’usage du fioul de 14 Mtep devra être compensée par une augmentation analogue de la consommation de gaz pour la production d’électricité. La consommation directe de gaz pour le chauffage est, également,  diminuée de 12 Mtep.

Le changement dans l’utilisation du gaz et du fioul est visible sur  le Tableau 7 et discuté plus loin.

Sur le Tableau 6 on voit que le facteur de charge des centrales thermiques a été porté à 40% pour tenir compte du rôle de semi-base que joueraient les centrales à gaz pour faire face aux besoins de chauffage en saison froide.

 

 

Gaz  2008

Gaz 2025

Fioul 2008

Fioul 2025

Total 2008

Total  2025

Production d’électricité

2,6

28,6

0,8

0

3,4

29.4

Industrie autre qu’électricité 

11,8

11,8

5,9

5,9

17,7

17,7

Résidentiel Tertiaire

22,8

10,8

14

0

36,8

10,8

Autre consommation finale

1

1

49,1[8]

49,1

50,1

50,1

Total

39,2

50,6

69,8

55

108

108

Emissions CO2

109.8

141.7

223.36

176

333.2

317.2

Tableau 7

Évolution dans l’utilisation du gaz et du fioul  Mtep. En 2025 la consommation de fioul diminue au profit de celle de gaz dont l’utilisation pour la production d’électricité croit fortement. Les colonnes « Total » donnent la valeur totale d’énergie  (hors charbon) fossile consommée ainsi que le production de dioxyde de carbone produite.

 

Le Tableau 7 montre comment pourraient évoluer les consommations de gaz et de fioul. La consommation de gaz augmente alors que celle de fioul diminue. Au total, la combustion du fioul étant plus émettrice de CO2 que celle du gaz, ces émissions diminuent légèrement. Il est clair que le développement de l’usage des Pompes à Chaleur (PAC) diminueraient encore ces émissions, tout comme le feraient les opérations d’efficacité électriques dans le bâtiment.

Le Tableau 6 pourrait représenter une situation en 2025 qui respecterait l’objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique.

 

Si on admet une augmentation de la production électrique grâce à des centrales à gaz, afin de développer le chauffage électrique en lieu et place du chauffage direct au fioul et au gaz, on peut réduire la part du nucléaire à 50% tout en contenant et même en diminuant les émissions de CO2.

Une augmentation de la production électrique par centrales à gaz, associée à une augmentation de la production de chaleur par électricité pourrait être une étape intéressante dans l’établissement de structures énergétiques moins dépendantes des importations de combustibles fossiles, moins émettrices de CO2 et laissant la porte ouverte à différentes solutions pour le remplacement des centrales à gaz qui sera sûrement nécessaire si l’augmentation des prix du gaz se concrétise et(ou) si la contrainte climatique  s’impose davantage.

Pour que cette transition soit possible il faudra évidemment renoncer au tabou idéologique dont souffre le chauffage électrique. Pour ce qui concerne le bâti existant, les bonnes performances des centrales CCG sont telles que la comparaison entre les consommations en énergie primaire du chauffage au gaz ou au fioul et  du chauffage électrique ne défavoriserait plus systématiquement l’électricité. Il en est évidemment de même pour ce qui concerne les émissions de CO2. Pour les logements neufs il y aura lieu de favoriser l’installation de  pompes à chaleur.

Une façon très élégante et bon marché de réaliser la transition  dans l’usage du gaz, dans le cas de systèmes de chauffage central par radiateurs, serait de monter un chauffe eau électrique en série avec la chaudière à gaz qui ne servirait alors que lors des pointes de demande électrique, ainsi que cela a été proposé par Henri Prévot.

Il est clair que la recherche d’une meilleure efficacité énergétique devra être poursuivie. Une amélioration des performances thermiques des bâtiments se traduirait par une diminution des consommations d’électricité à répartir entre centrales nucléaires et centrales à gaz.

Enfin, si la technique de séparation et séquestration du gaz carbonique est concevable pour les centrales à gaz, elle ne l’est certainement pas pour les chaudières individuelles,  ce qui pousse à la centralisation via l’électricité. 

 

Conclusion

En France, le nucléaire assure 78 % de la production d’électricité. Outre les avantages de coût, d’indépendance énergétique, cette part importante  permet à la France d’être parmi les pays développés, un de ceux qui rejettent le moins de gaz carbonique par habitant.

Peut-on réduire la part du nucléaire, comme certains le préconisent en proposant déjà la limite de part à 50 %, en misant surtout sur les renouvelables ?

Nous avons vu, que si nous ne voulons pas augmenter les rejets de gaz carbonique ni la consommation électrique, seule une baisse drastique d’un facteur proche de 2 de la consommation électrique, pourrait répondre au défi, ce qui est absolument irréaliste en dépit de toutes les économies d’énergies possibles.

Nous avons toutefois trouvé une voie qui pourrait répondre à l’objectif des 50%. Cette voie, de façon paradoxale,  amène à augmenter la production  d’électricité de 33 %, avec une forte augmentation de la production à partir du gaz. Mais comme ceci accroît les rejets de gaz carbonique, il faut rétablir  l’équilibre en baissant les rejets par ailleurs. Ceci est obtenu en développement  l’usage de l’électricité dans le chauffage à la place des combustibles fossiles.

Certes, l’objectif de réduire la part du nucléaire dans le mix électrique à 50 % serait donc accessible, mais il faut rappeler  que l’objectif pour 2050 est de réduire par 4 les rejets de gaz carbonique.  Il faudra donc, tôt ou tard remplacer la production d’électricité par  des centrales à gaz par une technique n’émettant pas de gaz carbonique. Le scénario réaliste Négatep, conduisant à plus de nucléaire,  permettrait  d’obtenir ce résultat.

 

Annexe : Explicitation des calculs correspondants aux tableaux.

 

Tableau 2

On suppose que toutes les données sont inchangées à l’exception du nucléaire et du thermique.

Le nucléaire correspond à la moitié de la production totale.

On suppose donc que le nucléaire passe de 407,9 TWh à ((520.8)/2)= 260,4 TWh

 La différence 407,9-260, 4= 147,5 TWh est supposée être fournie par des CCG. La contribution des fossiles devient donc 147,5+4,7= 189,2 TWh

 Le rendement des CCG est supposé de 60%. D'où une demande supplémentaire primaire de 147,5/0,55= 245,8 TWh soit en Mtep 0,086×245,8= 21,14 Mtep

 Pour les émissions de CO2 on a 0,18 tonne de CO2 par TWh

 soit 0.18×245,8= 44,24 Mt

On suppose que les facteurs de charge du nucléaire et du fossile sont égaux

 

Tableau 3

Par rapport au Tableau 1 on augmente au maximum la contribution des ENR intermittentes.

  1. La limite de l’éolien est déterminé par deux facteurs : la puissance maximale de l’éolien compatible avec la stabilité du réseau. Le nucléaire doit jouer un rôle essentiel car il est, en France, la seule production de base, toujours présente. On suppose que la puissance éolienne est limitée à la moitié de la puissance du nucléaire (maintenue inchangée), soit 30 GW.
  2. Le facteur de charge de l’éolien est supposé égal  à  0,24  (équivalent à 2100 heures de fonctionnement à puissance nominale)

 

Pour le solaire ce sont les considérations de coût qui l’ont emporté. Nous avons supposé une production de 5 TWh et une puissance installée de 6,3 GW avec un facteur de charge de  9% équivalent à  788 heures de puissance nominale.

La production éolienne atteint 65 TWh, soit une augmentation de 55 TWh par rapport au présent.

La production PV atteint 5 TWh, soit une augmentation de 4,5 TWh

Le nucléaire voit sa production passer de 407,9 TWh à  348 TWh

 

Tableau 4

Il s’agit de maximiser la production des ENR intermittentes  tout en diminuant la consommation (production) d’électricité pour amener le nucléaire à 50%.

Il faut résoudre une équation assez simple respectant les contraintes.

Soit P la production totale. On exige que la production nucléaire N=0,5P

Les productions hydroélectrique H et fossiles F sont supposées les mêmes que dans le Tableau 1

La production ENR intermittente (éolien+PV) est limitée pour les raisons exposées plus haut. Pour la maximiser nous prenons en compte comme énergie de substitution non seulement le nucléaire mais aussi l’hydroélectricité et le fossile. La production intermittente R est alors

R=0.13×(N+H+F)

 

En utilisant la relation N=0,5P on obtient la production:

 P=0,5×P+H+F+0,13×(0,5×P+H+F)

Selon le Tableau 1

H+F=102,8

On obtient alors :

 P=(H+F)×(1,13/(0,5-0,5×0,13)= 267,04 et

 N= 133,52  

  et  R= 30,72

 

Tableau 5

Il s’agit de produire le maximum d’ENR intermittente, maintenir la consommation à son niveau actuel et augmenter la production fossile de manière à respecter la condition de 50% de nucléaire.

On retient la consommation totale au niveau de 520 TWh

Le nucléaire est supposé égal à 260 TWh

Les productions hydroélectrique, éolien et PV demeurent 61, 65 et 5 TWh. D'où la production thermique:

 520-260-61-65-5= 129 TWh, soit une augmentation de 129-41,7= 87,3

 Soit, en énergie primaire: 87,3/0,6= 145,5 TWh soit 145,5×0,086= 12,5 Mtep

 et 0,18× 158,73= 26,1 Mt de CO2

Compte tenu de l'apport des CCG on peut supposer que le facteur de charge des réacteurs nucléaires est augmenté à 80%, et, que, donc, leur puissance est réduite

  (260×1000)/(24×365×0,8)= 37 GWe

 Pour les CCG on peut retenir un facteur de charge de 70%, reflétant le fait qu'elles seront utilisées en base ou semi-base, La puissance des CCG devient

(129×1000)/(24×365×0,7)= 21 GWe

 

Tableau 6

On veut obtenir l’objectif de 50% de nucléaire en augmentant la consommation d’électricité, cette augmentation étant réservée au chauffage et « chassant » l’usage direct du gaz pour le chauffage. Il s’ensuit que le mix assurant l’usage « traditionnel » de l’électricité n’est pas modifié après prise en compte de la part maximum des ENR intermittentes ; autrement dit on se situe dans le cas du Tableau 3 qu’on modifie en augmentant la contribution de la production CCG.

On part donc de la production du nucléaire du tableau 3, qu’on multiplie par 2 pour obtenir la production totale :

N=348

P=2*348=696

La production de renouvelables  intermittentes est supposée égale à 13% de la production non intermittente. Soit

R=0,13*(P-R) ce qui conduit à R=P*(0,13/1,13)=0,115*P=80 que nous répartissons à raison de 75 pour l’éolien et 5 pour le PV

La production thermique devient alors :

696-348-80-61=207 TWh

La puissance nécessaire pour une telle production supposant un facteur de charge de 40% est de

207000/(24*365*0,4)=59 GW

 

Estimation du coût du programme ENR intermittentes

Nous supposons un investissement de 1,8 G€/GW pour l’éolien et 5 G€/GW pour le PV.

On obtient alors un investissement total de 65 G€ pour l’éolien et de 31 G€ pour le PV. La production de cet équipement serait de l’ordre de 80 TWh. Remarquons qu’une telle somme permettrait de construire 21 EPR pouvant produire  256 TWh.

Par ailleurs la mise en œuvre des énergies intermittentes se traduit par une diminution de la production nucléaire annuelle. Dans le cas du Tableau 3 la perte annuelle est de l’ordre de 60 TWh, soit, à raison de 33 €/MWh, 2 G€/an.


[1] Les Giga Watts électriques (GWe) sont fournis directement sous forme de courant électrique. Les Giga Watts  thermiques (GW ou GWth) correspondent à l’énergie totale produite par la combustion des combustibles fossiles ou nucléaires qui actionne les alternateurs ou turbines produisant le courant électrique. Le rapport entre GWe produit et GWth consommé est égal au rendement de l’installation.

[2]Rappelons que le facteur de charge est égal au rapport de la puissance moyenne délivrée par une installation de production d’électricité à sa puissance nominale, elle-même, généralement, égale à  la puissance maximum qu’elle peut délivrer

[3] Une énergie est dite fatale lorsqu’on n’est pas maître de sa disponibilité : exemple l’hydraulique au fil de l’eau, en absence de barrage de rétention, l’éolien, le solaire, l’énergie de la houle. Une énergie peut être fatale mais  prévisible, comme, par exemple celle des courants marins.

[4] L’exemple de l’Espagne est assez représentatif de ce que serait la France. En 2010 pour une puissance installée de 18 000 MW, la puissance maximale a été atteinte vers 12 000 MW (66 % Pi) , alors que la puissance minimale est au voisinage de 700 MW (4 %) avec des variations de 6 000 MW en 6 heures.

[5] Calcul fait à partir du prix de vente de l’électricité en sortie de centrale diminué du prix du combustible économisé.

[6] Valeur donnée sur le site Manicore de Jean Marc Jancovici. Il faut inclure dans cette estimation le rendement des chaudières à fioul, généralement moins bon que celui des chaudières à gaz. Il faut aussi  tenir compte du fait que le rendement des chaudières se détériore lorsque celles-ci ne fonctionnent pas constamment à leur puissance maximum.

[7] Le déploiement considérable de la production de l’éolien et du solaire sera très onéreux et son utilité est discutable. Nous l’avons pris en compte puisque l’hommage aux énergies renouvelables est  considéré comme un must  par tous les groupes politiques. Il faut tout de même remarquer  que le coût de cet hommage atteindrait entre  80 et 100 G€, , uniquement en investissements, soit environ 10 G€ par an avec un taux de 8% sur 20 ans, auxquels il faudra ajouter le manque à gagner annuel  de 1,8 G€  des réacteurs nucléaires, une paille dans les conditions économiques  actuelles.

[8] Il s’agit essentiellement du transport. Nous ne modifions pas ce chiffre car ce n’est pas l’objet de ces considérations

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