La France doit orienter ses efforts de décarbonation vers les secteurs les plus émetteurs

La France doit orienter ses efforts de décarbonation vers les secteurs les plus émetteurs.

 

 

 Publié par Le Monde de l'Energie le 16.12.2022 ,    par Sauvons le climat

Une tribune signée par l’association Sauvons le Climat, qui défend un scénario de sortie des combustibles fossiles dans une optique « positive, scientifique, cartésienne », sous la plume d’Éric Maucort, ancien cadre dirigeant d’EDF, président de l’association.

Les efforts de décarbonation doivent, au niveau français, être à l’évidence orientés vers les secteurs les plus émetteurs.

Il faut mettre fin à la fascination irraisonnée sur la production d’électricité alors que c’est un domaine sur lequel la France occupe depuis des années une position privilégiée (les émissions représentent moins de 5% des émissions du pays). Cette focalisation sans fondement, matérialisée dans la loi Transition Énergétique pour une Croissance Verte, éloigne l’attention des domaines sur lequel les progrès les plus importants restent à faire.

Il est essentiel que les politiques déployées s’inscrivent dans une vision globale qui, au-delà des dimensions environnementales, intègre les aspects économiques et sociaux. Elles doivent aussi s’inscrire dans la durée. Il est essentiel enfin qu’elles soient basées sur les réalités techniques et scientifiques en se basant sur les technologies existantes et non sur l’espoir porté par telle ou telle innovation potentielle (qui pourra être intégrée quand elle atteindra la maturité).

Les transports : quelles voies de décarbonation ?

En 2021, le secteur des transports représentait 30% des émissions du pays soit 119 millions de tonnes équivalent CO21, les véhicules légers étant à eux seuls à l’origine de 70 Mt. Il est donc logique d’engager rapidement une politique de décarbonation des transports individuels globale, cohérente et déterminée qui intègre, dans la durée, ses impacts sociaux. Transports collectifs, circulations douces, véhicules électriques (et infrastructures adaptées), véhicules basse consommation sont à intégrer en tenant compte des spécificités des territoires (la ville n’est pas la campagne). La question de la production des batteries, balbutiante en Europe et sur laquelle les pays asiatiques ont pris la main depuis des années, est à intégrer, parce qu’elle est essentielle pour la souveraineté européenne.

Le transport lourd (32 Mt) doit également faire l’objet de politiques déterminées favorisant les modes les plus respectueux de l’environnement. Le niveau de décarbonation de l’électricité française est, à ce titre, un atout essentiel pour le transport ferroviaire.

Agriculture, industrie, bâtiment

La politique agricole, à l’origine des émissions de 81 Mt doit probablement faire l’objet d’une approche globale, intégrant son objectif fondamental d’alimentation des populations mais aussi son rôle essentiel dans l’entretien des espaces et des paysages. Elle ne doit, d’autre part, pas être regardée uniquement comme une des causes du problème, mais également comme un pourvoyeur de solutions par la capacité d’absorption des sols ou par l’usage raisonné de la méthanisation de ses déchets.

L’industrie (78 Mt) doit être développée au bénéfice de la souveraineté du pays, mais aussi de l’emploi. L’électrification des process industriels qui peuvent l’être doit devenir, grâce à notre électricité décarbonée, un avantage comparatif pour l’industrie française dans la compétition internationale.

Dans le domaine du bâtiment (76 Mt), malgré les efforts réalisés depuis des années, les émissions ont très peu baissé. La RT 2012 a favorisé le développement du chauffage gaz dans le neuf, ce qui était une erreur manifeste. Les réglementations doivent obligatoirement prioriser le recours aux seuls vecteurs énergétiques décarbonées : les énergies renouvelables thermiques et l’électricité. Le changement de mode de chauffage, en particulier par le recours aux pompes à chaleur, est, dans la majorité des cas, la façon la plus économique et la plus rapide de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. En complément, les investissements dans la rénovation sont à poursuivre en priorisant les opérations les plus rentables vis-à-vis des économies à réaliser, et en premier lieu les passoires thermiques dont la rénovation présente, de plus, une dimension sociale qui en renforce l’intérêt.

La France est bien placée en matière de production d’électricité grâce à son mix nucléaire-hydraulique. Cet avantage doit être conforté et renforcé compte tenu de la hausse attendue des besoins en électricité. En effet, si les efforts de sobriété et d’efficacité énergétique entraineront une baisse de la demande en énergie, le développement des usages entrainera une hausse de la part de l’électricité dans la demande en énergie et, au final, un besoin en électricité accru : moins d’électricité par usage, mais plus d’usage pour l’électricité.

Il est temps de sortir des faux débats et, comme le demande le Haut Conseil pour le climat, de « mettre en œuvre les solutions ». On peut préciser « les bonnes solutions, celles dont l’efficacité est démontrée par les réalités scientifiques ».

 

Retrouvez aussi les deux premiers volets de notre série de tribunes de Sauvons le climat  

1Source ; Haut Conseil pour le Climat Rapport annuel 2022 (comme tous les chiffres de cette page)

 

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