En octobre 2021, nous avions attiré l’attention sur le méga projet appelé Horizeo prévu dans la forêt des Landes au sud de Bordeaux.
Selon le maître d’ouvrage, il s’agissait d’un projet multi-énergies ambitieux et innovant qui associait sur un même site production, stockage et consommation d’énergies exclusivement renouvelables.
Le projet se composait d’un élément central, le parc photovoltaïque, « dont le dimensionnement permettrait de produire une électricité abondante et compétitive ».
Horizeo était annoncé comme un levier de développement d’autres technologies d’avenir :
- Un centre de données (data center) de 10 à 20 mégawatts IT (puissance des équipements informatiques installés) pour s’inscrire dans une stratégie de neutralité carbone et participer à l’attractivité numérique des territoires ;
- Une unité de stockage d’électricité par batteries de 40 MW pour soutenir la stabilisation du réseau électrique ;
- Un électrolyseur d’une puissance d’environ 10 MW pour produire de l’hydrogène renouvelable provenant du parc photovoltaïque ;
- Une surface destinée à l’agri-énergie, comprenant une activité mixte agricole et énergétique sur 10 à 25 hectares.
Le projet HORIZEO s’affichait également comme étant une innovation par les interactions qu’il proposait entre chacune de ses briques :
- Le parc photovoltaïque produirait de l’énergie renouvelable pour l’électrolyseur et le centre de données ;
- Le centre de données par son fonctionnement produirait de la chaleur dite “fatale” qui pourrait être réutilisée dans le cadre de l’agri-énergie ;
- L’électrolyseur produirait de l’hydrogène à partir d’eau et d’électricité. 40 % de l’eau nécessaire à son fonctionnement ne serait pas consommée et pourrait être réutilisée dans le cadre de l’agri énergie (irrigation). » (Synthèse de dossier Maître d’Ouvrage p4).
Aujourd’hui les masques tombent et les opérateurs annoncent que leur projet est désormais ramené à 680 ha, mais qu’il est désormais réduit à un parc photovoltaïque de 700 MWc. Adieu, veaux, vaches, cochons, couvées : exit le data center, la réutilisation de chaleur, la production d’hydrogène. Reste l’agri-photovoltaïsme, passé sur une surface réduite de 20 à 8 ha (et les opérateurs prennent toutes les précautions oratoires pour expliquer que « il s’agit d’une activité très récente basée sur des technologiques expérimentales », bref, qu’il faut s’attendre à ce qu’il n’y ait rien du tout si ce n’est pas hyper subventionné).
C’est sans rire que les opérateurs expliquent que le projet a « beaucoup évolué pour répondre aux enjeux du territoire ».
« Le datacenter a été supprimé suite à l’enquête publique. L’électrolyseur n’a pas trouvé sa cible localement du point de vue des besoins en hydrogène pour la mobilité. Et tout récemment, le stockage de batterie a été supprimé dans le cadre de la concertation avec la mairie de Saucats pour diminuer les risques incendie notamment ». Ben voyons !
Le meilleur reste pourtant à venir : « Mais le cœur du projet était bien la production en masse d’énergie à des prix compétitifs ». (La Tribune 6 mars 2024).
C’est donc très clair : depuis le début, l’objectif était d’aligner des panneaux solaires fabriqués en Chine dans la forêt landaise.
Cerise sur le gâteau : la loi d’accélération des énergies renouvelables votée en mars 2023 interdit le défrichement de plus de 25 hectares en zone forestière. Les projets en cours avaient jusqu’au 10 mars pour déposer leurs dossiers et passer outre cette interdiction. La demande de permis de construire du parc de Saucats (c’est désormais sa vraie dénomination, le projet multi énergie de départ étant définitivement aux oubliettes) a été déposé quelques jours avant la date butoir.
Que pèsera l’avis négatif qui vient d’être donné par les élus locaux de la Communauté de Communes Montesquieu, territoire du projet ?
Que pèseront les réticences du Président de Région qui considère que « c’est un modèle de parc qui semble obsolète par rapport aux orientations de la loi d’accélération des énergies renouvelables » (Aujourd’hui en France 20 mars 2024) ?
Fin 2021, Sauvons Le Climat avait écrit dans le cadre de l’enquête publique :
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/ressources/base-doc/communique-mega-projet-solaire-de-saucats-bonnes-questions-mauvaises-reponses
Horizeo est un joli nom, probablement choisi pour contribuer à noyer le poisson. Et la soi-disant plateforme d’énergies renouvelables (« un projet ambitieux et inédit » (Dossier du Maître d’Ouvrage p12)) n’est qu’un habillage pour envelopper un mégaprojet solaire sans intérêt pour le climat (le bilan carbone n’est même pas présenté sérieusement), sans intérêt économique (sauf pour l’industrie chinoise peut-être), nuisible pour l’environnement (1 000 ha de pinèdes en moins) et néfaste pour la sécurité du réseau électrique (car porteur d’une intermittence de production dangereuse à cette échelle). Ainsi, contrairement à ce qui est affirmé dans la vidéo de présentation, le projet n’est ni vertueux, ni responsable. Ne laissons pas les opérateurs nous faire prendre des vessies pour des lanternes et une opération purement financière pour un projet industriel qui prépare l’avenir.
Non seulement le faux nez a disparu, mais à la mystification que nous avions identifiée dès le début du projet se sont ajoutés le cynisme et la provocation.
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