« Futurs énergétiques 2050 »

Georges SAPY

Une étude de référence de RTE aux hypothèses bridées

        L'étude de RTE dénommée ci-dessus, publiée le 25 octobre 2021, a été à juste titre unanimement saluée pour sa grande qualité d’analyse. Malheureusement, elle a ignoré certaines hypothèses.

       Parmi ses avancées, on citera une consultation approfondie de la société civile (industriels, institutions, organisations diverses, experts, etc.), initiative également saluée, qui a apporté un regard critique et de très nombreuses propositions concernant les hypothèses à retenir et discuter pour cette étude inédite.

       L’une des hypothèses qui a fait l’objet de très nombreuses interventions et débats a concerné le niveau de consommation d’électricité souhaitable à l’horizon 2050. C’est un sujet d’importance vitale sachant qu’à cette échéance les énergies fossiles qui représentent actuellement plus des deux tiers de la consommation énergétique du pays devront avoir disparu si l’on veut atteindre la neutralité carbone. L’électricité deviendra alors le vecteur énergétique ultra-dominant du pays, avec pour seul complément minoritaire une utilisation de biomasse dont le renouvellement annuel sera limité et sera directement utilisé dans la mobilité (biocarburants) et pour produire de la chaleur. Une production d’électricité abondante sera donc vitale pour assurer les besoins énergétiques globaux du pays.

       Comparé à la consommation actuelle d’électricité, l’éventail des hypothèses de consommation d’électricité proposées pour 2050 lors de la consultation a été très large, allant d’une stagnation voire d’une régression pour certaines ONG partisanes de la décroissance, jusqu’à une augmentation d’au moins 80 % pour plusieurs entités telles que les Académies, celle des Sciences et celle des Technologies et plusieurs organismes comme Sauvons le Climat, PNC-France, Le Cérémé et d’autres, ainsi que des experts indépendants. Il est important de noter que des augmentations du même ordre voire supérieures (jusqu’à 100 %) sont anticipées par les pays européens les plus comparables à la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Les hypothèses hautes proposées ci-dessus pour la France apparaissent donc comme à la fois raisonnables et réalistes si l’on veut éviter une décroissance mortifère pour le pays et ses habitants. Se donner un objectif élevé est enfin une démarche « sans regrets » car il est infiniment plus facile et moins coûteux d’ajuster un potentiel industriel disposant d’une marge, que d’être contraint d’augmenter en catastrophe ce potentiel. Eu égard aux temps longs de ce secteur, cela ne peut en effet mener qu’à des pénuries d’électricité très coûteuses car affectant durablement l’ensemble de l’économie et la vie des citoyens.

       RTE n’a pourtant retenu dans son scénario de référence qu’une consommation d’électricité à peine supérieure de 35 % à l’actuelle, même si des variantes un peu plus élevées ont été citées mais n’ont pas fait l’objet de scénarios complets. Mais surtout, les hypothèses élevées rappelées ci-dessus ont été ignorées. Refus de voir une possible réalité ?

       Il en résulte que l’étude diffusée par RTE le 25 octobre dernier n’explore pas la totalité de l’éventail des possibles, ce qui est pourtant le fondement de toute démarche prospective de qualité, menée selon les règles de l’art et avec la rigueur scientifique requise. Cette situation est incompréhensible car elle limite volontairement la vision prospective qui par essence ne doit pas l’être. Il en va d’ailleurs de même pour le taux de pénétration du nucléaire, limité à 50 %.

       Il serait donc encore plus incompréhensible que RTE ne complète pas son étude en prenant en compte tant les hypothèses de consommation mentionnées ci-dessus que celles d’un recours au nucléaire qui ne soit pas limité à 50 %. Ne pas examiner les conséquences possibles de telles hypothèses jetterait un doute inquiétant sur l’objectivité de la démarche et contreviendrait par ailleurs gravement aux obligations légales de RTE, tenu de présenter des résultats sincères, non limités à certaines hypothèses présélectionnées. Il est plus que temps pour RTE d’élaborer ces études prospectives complémentaires indispensables pour que l’on dispose d’une vision comparée complète des futurs réalistes possibles.

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