Arrêtons de chauffer: Pourquoi un réchauffement de 4°C doit être évité

Schnellhuber / Francis Durand

"Turn down the heat: why a 4°C warmer world must be avoided"

"Arrêtons de chauffer: Pourquoi un réchauffement de 4°C doit être évité"

Auteurs: SCHELLNHUBER et Al.

            Potsdam Institute for Climate Impact Research..

            Commissioned by World Bank, November 2012, 106 pp, 32 figs, env. 190 références.

climatechange.worldbank.org/.../Turn_Down_the_heat_Why_a_4_d...

 

Résumé par Francis Durand, membre de l'association Sauvons le Climat.

 

Ce rapport fait suite au rapport IPCC- AR4 (2007), dans l'attente du rapport AR5 prévu fin 2013. (IPCC = Intergovernmental Panel on Climate Change, en français GIEC)

Ce rapport est une synthèse de quelques 190 publications. La plupart sont fondées sur l'exploitation de modèles climatiques (dynamique de l'atmosphère , échanges atmosphère-océan, à l'échelle de la planète.), sur lesquels sont greffés des modèles auxiliaires concernant les glaces polaires et continentales, les productions agricoles, le comportement des biotopes, la santé....

 

Le rapport compare le climat actuel avec celui calculé pour l'année 2100, soit une vie humaine comme échelle de temps. Par le choix des modèles, l'élévation de température conduit à un réchauffement de 4°C vers l'an 2100, si les mesures de modération ne sont pas appliquées. Mais les modèles montrent quel'échauffement peut être plafonné vers 2°C si certains scénarios sont appliqués, certes très rigoureux, mais techniquement et économiquement réalisables.

 

Un monde plus chaud de 4°C signifie que la température moyenne annuelle globale de l'année 2100 est plus chaude de 4°C par rapport à la moyenne de la période pré-industrielle 1880-1900. Les échanges entre atmosphère et océan font que le niveau moyen de l'océan fluctue. Les variations de température globale et celles des niveaux océaniques sont enregistrés seulement depuis quelques dizaines d'années, les mémoires historiques sont fragmentaires. Or la planète a connu dans son passé géologiques des variations climatiques extrêmes. Les glaces polaires apportent des enregistrements fiables sur quelques 500.000 ans, montrant en particulier les cinq cycles glaciaires, le climat actuel étant celui d'une période interglaciaire (Fig.1). Il y a une remarquable corrélation entre la température au pôle sud et le niveau de l'océan .

 

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Fig.1: Température au pôle sud (qui varie entre 10°C en dessous et 4°C au dessus de la moyenne actuelle, carottes glaciaires), et niveau de l'océan (lequel varie entre 110 m en dessous et 10 m au dessus du niveau actuel, enregistrements géologiques), suivants les cinq cycles glaciaires.

ref. ROHLING et All. (2009) Antarctic temperature and globalsea level closely coupled over the past five cycles, Nature Geoscience 2 (7), 500-504,doi:10,1038/ngeo 557.

 

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Fig.2: Concentration en CO2 atmosphérique, suivant différents scénarios.

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Fig.3: Température moyenne globale, suivant différents scénarios

 

Les principales conclusions de IPCC-AR4 sont reconduites et amplifiées:

-Accroissement progressif de la teneur en CO2 atmosphérique: la teneur actuelle (390 ppm) est déjà la plus élevée des 15 millions d'années passées, et elle continue à monter (Fig.2).

- L'océan s'acidifie par dissolution du CO2, dont c'est un des puits majeurs. Compte tenu des courants, certaines zones océaniques deviennent corrosives vis à vis de l'aragonite, constituant des squelettes des espèces océaniques: disparition des coraux, migration du krill base alimentaire des animaux marins.... Les modèles prévoient une acidification plus forte que tout ce qui a été identifié dans le passé géologique, y compris lors des extinctions en masse des espèces.

-Accroissement progressif de la température moyenne du globe. (Fig.3) Les facteurs naturels (oscillations El Nino, variabilité solaire, aerosols volcaniques..) ne peuvent expliquer cette tendance, qui doit être attribuée sans équivoque à l'action humaine. Par rapport à la période pré-industrielle, sans action de modération les modèles prévoient 5 à 9 degrés d'ici 2100. C'est énorme par comparaison avec les températures des cycles glaciaires mentionnées plus haut. De plus cette augmentation n'est pas uniforme, elle est faible dans les zones tropicales, elle est beaucoup plus forte dans les zones septentrionales. Les zones sub-tropicales (dont Méditerranée, Afrique du nord, Moyen orient, et USA) verront les mois d'été s'échauffer de plus de 6°C en moyenne.

- Augmentation des précipitations, plus généralement intensification du cycle de l'eau, en relation avec l'augmentation des températures océaniques. Mais cette augmentation concerne les zones actuellement les plus humides. Les zones les plus sèches deviennent encore plus sèches. Les modèles pointent sur le bassin de l'Amazone, les rives de la Méditerranée, l'Afrique du sud, et le sud de l'Australie.

 

Le présent rapport met l'accent sur les comportement extrêmes, pour lesquels il détaille une méthode de traitement "statistique". Les auteurs ont sélectionné 8 modèles climatiques couplés, ceux qui prédisent l'accroissement de 4°C, qu'ils ont appliqués sur différents scénarios étudiés actuellement par IPCC. Les variations de température mensuelle sont traitées en distinguant la tendance longue durée et les fluctuations, d'où une déviation standard sigma, calculée sur la période 1901-2000. Les situations extrêmes sont présentées en terme de sigma.

- Vagues de chaleur extrêmes, sécheresses prolongées, canicules: leur fréquence et leur intensité augmentent et deviennent dramatiques. Le traitement ci-dessus montre que les calamités notées 3 sigma, exceptionnelles dans le passé (par exemple la vague de chaleur de 2010 sur la Russie), deviennent la norme annuelle vers 2100 pour la plupart des continents. Certains modèles sanitaires calculent 60000 à 165000 décès supplémentaires par canicule en Europe. Des modèles agricoles évaluent les surfaces concernées, de 15 % des terres arables actuellement, elles passent à 45 % vers 2100. Il peut s'ajouter des comportement biologiques catastrophiques au delà de certains seuils de température.

- Précipitations extrêmes: elles augmentent en fréquence et en intensité, mais essentiellement dans les zones déjà humides. Le rapport pointe la nécessité de construire des équipements hydrauliques adaptés. Toutefois les modèles globaux restent flous sur les distributions géographiques, par exemple lors de la mousson asiatique, quelle partie du bassin du Gange sera concernée ?.

- Montée du niveau des océans. Une partie est la conséquence physique de l'échauffement. Une autre résulte de la fusion des glaces, polaires et continentales, qui peut être considérable. Or les effets du réchauffement sont plus ou moins balancés par les précipitations, de sorte que les résultats sont ambigus. La montée semble inéluctable. Certaines iles basses devront être évacuées. Les villes côtières de l'hémisphère nord sont menacées, leur adaptation entraînera des frais considérables. Les zones les plus menacées sont les grandes agglomérations côtières de pays en développement: Madagascar, Mozambique, Mexique, Venezuela, Inde, Bengladesh, Vietnam. Pour ces régions, l'adaptation comporte une dimension sociale difficile à prévoir.

- Conséquences sur la biodiversité, sur la santé, sur les populations. Le rapport cite qualitativement de nombreuses publications. Les risques, les adaptations nécessaires, en particulier les possibles migrations de population sont à peine évoqués, vu la diversité des situations.

 

Appréciation par Francis Durand: un rapport touffu, plein de redondances, mais foisonnant d'informations chiffrées.

 

Deux notes issues de Google (liens devenus indisponibles):

- World Bank Flash:Turn Down the Heat - Why Tackling Climate Change Matters for Development. www.worldbank.org/.../world-bank-flash-turn-down-heat-why-tackli...

Les mesures proposées par la Banque Mondiale pour parer à ce réchauffement et préparer l'adaptation.

- World Bank on Climate: "Turn Down the Heat" - Is It Really This Bad? truth-out.org/.../13255-the-world-bank-report-turn-down-the-heat-is-.

Une brillante diatribe signée Bruce MELTON (Austin, Texas) que je résume: "Ce rapport, c'est le consensus d'il y a dix ans. Avec la faiblesse des dispositions actuelles, on est parti pour plus de quatre degrés, et les continents subiront plus du double. Les mesures de modération , d'adaptation existent, elles sont connues, elles pourront s'améliorer, et cela ne coûtera pas plus de 1 pour cent du PNB."

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