Réflexions sur le Débat Public sur l’EPR

SLC

 

Hervé Nifenecker, Secrétaire général du collectif Sauvons le Climat


Que pouvait-on attendre du débat ?
Il est, bien entendu, hors de question qu’un débat public réunissant quelques centaines de personnes puisse décider de la politique énergétique de notre pays en se substituant au parlement ou au gouvernement. Economiquement et financièrement irresponsable, il ne saurait pas non plus imposer des choix à une entreprise comme EDF. Dès le début du débat la règle en avait été clairement indiquée par les organisateurs: faire en sorte que chacun des acteurs du débat puisse s’exprimer et rendre publiques son approche et ses propositions. A cet égard la rédaction des cahiers d’acteurs a été une étape importante et utile.
EDF a constamment souligné que sa décision de réaliser l’EPR à Flamanville n’était pas prise et qu’elle ne le serait qu’au vu des conclusions du débat. Malheureusement des messages contradictoires ont émané du gouvernement, du parlement et, finalement, du Président de la République, semblant indiquer que la discussion n’était plus de mise. Cette ambiguïté a, probablement, découragé un certain nombre de nos concitoyens et limité la couverture médiatique du débat et, donc, peut expliquer son faible succès d’audience.
On aurait pu espérer que des suggestions puissent être faites et retenues par EDF ou les autorités politiques. A l’exception de la mise au point d’une procédure permettant de traiter la question des secrets défense et industriel, cet espoir ne s’est pas concrétisé, d’une part parce que les processus de décision semblaient trop avancés, d’autre part parce que ce genre d’approche pragmatique n’intéressait aucunement les organisations antinucléaires.
On peut se demander si le terme « Débat Public » est bien adapté à une procédure qui vise plutôt « l’information et l’expression du public ».
Le débat introuvable
Les organisations antinucléaires ont saisi le premier prétexte qui leur a été fourni par la maladresse du Haut Fonctionnaire de la Défense auprès du Ministère de l’Industrie pour se retirer du débat. Ces organisations sont coutumières du fait puisqu’elles avaient refusé de participer au Débat National sur l’Energie et se sont également retirées du Débat sur la gestion des Déchets Radioactifs. Pour elles ces débats ne sont que des occasions de répandre leur propagande en profitant des facilités financières qui leur sont offertes par la publication des cahiers d’acteurs. Alors qu’elles n’hésitent pas à ramener tous les débats à une dénonciation généralisée des organismes publics et des industriels, ces organisations semblent ne pas apprécier du tout d’être elles mêmes soumises à examen. Il aurait pourtant été intéressant de savoir quelles sont leurs propositions concrètes aussi bien pour diminuer les consommations énergétiques que pour produire de l’électricité sans produire de gaz à effet de serre. Sur tous ces sujets, en dehors des slogans du style « n’y a qu’à » et de la manipulation de la peur, nous n’avons pas eu grand chose à nous mettre sous la dent.
A l’avenir seules les organisations en ayant expressément fait la demande et s’étant engagées à en respecter les règles, devraient être admises aux « Débats ». En tous cas les organisations se retirant en cours de débat devraient rembourser les frais des prestations dont elles auraient bénéficié (publication des cahiers d’acteurs, par exemple).
Plus élaborés les arguments des « experts critiques » ne brillent pas toujours par leur bonne foi. Par exemple l’argument d’attendre les réacteurs de Génération IV a été très populaire tant que le Président de la République n’avait pas proposé la réalisation d’un prototype à l’horizon 2020. Les mêmes qui évoquaient tous les avantages des réacteurs de Génération IV s’élevaient contre cette proposition du Président. Ils semblaient aussi avoir oublié leur farouche opposition à Super Phénix qui était une préfiguration des réacteurs de quatrième Génération. De même, alors que personne n’a contesté que l’EPR était plus sûr que les réacteurs plus anciens (même si certains considèrent son niveau de sûreté encore insuffisant), personne n’a proposé de troquer la mise en route de l’EPR contre l’arrêt d’un ou deux réacteurs anciens. En réalité, malgré leurs protestations du contraire, les « experts critiques » rêvent d’une sortie du nucléaire aussi rapide que possible. Cette position idéologique de principe ôte une grande part de leur crédibilité lorsqu’ils affirment être indépendants.
Nous proposons qu’à l’avenir, on fasse un appel systématique à des experts étrangers dont la qualité soit garantie par les institutions scientifiques reconnues (par exemple des académies des sciences ou de médecine françaises ou étrangères).
Un rôle difficile pour le Maître d’Ouvrage
Dans le cas d’espèce le rôle du Maître d’œuvre, EDF, ne saurait être de définir la politique énergétique du pays. Contrairement à ce que semblent désirer certains, EDF n’a pas mission d’organiser la pénurie d’électricité, mais doit prévoir l’évolution de la consommation électrique et prendre toute mesure pour la satisfaire de façon optimum sur le plan économique et environnemental, sans exclure des incitations aux économies d’électricité. Le débat sur l’évolution de la demande électrique, pour intéressant qu’il fut, était plus la continuation de celui qui avait été mené sur l’énergie sous la houlette du précédent gouvernement qu’un élément de décision pour la construction d’EPR. Actuellement, chaque année, et ce, même en période de faible croissance économique, la consommation électrique du pays augmente au rythme de 1,5% par an. Sur les 7 ans qui nous séparent de la mise en service éventuelle de l’EPR ce sont donc 10% de besoins supplémentaires qu’il faudra satisfaire, aussi longtemps du moins que de fortes mesures gouvernementales n’auront pas infléchi la tendance. C’est sur cette base qu’EDF et les autres producteurs d’électricité doivent raisonner. L’EPR ne fournira que le cinquième de ces besoins. Il en manque donc les quatre cinquièmes. Ceux-ci ne sauraient être produits par les Energies Renouvelables (éolien surtout) car la production de l’électricité éolienne a les caractères d’une énergie de base et viendra essentiellement en déduction (et non en surplus) de la production nucléaire. Dans la réalité les kilowattheures manquants seront produits par des centrales à combustibles fossiles et conduiront à un doublement des rejets de CO2 par le secteur de production électrique français (augmentation d’environ 40 millions de tonnes des rejets). Dès maintenant EDF remet en service d’anciennes centrales à charbon ou à fioul tandis que les centrales à gaz (Poweo, par exemple) se multiplient.
Nous pensons qu’un « débat » continu sur la production d’électricité devrait être organisé dans notre pays, prenant en compte toutes les formes de production concernées : nucléaire, fossiles et renouvelables. Ainsi le public pourrait-il disposer d’une information complète et transparente sur un domaine capital pour notre avenir. En particulier, dès maintenant, la croissance rapide de la production électrique par des centrales thermiques à flamme devrait être mise en débat.
Notons également que la réalisation du parc d’éoliennes se heurte à de fortes résistances d’une partie de la population et que, là aussi, le public devrait pouvoir être informé et s’exprimer.
 

  • Assemblée Générale Ordinaire des Adhérents de Sauvons Le Climat
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