La sécurité d’alimentation en électricité du pays en danger (communiqué)

Georges SAPY

L’électricité produite sans émission de CO2 s’impose de plus en plus comme le vecteur énergétique le plus efficace et le plus économique pour décarboner massivement l’industrie, le logement, les transports etc… Choisir presque exclusivement de l’éolien et du photovoltaïque pour produire cette électricité décarbonée est cependant lourd de dangers sur la sécurité de l’alimentation en électricité des pays européens dans les années et décennies à venir.

Les deux causes en sont :

* La dégradation physique de l’équilibre des réseaux :

L’éolien et le photovoltaïque sont des sources d’électricité intermittentes qui produisent en fonction de la météorologie et non en fonction des besoins. Leurs variations, ajoutées à celles de la consommation, doivent donc être compensées pour maintenir l’équilibre entre production et consommation d’électricité sur les réseaux. C’est économiquement très coûteux par stockage / déstockage d’énergie quand la part d’électricité intermittente devient importante. Il faut donc faire appel à des productions d’électricité pilotables compensatoires. Or, les moyens pilotables existants se voient arrêtés à un rythme croissant en Europe. Leur arrêt répond soit au souci climatique louable de réduire les émissions de CO2, soit à la volonté de réduire voire supprimer complètement le nucléaire, nous privant ainsi d’une énergie pourtant très décarbonée. Avec l’accroissement des sources intermittentes et l’arrêt des sources pilotables, l’alimentation en électricité risque de plus en plus de faire défaut lors des pointes de consommation hivernales, lorsque les productions éoliennes et solaires font défaut du fait des conditions météorologiques.

À plus long terme, un réseau électrique très majoritairement alimenté par des sources éoliennes et photovoltaïques devrait être piloté par des systèmes électroniques intelligents. Il faut être conscient du fait que cette révolution technologique introduirait des vulnérabilités nouvelles, notamment en termes de cybersécurité, un risque supplémentaire pour la sécurité d’alimentation du continent.

* L’éclatement de la gouvernance européenne du système électrique de l’Europe :

Cette gouvernance est éclatée entre des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (responsables d’équilibre à tout instant et à toutes les échelles de temps) et des décideurs politiques. Les premiers ont la compétence mais aucun pouvoir. Les seconds ont le pouvoir mais semblent ignorer les contraintes physiques du domaine. Et la Commission Européenne ainsi que plusieurs pays européens semblent obnubilés par une pensée magique : le « tout éolien et photovoltaïque » va mettre fin au réchauffement climatique. Ces sources d’énergie sont donc grassement subventionnées alors que tous les autres moyens de production sont soumis par la Commission européenne à la loi du marché concurrentiel. Cela empêche de fait tout investissement rentable dans les moyens de production décarbonés les plus efficaces, parce que pilotables : l'hydraulique et le nucléaire. C’est la fuite en avant sans pilote ni visibilité !!!

Dans ce contexte européen fortement marqué par l’idéologie, la France a cru bon de programmer dans sa dernière PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Énergie) l’arrêt de 12 réacteurs de 900 MW d’ici 2035[1]. C’est une triple faute : climatique, sécuritaire et économique. Au-delà de risques de coupures transitoires d’électricité déjà très contraignantes (pour la population et pour l’économie) la continuité de l’alimentation concerne en effet plus fondamentalement la fourniture d’énergie en quantité suffisante pour éviter une décroissance économique mortifère. Or, un système électrique très majoritairement fondé sur l’éolien et le photovoltaïque impose la présence de surcapacités et de moyens de stockage/déstockage dont les coûts deviennent rapidement prohibitifs quand la demande croît. Un tel système est donc incapable d’assurer à un coût soutenable un remplacement massif des énergies fossiles par une électricité sans CO2, indispensable pour décarboner l’économie.

La conclusion s’impose : dans le contexte climatique actuel et futur, le recours à l’hydraulique étant très peu extensible, le maintien d’une production nucléaire importante[2], non émettrice de CO2 et parfaitement pilotable est la seule façon d’assurer à coût maîtrisé la sécurité de l’alimentation en électricité. C'est aussi la seule voie pour éviter un manque d’énergie dévastateur pour le niveau de vie du pays et qui serait, de façon certaine, inacceptable pour l’immense majorité des citoyens français.

[1] Cette programmation de la PPE semble contraire aux propos du Président de la République lors de son interview sur Brut : « Nous, on produit une électricité qui est parmi les plus décarbonées au monde, grâce à quoi ? Grâce au nucléaire ».

[2] Toujours dans son interview sur Brut le Président de la République assurait : « Moi, j’ai besoin du nucléaire. Si je ferme le nucléaire demain, qu’est-ce que je fais ? Le nucléaire est une énergie décarbonée non intermittente. Je ne peux pas le remplacer du jour au lendemain par du renouvelable. Ceux qui disent ça, c’est faux ». 

 

Pour lire l’étude complète de Georges SAPY (format pdf), suivre le lien : La sécurité d’alimentation en électricité du pays en danger

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