Université d'été 2019 : Les propositions de « Sauvons le Climat »

Sauvons le Climat

Université d'été 2019 « Réduire les émissions de CO2 dans le bâtiment »

Les propositions de « Sauvons le Climat »   pdfclic

 

L’université d’été 2019 de « Sauvons le Climat » (19 au 21 septembre 2019 à Nouan le Fuzelier) s’est intéressée à l’objectif, difficile et essentiel, de réduction des émissions de CO2 dans le bâtiment[1]. Elle suit celles des années antérieures, dans le même objectif d’une priorité climatique, les dernières ayant porté sur la mobilité propre, l’adaptation au changement climatique, quel avenir pour le nucléaire, l’urgence climatique[2].

 

Les principaux constats

- le domaine est identifié comme majeur depuis longtemps (plan Bâtiment Durable créé en 2009) et après des périodes de flottement, la volonté politique semble être à nouveau forte

- les résultats ne sont pas bons qu’il s’agisse des émissions de CO2, de la consommation d’énergie finale ou de l’utilisation de combustibles fossiles générateurs de déficit commercial (cf. analyse publiée par « Sauvons le Climat »).

- les orientations restent bloquées sur la logique de performance énergétique en oubliant la priorité climat/CO2 (alors que l'urgence climatique est désormais inscrite dans la loi).

« Le climat est le sujet majeur : on en parle 1 mn dans les présentations et on passe à la performance énergétique et aux énergies renouvelables (électriques) ».

- on n'agit pas assez vite

-        La SNBC (stratégie nationale bas carbone) affiche un objectif zéro gaz dans le bâtiment en 2050 et on continue à mettre du gaz dans le neuf

-        La RE 2020 sera un peu plus (seulement un peu) orientée climat

-        Il faut aller vite à des solutions simples et efficaces sans attendre des solutions magnifiques : « ce qui est gagné aujourd'hui est plus pertinent que ce qu'on espère gagner dans 10 ans ».

- traiter du bâtiment, c'est très vite traiter de la précarité (énergétique et globale) : le logement social est plutôt un bon élève par rapport aux autres (de plus, un logement précaire rendu performant en énergie est également meilleur pour la santé des occupants). On aide les précaires (déciles 1 et 2), mais probablement pas assez des catégories immédiatement supérieures.

- il existe des possibilités de plus en plus pertinentes sur l'enveloppe, les matériels et les solutions performantes : il faut coordonner leur mise en œuvre avec une place adaptée à chacun « sans viser des utopies intenables ». Les PME semblent être les entreprises les plus difficiles à mettre en mouvement au niveau de leur capacité de proposition.

- il y a une vraie difficulté de mise en mouvement des propriétaires (copropriétés, propriétaires bailleurs, …) : « on est dans un monde diffus sans motivation ». Dans tous les cas, un propriétaire doit être très motivé, car le retour sur investissement de l'isolation (quand la source d'énergie est performante) est très long y compris vis à vis du carbone

Cette situation globale a été dénoncée à juste titre par plusieurs des orateurs de notre Université d’été. Les faiblesses de la politique actuelle dans les domaines du résidentiel et du tertiaire, responsables de 23 % de nos émissions de CO2, ont été soulignées et les correctifs proposés sont résumés ci-après en 8 thèmes.

Les propositions de « Sauvons le Climat »

1. Le taux d’émissions de CO2 est primordial et doit gouverner les réglementations : Les dix prochaines années sont cruciales : le phénomène climatique est un phénomène cumulatif :

a.    Des objectifs prioritaires doivent être fixés vis à vis des émissions de CO2 par m2 et par an dans la RE 2020 (obligations dans le neuf et recommandations dans les rénovations).

b.    Le rôle de l’électricité décarbonée doit être pris en compte de façon prioritaire compte-tenu des innovations technologiques qui sont désormais industrialisées : (PAC (pompes à chaleur), adaptation de la consommation, … Il s'agit de passer en 30 ans de 193 TWh fossile (chauffage + ECS, soit 53 % du total) à 0. L'électricité représente aujourd’hui seulement 58 TWh.

c.     Dans le neuf, il faut gérer séparément le contenu GES (gaz à effet de serre) de la construction de celui de l’occupation afin d’éviter que le second ne soit dominé par le premier. Il faut donner des objectifs clairs aux maîtres d’ouvrage pour l’exploitation.

d.    Le retour d’expérience de réalisations dans le neuf comme dans la rénovation doit être amplifié, les résultats actuels étant très insuffisants (résultats parfois éloignés des objectifs fixés).

2.  L’effort principal doit être porté sur la rénovation, en raison de l’âge de notre parc. Il ne faut pas oublier qu’une rénovation utilisera beaucoup moins de matériaux qu’une maison neuve, et aura une empreinte carbone très inférieure : mieux vaut donc rénover que construire ou reconstruire. Les priorités de la rénovation sont claires :

a.    Supprimer le fioul, réduire progressivement mais drastiquement le gaz dans l’existant, y compris dans le neuf, hors périodes de pointes extrêmes (si possible avec du biogaz). Il faut éviter que le gaz fossile ne devienne l’énergie de la transition énergétique en France, car il faudra batailler pour le supprimer ultérieurement.

b.    Rechercher un niveau d’efficacité énergétique soutenable (performances de l’enveloppe). Il doit être optimisé en parallèle avec les gains résultant de la substitution d’une énergie décarbonée à une énergie carbonée, et d’un pilotage des consommations.

c.     Engager en priorité les méthodes d’isolation les plus efficaces économiquement.

d.    Supprimer les « passoires énergétiques » (avec prise en compte des situations précaires), mais sans oublier la grande masse des classes moyennes, participant largement aux émissions. Il faut en effet retenir l’évidence : la lutte contre les émissions ne peut être rentable dans les conditions actuelles, sauf taxe carbone très élevée.

e.    Adapter les rénovations aux taux d’occupation des locaux. Ce paramètre modifie profondément l’équilibre à trouver entre économies d’énergies (investissements lourds) et optimisation de l’exploitation (pilotage de la consommation avec retour sur investissements plus rapide).

3.          La question de l’équilibre saisonnier est essentielle dans un pays comme le nôtre. Elle passe par :

a.    Le développement des tranches horaires (électricité en particulier), associé à une exploitation des inerties thermiques.

b.    Un mariage optimisé (coût d’évitement) d’énergies de base pilotables et non carbonées et d’énergies EnR (énergies nouvelles Renouvelables) stockables (biomasse thermique, PAC, géothermie de subsurface ou profonde, hydraulique).

c.     L’usage pour les périodes tendues mais courtes de stockages de gaz (en réseau ou dans des stockages privatifs). Par exemple chauffage gaz récent adossé à une base électrique insérée dans le circuit qui fonctionne l’essentiel du temps, ou une association PAC et biomasse, …).

4.   Les énergies renouvelables thermiques doivent être plus massivement soutenues. Alors que les pompes à chaleur[3] commencent à se développer dans les maisons individuelles (enfin ! mais peu dans le collectif), le solaire thermique, la géothermie de surface, la biomasse performante (avec traitement des fumées) sont à la traîne. Un gros effort passe par une aide ciblée sur les entreprises performantes et innovantes, et par une augmentation des dispositifs de soutien à ces solutions.

5.   La valeur tutélaire du carbone est essentielle pour évaluer les investissements et les politiques publiques. C’est donc bien sur la comparaison des coûts d’évitement des émissions de CO2 que les investissements et réglementations doivent être évalués. Comme l’a montré le rapport de France Stratégie sur la valeur du carbone pour évaluer les investissements et les politiques publiques, le prix d’évitement de la tonne de CO2 conduisant à la neutralité carbone en 2050 sera considérable (évalué à 250 € la tonne en moyenne).

6.   La péréquation est un des éléments importants du lien social : elle doit être préservée. Les développements de l’autoconsommation ainsi que la régionalisation des mix présentent un risque évident pour, d’une part, la péréquation et, d’autre part, en raison du basculement qui en résultera pour les charges de distribution d’énergie d’une catégorie plutôt favorisée (région ou propriétaires) sur d’autres, moins favorisées.

7.   La lutte contre le changement climatique sera technologique et reposera sur des entreprises compétentes et compétitives. Ceci implique un développement urgent d’entreprises d’assistance à maîtrise d’ouvrage ou de maîtrisé d’œuvre, en particulier dans la rénovation, qui sera un marché diffus. Celui-ci est porté aujourd’hui par de nombreuses entreprises artisanales, n’ayant pas les compétences multiples requises, ou par de grands groupes qui, exploitant les avantages offerts par le gouvernement, sous-traitent massivement et sans contrôle réel de la qualité des travaux. Il est indispensable de disposer d'un tissu de PME qualifiées dans la rénovation afin de redonner la confiance aux clients.

8.   Une réglementation adaptée aux logements collectifs (copropriété, bailleurs, …) doit être élaborée. Il faut faciliter les actions collectives en faveur du climat, qu’il s’agisse de la décarbonation ou de l’efficacité énergétique, appuyées sur des majorités simples et des aides adaptées.



[3]   Une pompe à chaleur produit une chaleur qui est pour l’essentiel extraite du milieu ambiant, donc renouvelable. Le coefficient de performance peut évoluer selon les configuration de 3 à 7 (ratio entre l’électricité injectée et la chaleur fournie).

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