Colloque Organisé par ECOLOGIE RADICALE
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LES TRANSPORTS PROPRES de DEMAIN : QUELLES SOLUTIONS CONCRETES ?
Bref résumé du colloque tenu au Sénat le mardi 23 janvier 2007,
(par Simone BRUNET, Françoise DUTHEIL, Claude HUGUENIN, Annie WALLET)
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Les actes du colloque seront disponibles par la suite.
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Le Sénateur Jacques PELLETIER, Président du Groupe RDSE, ouvre le colloque devant une salle comble. Il rappelle que les transports sont à 98% tributaires des combustibles fossiles, et responsables d’environ 1/4 de la production de CO2 en France : comment respecter ainsi le protocole de Kyoto ? Il y a urgence à limiter le recours aux transports routiers qui transforment la France en un couloir d’autoroutes sur l’axe Nord-Sud, et d’accélérer la recherche sur des solutions alternatives.
Le fond des interrogations porte sur le changement climatique de la planète, profondément troublée, et qui devient pour tous le chantier prioritaire du XXIème siècle, tant pour les initiatives privées que publiques.
Les orateurs présentent l’état actuel de leurs recherches et débatent avec la salle dans l’ordre suivant :
- pour les voitures propres :
Monsieur Jean-Pierre GODGEBUER, Directeur scientifique du Groupe PSA Peugeot Citroën
Monsieur Serge DASSAULT, Président de la Société des Véhicules Electriques SVE, du Groupe Dassault,
- pour le pétrole : Monsieur Daniel LE BRETON, Chef du Département Transport Energie à la Direction de la Stratégie de TOTAL
- pour les autoroutes ferroviaires : Monsieur Philippe MANGEARD, Président de MODALOHR,
- pour les transports collectifs :
· Monsieur Michel DESTOT, Député-Maire de Grenoble, Président du GART (Groupement des Autorités Responsables de Transports Publics) ,
· Monsieur André ROSSINOT, ancien Ministre, Maire de Nancy, Secrétaire général de l’AMGVF (Association des Maires des Grandes Villes de France)
- pour le plan Biomasse : Le Ministre Délégué à l’Industrie, François LOOS,
- pour la fiscalité incitative à instaurer : Monsieur Serge LEPELTIER, ancien Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable, Maire de Bourges,
Pour ce qui concerne les voitures propres, Messieurs Jean-Pierre GODGEBUER, Directeur scientifique du Goupe PSA Peugeot Citroën et Serge DASSAULT, Président de la Société des Véhicules Electriques du Groupe Dassault, présentent l’état des recherches actuelles aboutissant aujourd’hui à plusieurs prototypes de voitures « propres ».
PSA a déjà réussi dans le domaine des moteurs diesel HDI à diminuer les émissions de CO2 d’un facteur de 20% par rapport au diésel classique.
Une autre approche concerne l’addition à l’essence de biocarburants pour aboutir à l’E85 et une offre commerciale européenne est envisagée courant 2007 sur les C4 et les 307 dont PSA a déjà l’expérience de commercialisaton au Brésil avec le flexfuel.
En association avec un petit moteur électrique, une technologie hybride HDI est en cours de commercialisation et des démonstrateurs sont en roulage sur les pistes : le gain est encore une fois de 20% par rapport au HDI initial. La consommation en carburant serait alors de 3,4 l /100 km et les émission de 90 g/km. L’équation économique reste à résoudre pour une commercialisation grand public en 2010.
Obligés de raisonner sur des marchés mondiaux, qui présentent des marchés fort différents, les constructeurs estiment que dans 10-20 ans les automobilistes auront le choix d’un bouquet énergétique de véhicules produisant moins de GES avec : soit un choix de voitures électriques, soit l’utilisation d’une grande diversité de carburants et de biocarburants, l’essence et le gasoil restant encore privilégiés pour longtemps.
Le système de propulsion SVE « électriques et hybrides rechargeables », développé avec une nouvelle génération de batteries, peut pour sa part être monté sur n’importe quelle carrosserie. Les premiers véhicules : Cleanova 2 et Cleanova 3, l’ont été sur deux Renault Kangoo et Scenic. Aujourd’hui 40 voitures roulent complètement équipées et une production plus importante est envisagée pour un client.
Les solutions techniques développées pour ces véhicules à propulsion électrique, c’est à dire 100% « propres », permettent en ville une autonomie allant de 150 à 200 km. Pour aller en dehors des villes, on utilise une petite hybride couplée en série au moteur électrique, permettant alors une autonomie de 4 à 500 km pour une consommation en carburant de 2 à 3 l/100 km.
Cette nouvelle génération de batteries au lithium, fabriquées en France, a une durée de vie allant jusqu’à 8 ans sans maintenance; le problème qui reste à résoudre est celui de leur miniaturisation et de leur fabrication de masse qui permettrait de commercialiser des voitures à un prix compétitif. Certains pays émergents et pollueurs comme la Chine et l’Inde veulent s’associer à ce programme de recherche pour leur propre compte. En France, une quarantaine de prototypes Cleanova – SVE roulent déjà en test. Des taxis et des voitures de fonction en sont équipées. Celles-ci pourraient être commercialisées dans 1 an ½ environ (2008). Des séries industrielles économiques pourraient être mises sur le marché entre 2009 et 2010.
Ces recherches sont d’autant plus urgentes que le contexte pétrolier place au-dessus de nous les problèmes d’indépendance énergétique et de sécurité d’approvisionnement. Or, grâce au succès du diésel, on n’arrive pas aujourd’hui à satisfaire la demande : on exporte de l’essence aux Etats-Unis et l’on importe du gasoil de Russie. Les raffineries les plus performantes n’arrivent pas à s’adapter à la demande, alors que cette demande va continuer de croître dans les années qui viennent. A cela s’ajoute que la norme européenne implique d’atteindre 140g de CO2 par km en 2008 et 120g en 2012*. Partis de 195g, nous sommes actuellement arrivés aux environs de 160g par km.
Dans ce contexte pétrolier, Monsieur Daniel LE BRETON, Chef du Département Transport Energie à la Direction de la Stratégie de TOTAL, estime que cela représente un enjeu très difficile qui nécessite des programmes de recherche importants. Pour atteindre les objectifs fixés, la technologie actuelle des hybrides n’arrivera pas à descendre assez vite jusqu’aux normes fixées. Il faudra mettre au point des biocarburants de 2ème génération qui utiliseront la biomasse au sens large, c’est à dire non plus des plantes spécifiques, mais toutes les sortes de biomasses. Là aussi, la ressource potentielle en Europe est faible : de l’ordre de 14% de la consommation de carburant, ce qui signifie à terme une nouvelle sorte de dépendance.
Peut-être les voitures hybrydes et électriques rechargeables feront-elles baisser les volumes.
Une autre vision serait de concevoir des bio-raffineries pouvant à la fois recevoir des combustibles fossiles ou des biocarburants ce qui permettrait de palier au problème de taille critique des usines.
Il y a en tout cas un vrai problème entre les objectifs et les moyens que l’on peut mettre en œuvre.
Fera-t-on un jour un grand saut avec l’Hydrogène, et les piles à combustible? Ceux-ci font l’objet d’expérience dans une usine à Berlin, mais pour l’instant la solution n’est pas économique, ni du côté véhicule, ni du côté produit. En fait, la
génération IV de centrales nucléaires pourra peut-être permettre de produire de l’Hydrogène à un rendement énergétique et à un coût économique rentable, mais il subsiste de profondes contraintes techniques à surmonter pour construire un vrai réseau de stations de distribution.
*N.B. : à l’heure de la publication, l’UE a décidé d’un compromis à 130 g/km.
Le second pôle du colloque est la réduction du transport routier de marchandises grâce au ferroutage. Le développer signifie trouver la combinaison entre le transport routier jusqu’aux gares ferroviaires et le convoyage par train qui va soulager les axes les plus chargés. Le Président de MODALOHR, Philippe MANGEARD, présente un nouveau concept rail-route « opti-modalités », se basant sur un wagon surbaissé et articulé permettant un transbordement souple et rapide, sécurisé et économique de semi-remorques, tout en respectant le gabarit des lignes ferroviaires existantes. Une fois arrivé à la gare de ferroutage, le semi-remorque est pris en charge par un camion-relais qui le conduit jusqu’à son point de destination. Cette solution nécessite une équation économique entre les distances, un trafic minimal, des fréquences de train, une logistique des systèmes au sol permettant le chargement et déchargement d’une rame (système Modalohr), ainsi qu’une gestion humaine des chauffeurs pour qu’ils laissent leurs camions et rentrent à la maison.
Ce système a été expérimenté entre Annecy et Turin dans une région de montagne à forte déclivité permettant de tester la fiabilité et la sécurité des systèmes techniques avec un succès complet, sur une distance de 170 km. Le premier maillon d’un axe Nord-Sud de près de 1000 km, Perpignan-Luxembourg, va être mis en place en 2007. Plusieurs centaines de milliers de camions vont ainsi libérer les routes.
Il s’agit maintenant de créer un fonds européen d’investissement pour développer le ferroutage. Le Groupe Vinci, la SNCF, la Caisse des Dépots et les Chemins de Fer Luxembourgeois, se sont déjà montrés intéressés.
Un programme européen d’ici à 2015 permettrait ainsi à 3 millions de véhicules de dégager les routes : solution à la fois économique, sécuritaire et écologique.
Le troisième pôle est le développement des transports collectifs dans les zônes urbaines, d’ évidence plus propres par personne transportée que les véhicules individuels. Mais l’application d’une politique vertueuse de diminution du recours à la voiture individuelle pose des problèmes culturels aussi bien que d’organisation du territoire, nécessitant de mettre en place des plans d’urbanisation limitrophes, des réseaux de villes, régionaux, inter-régionaux et même transfrontaliers, ainsi que développés dans les témoignages de Messieurs Michel DESTOT, Député-Maire de Grenoble, Président du GART (Groupement des Autorités Responsables de Transports Publics) et André ROSSINOT, ancien Ministre, Maire de Nancy, Secrétaire général de l’AMGVF (Association des Maires des Grandes Villes de France) et aussi Président des Agences d’Urbanisme, lieux où l’on réfléchit à la prospective urbaine, à l’aménagement du territoire et à l’étalement urbain. Les vrais écologistes seront ceux qui concilient le développement économique, la solidarité sociale et la protection de l’environnement.
On peut citer comme exemple la mise en place du TGV Est, financé à 25% par 17 collectivités territoriales, représentant l’un des premiers maillons d’un nouveau plan de transports qui réponde à un aménagement du territoire national et transfontalier, plus rapide, plus économique et plus écologique. Il faut sortir du shéma d’interconnexion des transports en étoile typique de la France centralisée depuis Napoléon. L’organisation des transports ne peut plus être considérée comme un acte technique mais comme une fonction intersociale et intergénérationnelle.
Ceci implique de mettre en place des débats publics entre les différents acteurs sociaux et institutionnels concernés, jetant les bases d’une démocratie représentative allant jusqu’aux ateliers de vie de quartier : la question se pose d’organiser la ville en fonction d’un Plan de déplacement Urbain considérant chaque flux d’habitants, car on touche globalement à l’activité des Hommes, Femmes, salariés, commerces, étudiants, handicapés et familles. Il y a ici une réflexion de stratégie partagée, car le transport est un acte sociétal qui touche au partage de l’espace public.
Le Ministre Délégué à l’Industrie, François LOOS, souligne qu’autant le secteur industriel a fait beaucoup de progrès dans la diminution des GES (baisse de 22%, grâce en partie à l’électricité nucléaire non polluante), autant le secteur des Transports et celui de l’Habitat doivent accomplir à leur tour des efforts conséquents pour que les objectifs du Plan Climat, initié par le Ministre Serge LEPELTIER, soient atteints en France.
Fin 2005, le Premier Ministre a décidé d’accélérer les mesures concernant les transports et le Ministre François LOOS a mis en place le Plan Biocarburants qui place la France en avance dans l’UE, en rapprochant de 2 ans les échéances de façon à mettre en place les filières industrielles avant que le problème ne devienne très grave. En dehors des questions d’efficacité énergétique, il faut en effet poser l’hypothèse qu’un jour le pétrole sera très cher, car aujourd’hui l’augmentation de la consommation de pétrole est plus importante que l’augmentation des investissements nécessaires à sa production. En se mettant dans les conditions d’un risque qui peut advenir, les objectifs sont ceux d’une introduction progressive des biocarburants à hauteur de 5,75% en 2008, 7% en 2010 et 10% en 2012. A la hauteur de 7% de bioéthanol dans le carburant de toutes les voitures, le plan permettrait d’éviter le recours à 3 millions de tonnes de pétrole en 2010.
Toutefois, l’élaboration de ce plan a conduit à une grande complexité dans l’effort partagé et synchronisé de mise en adéquation à la fois de développements d’un plan agricole de quelques dizaines ou centaines de milliers d’hectares de betterave ou de colza, impliquant agriculteurs et coopératives, d’un plan industriel pour assurer la production de la biomasse, de la construction d’installations de transformation, de stockage et de distribution. Il s’agit d’une voie de développement riche en perspectives pour la France : 20 usines sont en construction, 30.000 emplois et 2 miliards d’€ sont concernés. D’ores et déjà 500 nouvelles pompes vertes seront installées cette année chez les grands distributeurs, tels Leclerc et Carrefour.
C’est aussi un supplément d’activité pour l’ agriculture que la fin de la PAC en 2013 peut remettre en question.
Le gouvernement est allé encore un peu plus loin dans les biocarburants à haute teneur, après avoir confié à Alain PROST un groupe de travail, en lançant les carburants « flexfuel » E85 à 85% d’éthanol, et B30 à 30% de diester pour lequel Peugeot et Renault mettront en vente les véhicules adaptés au cours de l’année.
Ne pas exploiter cette filière, c’est aussi prendre le risque que des tankers venus du Brésil envahissent le marché de la biomasse, comme c’est le cas pour la Suède.
Monsieur Serge LEPELTIER, ancien Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable, Maire de Bourges, est aussi l’ auteur d’un ouvrage « la mondialisation, une chance pour l’Environnement ». Le Ministre clôture ainsi le colloque en évoquant des mesures touchant tant au transport qu’à l’habitat.
Comment amener le consommateur à acheter ces véhicules qui seront plus propres ?
Une première solution a été celle d’obliger les constructeurs à faire des véhicules propres en terme de qualité de l’air, ce qui est maintenant réalisé avec succès.
Le problème reste celui du CO2 pour lequel les contructeurs ont pris un engagement de réduire les émissions des 160g /km actuels à 140g/km. Pourquoi ont-ils dits qu’ils n’y arriveraient pas, alors que techniquement on y arrive tout à fait ? C’est parce que passer de 160 à 140g coûterait 1.200 € par véhicule, et passer de 140 à 120 g, 2.500 € supplémentaires. C’est un coût considérable de nature a freiner les achats, voire casser le marché.
Il faut donc des incitations fiscales fortes à l’achat de véhicules propres, pour lesquelles le Ministre préconise en particulier les suivantes:
- un crédit d’impot, qui existe déjà aujourd’hui à hauteur de 2.000 €, pour l’achat d’une voiture propre ; mais cette mesure est peu utilisée car la définition de la voiture propre est trop restrictive, et à reconsidérer.
- la proposition préférentielle est celle d’un bonus-effet de levier pour les voitures propres – à hauteur de 800 € - et d’un malus pour les voitures polluantes en fonction de leur degré d’émission de GES, le malus finançant le bonus : il s’agit des ex-« balladurette et jupette », mais l’idée n’est actuellement que partiellement appliquée par le paiement du malus via la vignette, sans pour autant que le bonus ait été retenu ;
- une prime au rebut pour inciter les propriétaires des véhicules particuliers les plus anciens à les sortir du parc automobile : une telle mesure alliant une prime de 800 à 1.000 € avait été prise avec les ex-« balladurette et jupette » ; les voitures anciennes polluant plus que les plus récentes, cette mesure aurait un impact tant sur le renouvellement du parc, qu’un impact environnemental sur l’air ;
- la 4ème solution serait la modulation de la TVA (aujourd’hui uniforme à 20%) en fonction de l’impact environnemental des véhicules, les plus performants étant taxés à 5%, les moins performants à 25 ou 30%. Cette mesure ne coûterait rien au budget de l’Etat , mais aboutirait à ce que les produits propres soient moins chers que les produits polluants ;
La proposition, qui peut s’appliquer non seulement à la voiture, mais à tout autre produit en fonction de ses émissions, fait partie du « Projet Radical » et est inscrite dans le programme de l’UMP.
Le colloque est clos à 20 h.