Pourquoi des risques de coupure d’électricité ?

Sauvons Le Climat

Pourquoi des risques de coupure d’électricité ?

Les pénuries d’électricité qui se profilent pour la France ont une cause connue : la
réduction irresponsable des marges du système électrique due à la politique énergétique
des dirigeants de ce pays

Au début de l'année 2021, Sauvons le Climat alertait sur la dangereuse dérive de la qualité et de la sécurité de notre système électrique par deux articles argumentés :

- La sécurité d'alimentation en électricité du pays en danger :  lien vers le site SLC

- Du 1er au 8 janvier 2021 notre réseau électrique n’a tenu que grâce au nucléaire, à l’hydraulique et aux importations ! Une fragilité accélérée du mix électrique français :  lien vers le site SLC

Les semaines passées ont montré combien ces alertes étaient justifiées et combien la situation de notre alimentation en électricité est de plus en plus fragile. Cet état de fait n'est pas lié à des circonstances exceptionnelles, mais à une suite de décisions dépourvues de toute vision prospective.

En 2020, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux, en s’en glorifiant en outre, que de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim en parfait état de marche et qui produisait 1 800 MW d’électricité décarbonée. Décision politicienne, aberrante et irresponsable initiée par l’ancien Président de la République et mise en œuvre par son actuel successeur. Or, dès l’été et l’automne 2020, ces 1 800 MW ont manqué et ont conduit à rallumer les centrales au charbon, situation totalement inhabituelle à ces périodes de l’année. Mais surtout, ces 1 800 MW manquent cruellement en période hivernale de forte demande, comme actuellement.

Cette fermeture est de plus intervenue après celle de plus de 7 000 MW de grandes centrales au fioul et au charbon depuis 2015. Certes, elles émettaient du CO2, mais comme elles fonctionnaient très peu de temps chaque année, uniquement pour passer les pointes de consommation hivernales les plus critiques, leur impact climatique était très limité. Par contre, leur apport en puissance lors de ces pointes de consommation apportait une indispensable sécurité d’alimentation en électricité.

En résumé, on a supprimé massivement 9 000 MW de moyens de production pilotables, c’est-à-dire fortement réduit les marges du système électrique, sans que les Présidents de RTE en exercice, l’actuel et son prédécesseur, responsables, de par la loi, de l’équilibre production-consommation d’électricité du pays, n’alertent sur les réels dangers de ces suppressions autrement que par des communiqués lénifiants invoquant certes une « réduction des marges de sécurité » du système électrique dans les années à venir, mais n’appelant qu’à une simple « vigilance ».

Espéraient-ils que ces réductions de moyens pilotables seraient compensées par les productions éoliennes et photovoltaïques, aléatoires et intermittentes ? Ou bien pensaient-ils plus utile de dire aux dirigeants politiques ce que ces derniers avaient envie d'entendre, en espérant que des circonstances météorologiques favorables leur permettraient d'échapper à la réalité ? Quoi qu’il en soit, ces dirigeants ont gravement failli à leur mission. La récente situation leur apporte un sévère démenti : malgré les actuels près de 19 000 MW d’éolien et 13 000 MW de photovoltaïque en puissance installée, soit près de 32 000 MW au total, l’équivalent de 32 réacteurs, ces sources n’ont pas apporté grand-chose durant les trois journées froides des 20, 21 et 22 décembre derniers. Le photovoltaïque n’a rien produit durant les longues nuits autour du solstice d’hiver et très peu produit lors de ces très courtes journées, avec un soleil très bas. Quant à l’éolien, il n’a représenté qu’entre 2 et 5 % de la production totale d’électricité durant ces trois jours. Ces résultats démontrent, s’il le fallait encore, qu’on ne peut pas compter sur ces deux sources d’électricité, surtout quand le vent manque également dans tous les pays voisins à peu près en même temps, ce qui les met dans la même situation que la France et réduit leurs capacités d’exportation. C’était le cas durant ces trois jours : en Allemagne ; au Danemark ; aux Pays-Bas ; etc.

Que penser, dans ce contexte, de la récente déclaration du Président de la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie) qui, évoquant les 3 000 MW de parcs éoliens en mer non construits en 10 ans, a déclaré « On n’aurait pas de crise si on avait 3 GW de plus » ? Toutes les études sérieuses, confortées par de très nombreuses observations provenant de pays fortement équipés à la fois en éolien terrestre et en mer, l’Allemagne, Danemark, etc.), confirment que lorsqu’il n’y a pas de vent à terre, il n’y en a en général pas non plus à quelques kilomètres des côtes. Par conséquent, ces 3 000 MW n'auraient probablement fourni durant ces trois journées que quelques % de leur puissance, soit quelques centaines de MW… Apport dérisoire.

Bien sûr, le nucléaire ne produit pas actuellement ce qu’il devrait produire. C’est oublier un peu vite que la première période de confinement du printemps 2020, très stricte, a fortement impacté le programme de maintenance des réacteurs, du fait de l’interruption quasi-totale des travaux dans un premier temps, suivie de limitations d’effectifs et de « gestes barrières » ayant fortement ralenti la suite de ces travaux. Or ces derniers débutent traditionnellement fin mars/début avril et se terminent fin octobre/début novembre, afin que le maximum de réacteurs soient disponibles pour le passage de l’hiver qui suit. En dépit d’une ré-optimisation d’ensemble du planning de maintenance, ce dernier en a été profondément retardé, avec des répercussions amenant certains réacteurs à être arrêtés durant les deux hivers suivants, celui de 2020-2021 et celui de 2021-2022. D’où le nombre anormalement élevé de réacteurs arrêtés pour le passage de cet hiver. La situation a en outre été aggravée par la découverte d’une altération due à la corrosion sur des tuyauteries d’un système de sûreté sur le réacteur N°1 de Civaux, qui était en arrêt programmé décennal pour contrôles approfondis jusqu’au 30 avril. Cette découverte a logiquement conduit à arrêter par précaution les 3 autres réacteurs identiques de type N4 du parc, pour contrôles des mêmes tuyauteries et remplacements si nécessaire.

Les leçons de cette situation sont claires : certes, personne ne pouvait prévoir la pandémie de Covid-19. Par contre, il était du devoir des dirigeants de ce pays, dans leurs fonctions respectives, de ne pas affaiblir inconsidérément les marges de sécurité du système électrique, l’arrêt des 1 800 MW de Fessenheim non émetteurs de CO2 relevant dans ce contexte du scandale absolu à tous égards. Car cette perte de marges a une conséquence immédiate : toute baisse de production nucléaire, quelle qu’en soit la cause, met le système électrique sous forte contrainte.

La leçon pour la suite est également claire : la LTECV et la PPE qui en découle, qui programment l’arrêt supplémentaire de 12 réacteurs de 900 MW sans raisons techniques ou économiques entre la fin de la décennie et 2035, sont irresponsables car elles mettraient de façon certaine une partie du pays dans le noir tous les hivers. Il est au contraire impératif de conserver tous les réacteurs existants et d’étendre leur exploitation jusqu’à au moins 60 ans, sous le contrôle de l'Autorité de Sûreté Nucléaire. Et il est impératif de relancer en urgence la construction de nouveaux réacteurs, car ce n’est pas moins de nucléaire mais au contraire davantage de nucléaire qu’il faut prévoir pour assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité dans les décennies à venir. En effet, au-delà de l’hydraulique dont la capacité est et restera limitée, le nucléaire est la seule source de production décarbonée pilotable à grande échelle. Il faut donc disposer d’un parc important pour que notre système électrique soit résilient vis-à-vis d’arrêts fortuits de quelques réacteurs.

Suite à la publication par RTE, fin décembre 2021, de son document RÉACTUALISATION DES PERSPECTIVES D’ÉQUILIBRE OFFRE-DEMANDE EN ÉLECTRICITÉ POUR L’HIVER 2021-2022 qui fait état de risques de coupures d’électricité en janvier et février 2022, le gouvernement a pris en urgence le 23 décembre 2021 un décret autorisant « en dernier recours » des coupures de consommateurs pendant un maximum de 2 heures, sachant que 200 000 consommateurs pourraient être concernés à tour de rôle par ces coupures. Ce décret protège juridiquement le gouvernement mais n’empêchera pas les coupures. Ce même gouvernement vient en outre de mettre en consultation un projet de décret modifiant le plafond des émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon, pour augmenter par dérogation le nombre d’heures annuelles de fonctionnement de ces centrales, de 700 heures actuellement à 1 600 heures en 2022, dont 1 000 heures d’ici fin février. Le but est de pouvoir faire fonctionner plus longtemps ces centrales afin de faire face aux pénuries d’électricité. Mais ces mesures d’urgence de court terme et aux effets concrets très limités n’effaceront pas les conséquences des décisions irraisonnées de fermetures qui ont été prises par les différents responsables qui avaient la charge de la sécurité d’alimentation du pays. Ces fermetures sont malheureusement irréversibles et continueront à peser dans les années à venir.

Il est plus que temps d’abandonner les illusions hors-sols et de revenir aux réalités pour en tirer toutes les conséquences : la gouvernance du système électrique français, d’importance vitale pour le pays, est incompatible avec l’imprévoyance et l’amateurisme.

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