Le vrai choc pétrolier reste à venir pour l’Europe !

SLC

La très forte augmentation du prix du pétrole fin 2008 et la récente grève des raffineries viennent de nous rappeler brutalement notre extrême dépendance au pétrole, et tout particulièrement aux carburants pétroliers.

Or la quantité de pétrole qui pourra être sortie du sous-sol de la planète va bientôt diminuer sans espoir de retour, et cela quels que soient les progrès technologiques et les investissements réalisés.

C’est déjà le cas de la seule province pétrolière et gazière importante d’Europe, la Mer du Nord : sa production de pétrole, y compris les hydrocarbures liquides extraits de ses gisements de gaz naturel, a plafonné à environ 6 millions de barils par jour (300 millions de tonnes par an) de 1999 à 2001. Elle a maintenant diminué de 40%, malgré d’immenses progrès dans les techniques d’exploration, d’exploitation et de récupération. Car les véritables causes de ce déclin ne sont pas technico-économiques, mais géologiques: voilà en effet bien longtemps que l’on ne découvre plus assez de gisements en Mer du Nord pour remplacer les gisements qui sont en voie d’épuisement !

Pour les mêmes raisons, les productions de nombreux pays pétroliers sont déjà sur la pente descendante, et parfois depuis longtemps. C’est le cas des Etats-Unis, en son temps premier producteur mondial, dont la production a connu un maximum en 1971, puis diminué de presque moitié malgré les développements de l’Alaska et du Golfe du Mexique.

La production mondiale elle-même chutera fortement dès que la production de l’Arabie Saoudite aura atteint son maximum possible! Mais l’on observe déjà que depuis 2004, malgré la formidable augmentation des prix du pétrole qui aurait dû la stimuler, malgré également le renfort croissant des pétroles non-conventionnels1 tels que les hydrocarbures liquides extraits du gaz naturel, les bitumes des sables bitumineux du Canada et les huiles extralourdes du Venezuela, et de celui des « pétroles artificiels1 » que sont les biocarburants (biomass-to-liquids, BTL) et les carburants fabriqués à partir du gaz (gas-to-liquids, GTL) ou du charbon (coal-to-liquids, CTL), la production mondiale de pétrole fluctue autour de 85 millions de barils par jour (4,25 milliards de tonnes par an) toutes catégories confondues ! La population mondiale ayant continué d’augmenter, la quantité de pétrole disponible par habitant de la planète a en fait déjà commencé à décliner!

Plus inquiétant encore, les quantités disponibles sur le marché international pour les grands pays consommateurs sans ressources pétrolières notables que sont la France et la très grande majorité des pays européens vont décroître plus vite que la production mondiale, du fait de la concurrence effrénée des grands pays émergents et de l’utilisation croissante par les grands pays producteurs de leur pétrole pour leur propre développement. Ces pays producteurs voudront aussi de plus en plus garder du pétrole en terre en prévision de l’avenir. Les quantités disponibles sur le marché pourraient ainsi diminuer d’un tiers au cours des quinze à vingt ans à venir2, avec pour conséquence une envolée des prix !

Il est donc d’un intérêt stratégique pour la France et plus généralement pour les pays européens, de diminuer très rapidement leur consommation pétrolière, tout particulièrement dans le domaine des transports. En effet 70 % des produits pétroliers issus des raffineries sont en Europe des carburants, et les transports en dépendent à 98 % !

Les propositions pour cela sont légion: carburants d’origine non pétrolière : biocarburants (BTL), carburants produits à partir du gaz naturel (GTL), du charbon (CTL) ou des schistes bitumineux (STL) –  voitures électriques ou hybrides rechargeables – voitures utilisant l’hydrogène comme carburant - transports en commun et ferroutage, etc…

Mais les méthodes proposées seront très coûteuses et surtout, le temps nécessaire à leur  mise en place à une échelle significative sera trop important face à la rapidité du déclin annoncé des quantités de pétrole disponibles sur le marché international. Même avec un programme d’urgence (« crash program», comme disent les Américains3) on n’y arrivera pas. D’autant plus qu’il faut écarter résolument les méthodes qui amplifieraient la consommation des combustibles fossiles autres que le pétrole, telles qu’en particulier la fabrication à partir de ceux-ci de GTL, de CTL, de STL et d’hydrogène-carburant. En effet non seulement les émissions de gaz à effet de serre et leurs menaces sur le climat en seraient accrues, mais aussi la raréfaction de ces combustibles fossiles4 en serait accélérée.

 Or il est possible de faire baisser considérablement et rapidement la consommation de carburants pétroliers des véhicules à moteur thermique par des moyens déjà à notre disposition. Cela peut se faire :

-          Par un « effort citoyen »: diminuer sa vitesse moyenne de 10 % sur ses trajets habituels, pratiquer l’éco conduite, et n’utiliser la climatisation que lorsqu’elle est vraiment nécessaire permettent de diminuer d’environ 30 % la consommation d’un véhicule. Une diminution de 5 à 10 % est encore possible en réduisant l’usage de la voiture. Ce ne sont que des efforts sur nous-mêmes, sans investissement ni technologie nouvelle. Et chacun gagnerait, en particulier financièrement, à ce que cet effort soit effectivement citoyen plutôt qu’imposé par des augmentations astronomiques de prix des carburants provoquées par une pénurie, ou par des limitations autoritaires de vitesse.

-          Par une amplification de l’effort technologique en cours : allègement des véhicules, arrêt du moteur lors des attentes (stop-start), améliorations de rendement des moteurs (downsizing, combustion homogène…) permettent déjà de diminuer de 20 % environ la consommation moyenne des véhicules ainsi conçus.

-          Par le renforcement des politiques de bonus/malus en faveur des véhicules économes.

Cela devrait permettre d’abaisser  la consommation de carburants pétroliers en Europe dans des proportions suffisantes pour faire face au déclin annoncé de leur disponibilité sur le marché international au cours des vingt ans à venir. Cela donnerait aussi le temps qui autrement manquerait cruellement à l’aboutissement d’actions à plus long terme, en particulier le plein développement d’un transport électrique (véhicules légers et transports en commun) utilisant une électricité décarbonée, et une politique de la ville et des déplacements vigoureusement orientée vers un usage plus limité des transports.

Un tel activisme citoyen et une telle politique iraient dans le sens d’un renforcement économique de l’Europe et de la politique européenne de réduction des gaz à effet de serre.

Prenons garde : les envolées de prix du pétrole ont été suivies de récessions sévères dans les grands pays industrialisés, dès que la facture pétrolière a dépassé 4 ou 5 % du PIB5 !  Trop d’attentisme dans ce domaine risque d’empêcher pour longtemps la croissance matérielle en Europe.

 

1-      on classe dans les  pétroles non-conventionnels :1- les hydrocarbures liquides qui sont dissous dans les gisements de gaz naturel. Ils représentent actuellement 10 % de la production pétrolière mondiale. 2-Les  pétroles dits extralourds, de très forte viscosité, le plus souvent parce que les gisements les contenant ont été portés par le jeu des mouvements tectoniques et de l’érosion à proximité de la surface, et que le pétrole qu’ils contenaient a alors été fortement altérés par l’oxygène dissous dans les eaux de surface et par des bactéries. Ils sont beaucoup plus difficiles à extraire que les pétroles conventionnels qui sont beaucoup moins visqueux. Leur production représente actuellement 3 % de la production mondiale.

1.      La production des pétroles artificiels représente actuellement 2 % de l’ensemble précédent.

2-      voir par exemple Brown et al. 2010 sur le site www.aspousa.org/presentation2010files/

3-      voir Hirsch 2010 sur le site www.aspousa.org/presentation2010files/

4-      A partir des prévisions d’évolution de la consommation mondiale sur les bases actuelles, on estime que la production de gaz naturel devrait commencer à décliner d’ici  vingt ans, et celle de charbon d’ici quarante ans. La fabrication à partir d’eux de carburants ou d’hydrogène pour faire rouler les voitures réduirait très sensiblement ces délais.

5-      voir par exemple Skrebowski 2010 sur le site www.aspousa.org/presentation2010files/

Il nous faut encore les multiplier par 3 ou 4 les éoliennes existantes. Donc on n’a fini d’en voir le bout si c’est ça qu’on veut faire.Toute la question c’est de savoir si on veut, si dans la préservation la lutte pour préserver le climat on ne doit pas aussi prendre en compte la préservation d’un tout petit peu d’espace naturel qui ne soit pas transformé par l’homme.
  • Assemblée Générale Ordinaire des Adhérents de Sauvons Le Climat
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