Analyse du scénario Négawatt 2011

Claude Acket – Pierre Bacher

 

Claude ACKET – Pierre BACHER [1] Analyse du scénario Négawatt 2011 - 10 novembre 2011

 

Sommaire

Résumé

Introduction

1. Généralités sur Négawatt 2011

2. Consommation finale et économies d’énergies

3. Les énergies renouvelables

Renouvelables « Chaleur »

La place particulière du méthane

Electricité renouvelable (primaire)

4. Les coûts

Les justificatifs économiques de Négawatt

Coup de projecteur sur les dépenses d’investissement

Une approche des coûts totaux

Conclusion

Annexe – Bilan global des énergies finales dans le scénario Négawatt 2011

 

Résumé

Le scénario Négawatt, par une approche dite « sobriété et efficacité » divise par deux la consommation finale d’énergie.

Cette baisse affecte tous les secteurs d’activité, mais est surtout sensible dans lesecteur résidentiel et tertiaire par un programme d’isolation poussé à l’extrême. En second lieu, mais à un niveau très proche, cette baisse concerne les transports, grâce à une baisse limitée de l’usage (- 25 % pour la voiture), mais surtout grâce aux progrès technologiques des motorisations. La consommation finale d’électricité (hors exportation) est presque divisée par 2, mais la production d’électricité doit prendre en compte, en plus des pertes classiques, une consommation interne importante destinée à la production d’hydrogène par électrolyse.

Au niveau des énergies primaires, les énergies fossiles sont pratiquement éliminées (divisées par 15), d’où la forte réduction des rejets de gaz carbonique, et les énergies renouvelables sont multipliées par 3.

La forte croissance des énergies renouvelables concerne au premier chef la biomasse qui, en triplant, couvre 44 % des besoins en énergie primaire. Cette biomasse outre son usage direct pour le chauffage se retrouve essentiellement sous forme de méthane qui joue un rôle central dans le scénario Négawatt, en remplaçant notamment le pétrole dans les transports.

Pour l’électricité, il faut noter la part prépondérante de l’éolien et du solaire photovoltaïque qui ensemble procurent 28 % de l’énergie primaire et environ 60 % de la seule production d’électricité. Mais pour ces deux sources se pose la question de l’intermittence de la production que Négawatt préfère pudiquement appeler « fluctuation ». Pour y faire face, à la solution classique des STEP hydrauliques, est associée en cas de surproduction d’électricité éolienne ou solaire, une « transformation de l’électricité non stockable en molécules qui elles le sont ». Ceci passe par la production, par électrolyse de l’eau, d’hydrogène qui après réaction avec du gaz carbonique donnera du méthane, source de chaleur elle stockable. Cette voie, dont on verra qu’elle est très coûteuse, ne permet pas de combler les creux de production liés à l’intermittence de l’éolien et du solaire.

*

Les hypothèses d’économies d’énergie, le développement massif des électricités intermittentes et le rôle de vecteur prépondérant accordé au méthane sont-ils crédibles ?

L’analyse détaillée du scénario Négawatt conduit à conclure qu’il n’est pas possible d’atteindre une diminution d’un facteur 2 de la consommation finale, sauf crise socio économique majeure. L’analyse, poste par poste de consommation, conduit à mettre en cause la faisabilité économique et sociologique des mesures d’économies d’énergie préconisées, aussi bien pour les usages fixes que pour la mobilité. On imagine difficilement en effet que l’on trouve les moyens de financer ces mesures, au rythme annuel de 30 à 40 milliards €, rien que pour le bâtiment, et il est permis de douter qu’elles puissent être mises en œuvre sans imposer aux Français des contraintes fortes, sans « interdits ».

Les coûts énergétiques et financiers associés aux installations éoliennes et solaires et aux moyens de gérer l’intermittence (stations de transfert d’énergie par pompage STEP, renforcement du réseau électrique et particulièrement la production de méthane à partir d’hydrogène) sont considérables et apparemment largement ignorés par Négawatt. En outre, Négawatt a raisonné plus sur les bilans énergétiques annuels que sur les variations instantanées de puissance, pourtant considérables. Là aussi, il est plus que douteux que l’on puisse trouver les financements nécessaires, surtout si on tue progressivement la poule aux œufs d’or que représente la production d’électricité nucléaire.

La place très importante accordée au méthane en tant que vecteur d’énergie est troublante. Les trois sources principales (la méthanisation de la biomasse solide, la méthanisation des déchets et la production à partir d’hydrogène) ne sont pas extensibles sauf à convertir en cultures énergétiques des surfaces très importantes, et il règne un certain flou dans le dossier Négawatt sur ce sujet des superficies concernées. Il y a donc un risque notable d’impasse si les objectifs de réduction de la consommation ne sont pas atteints, d’autant plus qu’il semble que Négawatt ait fortement sous estimé les pertes liées aux différents stades de transformation. De là à penser que les auteurs de Négawatt prennent, et acceptent, le risque d’une conversion au gaz naturel, avec les inconvénients majeurs d’un tel recours (dépendance énergétique, rejets de CO2), il n’y a qu’un pas…

En définitive, les grands points faibles du scénario Négawatt résultent de la volonté de pousser à l’extrême des solutions qui, lorsqu’elles sont mises en œuvre avec modération, ne sont pas mauvaises. Mais, en poussant ces solutions à leurs limites, pour répondre à son premier objectif : «  la sortie du nucléaire », le scénario  Négawatt devient totalement irréaliste.

Cette volonté se traduit par une charge financière supplémentaire très largement supérieure à celle d’un scénario de type Négatep qui atteint sensiblement les mêmes objectifs : plus de 1 000 milliards € sur la période 2010 à 2050, soit une moyenne supérieure à 25 milliards € par an. Elle se traduit également par un certain nombre d’interdits destinés à forcer les Français à faire ce qu’on veut leur imposer.

*

Introduction

Cette première analyse du scénario Négawatt version 2011 est faite sur la base du document de synthèse présenté lors de la conférence de presse du 29 septembre 2011, ainsi que sur 3supports de présentation accessibles sur site Négawatt.

·         Partie 1 : Fondamentaux, Méthodologie, Demande d'énergie

·         Partie 2 : Production d'énergie, Bilans (essentiellement le schéma détaillant le passage des énergies primaires aux usages finaux, dit schéma de Sankey 2050)[2]

·         Partie 3 : Impacts économiques, emplois

Nota : Lorsque des écarts existent entre les valeurs chiffrées données par ces documents (notamment entre la présentation et les supports), nous retenons celles indiquées dans le schéma de Sankey 2050, qui en théorie fournit une vision cohérente.

Cette analyse comprend en premier, pour chaque grand thème, un simple constat, un état des données principales issues des documents Négawatt, en général telles que présentées, mais parfois interprétées.

Puis nous faisons nos remarques, nos commentaires et posons des questions lorsque les informations tirées des documents Négawatt ne sont pas claires. Ceci peut conduire à une forte remise en cause du scénario Négawatt.

Nous complétons cette analyse par quelques réflexions sur les coûts induits par les choix de Négawatt.

 

1. Généralités sur Négawatt 2011.

Alors que la consommation finale française d’énergie était en 2010 de 1927 TWh (166 Mtep), le scénario Negawatt, par une approche dite «  sobriété et efficacité » la ramène en 2050 à 849 TWh (73 Mtep), soit une baisse de 56 %. Parallèlement, la consommation finale d’électricité passe de 460 à 254 TWh. Mais il faut noter que ces bilans globaux, indiqués sous forme énergie finale, ne tiennent pas compte de 64 TWh utilisés pour l’électrolyse servant à produire de l’hydrogène, ni de 6 TWh perdus par les STEP. La véritable consommation finale d’électricité, pour les besoins internes, serait de 324 TWh. Pour remonter à la production d’électricité, il faut ajouter l’auto consommation du secteur électricité de 37 TWh, les pertes en ligne 6 TWh et le bilan des échanges avec l’étranger, qui ressort positif de 55 TWh (exportations - importations) pour aboutir à la production brute de 422 TWh,

Au niveau des énergies primaires, la baisse est plus accentuée puisqu’elle passe de 2 965 TWh (255 Mtep) à 1 028 TWh soit une baisse de 65 %[3].

 

 

Fossiles

Electricité

Renouvelables thermiques

Total

Energies primaire
en 2010

1 476

     1 306

          185

   2 965

Energies primaires
en 2050

   94

        368,5[4]

          567

   1 028

Energies  finales
en 2010      

    1 376

       436

          168

   1 927

Energies  finales
en 2050      

        83

 254 + 70

          512

 849 +70

Tableau 1 : le bilan global des énergies en TWh

 

Cette forte baisse des besoins en énergies primaires permet de se reposer en 2050, sur une production à majorité renouvelables avec deux volets : la biomasse et l’électricité. En produisant 935 TWh, ces renouvelables représentent 91 % du total de la production (1 028 TWh), dont pratiquement 100 % de la production électrique (hormis quelques TWhe issus de 8 TWh d’énergie primaire gaz naturel en cogénération). Ceci permet outre la sortie du nucléaire, de réduire l’appel aux combustibles fossiles, qui passent de 1 476 TWh en 2010, à 94 TWh en 2050, amenant à une division par 16 des rejets de gaz carbonique, bien au-delà du facteur 4, qui était l’objectif des premiers scénarios Negawatt 2003 et 2006.

Les 445 TWh de la biomasse seule représentent 43 % de la production primaire (presque 3 fois les 161 TWh de 2010). L’éolien et ses194 TWh (électricité) assure 19 % de cette production. Le photovoltaïque et ses 90 TWh (électricité) en assure 9 %. Vient ensuite l’hydraulique terrestre et ses 77 TWh d’électricité. La géothermie produit également 77 TWh, mais sous forme de chaleur, orientée vers les réseaux de chaleur et la cogénération centralisée.

Eolien et photovoltaïque assurent 67 % du total de la production électrique

Le scénario présente la solution pour faire face au caractère « fluctuant » (terme préféré à celui couramment utilisé d’intermittent) de ces deux sources d’électricité.

 

Nota : Ce scénario 2011 de Négawatt est plus ambitieux pour les économies d’énergie que le scénario version 2006, qui prévoyait une énergie primaire de 1 330 TWh. Si la valeur absolue des renouvelables est restée sensiblement inchangée (934 TWh au lieu de 950 pour Négawatt 2006), sa part relative a fortement augmentée (91 % au lieu de 71 % pour Négawatt 2006). La part des fossiles est fortement réduite puisque, pour le scénario 2006, elle représentait 380 TWh.

 

Le scénario 2006 ne traitait pas directement du sujet de l’intermittence de la production d’électricité éolienne et photovoltaïque. Par contre le scénario 2011 traite le sujet de ces énergies « fluctuantes ». Il présente la solution classique basée sur des STEP (remontée de l’eau par pompage en période de surproduction et turbinage de cette eau « remontée précédemment  » en cas de sous production. Ce recours aux STEP est complété en cas de surproduction d’électricité renouvelables, par une « transformation de l’électricité non stockable en molécules qui elles le sont ». Ceci passe par la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau. Cet hydrogène en réagissant avec du gaz carbonique produira du méthane, source de chaleur stockable, qui sera transférée dans le réseau gaz, ou affecté à la production de gaz carburant mobilité, mais non destinée à la production d’électricité. Le surplus d’électricité, provenant des périodes de forte production éolienne et (ou) solaire, au-delà de la capacité des STEP, est ainsi transféré en énergie thermique gaz stockable, mais non restitué sous forme d’électricité (voir plus loin le chapitre « électricité renouvelable).

Commentaires sur le bilan électrique

- En remontant à partir de la consommation d’électricité, nous trouvons un besoin en production brute de 422 TWh d’électricité. Mais si nous additionnons les données Négawatt en partant de la production annoncée de 368,5 TWh pour l’ensemble : hydraulique, éolien, mer PV et déchets, les 21 TWh indiqués de la micro cogénération, il faudrait que la cogénération centralisée produise 32,5 TWh pour équilibrer le bilan. Or celle-ci fait appel en énergie primaire à 8 TWh de gaz naturel, 17 TWh de géothermie et enfin 0,4 issu des déchets. Comme le total de 25,4 TWh ne peut pas délivrer 32,5TWh en cogénération (nous estimons qu’il peut produire au mieux 7 TWh), nous ne comprenons pas le bilan Négawatt. Nous pouvons avoir les mêmes doutes sur le bilan de la micro cogénération, mais le dossier est muet sur ce sujet.

- Nous pouvons être surpris par l’importance du solde positif export- import d’électricité de 55 TWh (alors qu’il était de 29 TWh en 2010). Est-ce faire preuve de largesse avec nos voisins en vendant une bonne électricité verte ? En réalité, lors des pointes de production d’éolien dépassant la consommation interne et les capacités de stockage, l’exportation a du être retenue par Négawatt. Mais les pays voisins rencontreront en général la même surpuissance et chercheront eux aussi à exporter. En fait la seule solution, bien connue maintenant de pays fortement équipés en éoliennes comme le Danemark, est de les arrêter.

 

2. Consommation finale et économies d’énergies

Compte tenu de l’accroissement prévu de population (+ 7 millions d’habitants) la baisse de consommation totale de 56 % monte à 60 % par habitant, chiffre traduisant l’effort à réaliser, alors que la tendance serait plutôt un accroissement de 35 %. Ceci peut être traduit par un grand écart total de 70 % par habitant, basé sur les progrès techniques et surtout un changement des « comportements individuels et d’organisation collective ».

  Les économies les plus importantes concernent

- Les secteurs résidentiel et tertiaire

Ces secteurs, résidentiel et tertiaire, sont ramenés de 828 TWh en 2010 à 363 TWh en 2050. Ce sont 465 TWh d’économies, par rapport à l’année 2010, demandés à ces secteurs. En notant que le tendanciel donnerait + 160 TWh, le gain total ramené à ce dernier serait de 625 TWh (- 63 %).

Le premier poste concerne le chauffage des locaux qui est considéré comme une des clés du scénario, puisqu’il représente 60 % des dépenses énergétiques de ces secteurs. Des facteurs de sobriété, comme la stabilisation du nombre d’habitant par foyer (et non la croissance tendancielle dite de décohabitation), la stabilisation des surfaces moyennes, l’accroissement du petit collectif et le ralentissement sensible de l’accroissement des surfaces du tertiaire (+18 % au lieu de + 27 % dans la continuité) conduisent à ne prévoir qu’une légère augmentation des surfaces. Pour réduire la consommation, il faut donc des améliorations massives des performances énergétiques des bâtiments, ramenées au m².

Alors que pour le seul chauffage, la moyenne actuelle des besoins est d’environ 220 kWh/m².an[5], Negawatt retient une moyenne de 40 kWh/m².an  en rénovation et 15 à 30 en neuf, soit un gain d’un facteur 4 à 5 sur 60 % des dépenses énergétiques de ces secteurs. Le choix est de ne pas faire les choses à moitié ou de s’y reprendre en 2 fois, mais d’aller directement au maximum. Les coûts annoncés sont entre 200 et 250 €/m² HT.

Les moyens de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, pour un total de 276 TWh, se répartissent comme suit : bois 25 %, gaz 25 %, pompes à chaleur électriques 20 %, réseaux de chaleur[6] 20 % (réseaux alimentés à partir du bois, de la géothermie et des déchets), solaire thermique 10 %.

 Nota : le gaz importé (dit naturel) est remplacé par du biogaz ou du gaz de synthèse issu de la biomasse solide (bois).

 

- L’électricité spécifique (éclairage, froid ; lavage, loisirs) pour le résidentiel et le tertiaire est quasiment divisée par 2, en passant d’environ 160 TWh à 87 TWh en 2050. Pour un ménage la consommation d’électricité spécifique passe de 2 900 kWh par an en 2010 à 1 500 kWh en 2050.Ceci est basé sur l’appel aux meilleures technologies, aux mises en veille et extinctions des appareils et repose sur une discipline de vie.

Commentaires sur consommation et économies d’énergie des secteurs résidentiel et tertiaire

- Les hypothèses de « sobriété » pourraient s’intituler « les interdits de Négawatt »

  • Non à la « décohabitation » : interdit de divorcer
  • Non à l’augmentation des surfaces par personne : interdit de vieillir en conservant son logement, notamment aux veuves ou veufs de se maintenir dans leur lieu de vie.
  • L’accroissement du petit collectif : interdit du pavillon individuel

- La rénovation de l’ancien, qui représente plus des 2/3 de l’existant, est de façon évidente une priorité absolue. Elle peut se faire de deux façons. La première vise à engager en une seule fois des travaux lourds permettant d’atteindre une isolation très poussée, c’est le choix Negawatt. La seconde dite « de rénovation diffuse » consisterait, au fur et à mesure des travaux normaux d’entretien, à utiliser systématiquement les meilleurs matériaux et matériels et les meilleures techniques (fenêtres et huisseries, chaudières modernes…). Le premier scénario entraîne des coûts très élevés, supérieurs à 20 000 € par logement (nous confirmons le chiffre de 20 000 à 25 000 de Negawatt) et cela pour une diminution théorique des pertes de 75 % (ramenées autour de 55 kWh/m².an et non 20 comme l’annonce Négawatt). Le retour sur investissement en supposant un taux de 4 % est de l’ordre de 40 ans, sur la base des coûts actuels du gaz (le combustible actuellement le moins cher par exemple 4,8 c€/kWh pour les ménages). Le second processus permettrait de réduire les pertes d’environ 50 % pour un surcoût 4 fois moindre et le retour sur investissement est ramené à de l’ordre de 20 ans.[7]

- Les chiffres visés par Négawatt de déperditions thermiques aussi bien pour le neuf que pour la rénovation, même si théoriquement réalisables à l’unité, sont financièrement hors de portée à grande échelle et conduisent à des surcoûts non supportables pour la majorité des citoyens. Ils ne nous semblent pas réalistes et ne pourraient être retenus. A l’inverse, des objectifs moins ambitieux mais réalisables comme 50 kWh/m².an en énergie finale[8] pour le neuf et 100 pour l’ancien permettraient une extension généralisée. On y reviendra dans le chapitre sur les coûts.

 

- De même la division par 2 de l’électricité spécifique parait relever du rêve, quand on voit la multiplication des usages de l’audiovisuel et de l’informatique, l’accroissement du nombre d’appareils électroménagers, l’accroissement de la population et du nombre de logements occupés en particulier à cause de l’éclatement des familles (après un divorce, il y a deux logements au lieu d’un seul, avec deux frigos au lieu d’un seul, etc..). Ces évolutions vont amputer les gains obtenus par l’utilisation d’appareils moins énergivores.

 

- Ceci n’apparaît pas clairement dans les documents Negawatt, mais en supposant comme indiqué que les pompes à chaleur assurent 20 % du chauffage et de l’eau chaude sanitaire (ECS), nous obtenons au total 56 TWh. Du fait d’un COP de 4, (encore une valeur trop optimiste, un COP de 3 serait plus réaliste) retenu par Négawatt, ces 56 TWh se décomposent en 14 TWh de consommation d’électricité et 42 TWh de production électrique à classer en théorie en géothermie, mais nous ne pouvons voir si ceci a était fait par Négawatt. Mais nous supposons que les14 TWh sont inclus dans les 52 TWh d’électricité destinés en énergie finale chaleur.

 

- Les transports :

En 2010, l’ensemble des transports des personnes représentait environ 1 150 Md de voyageurs-km, dont l’essentiel : 730 pour le seul transport routier par véhicules individuels.

En 2010, l’ensemble des transports de marchandises représentait environ 380 Md de tonnes-km, dont l’essentiel environ 335 par la route.

 Les besoins énergétiques des transports sont ramenés de 654 TWh/an (56 Mtep) en 2010 à 255 (22 Mtep) en 2050. Ce sont 400 TWh d’économies par rapport à l’année 2010 qu’apporte ce secteur (- 67 %), en notant que le tendanciel donnerait + 140 TWh.

Pour les transports individuels, il est considéré, côté technique, que la consommation unitaire des véhicules doit diminuer de 55 % d’ici 2050 (efficacité moteurs, limitation de vitesses, comportement des conducteurs…). A ceci s’ajoute une réduction de la distance parcourue de 25 % par habitant par an (aménagement du territoire, transports en commun, covoiturage, espace plus dense, distances plus courtes, télétravail, commerce en ligne, petits véhicules électriques en auto partage, taxis collectifs …, sans oublier le vélo et la marche à pied !).

L’essence (ou diesel) qui représentait, en 2010, 95 % du secteur des transports individuels, n’en représente plus que 33 %. Avec 55 %, le gaz devient la première source d'énergie du transport particulier (le GNV actuel avec à long terme une origine biomasse du gaz). L’électricité représente 12 % des besoins énergétiques, mais assure 20 % des km parcourus). Le reste est d’origine pétrolière. La majorité des véhicules sont des hybrides en partie rechargeables.

Pour les marchandises, globalement le nombre de tonnes-km au lieu d’augmenter proportionnellement à la population, décroit légèrement (- 3.5 %). La part du secteur routier est réduite de 38 % (353 Md de tonnes–km en 2007)[9], celle du ferroviaire est augmentée d’un peu moins de 300 % (42 Md de tonnes-km en 2007)) et celle du fluvial (7,5 Md de tonnes-km en 2008) est augmentée d’environ 150 %. Si la baisse globale du trafic marchandise est limitée, le transfert vers des modes plus sobres et les progrès des techniques moteurs permettent de ramener la consommation finale de 225 TWh (2010) à 80TWh en 2050.

En énergie finale, pour l’ensemble des transports, le gaz avec 159 TWh (62 % des transports) devient la première source d’énergie pour tous les transports individuels et collectifs, devant l’essence (ou diesel) pour 35 TWh, la biomasse liquide (biocarburants actuels) pour 31 TWh et l’électricité directe pour 30 TWh.

Commentaires sur les transports

- Les hypothèses de forte réduction du fret routier et le fort basculement vers le fer et l’eau sont peu crédibles, car le fluvial et le ferroviaire nécessitent des ruptures de charge qui expliquent en grande partie la désaffection à leur égard ;  les investissements requis sont colossaux et l’acceptabilité sociale de nouvelles voies ferrées et de nouveaux canaux (cf. l’exemple du canal Rhin Rhône refusé par les Verts) plus que douteuse.[10]

- Diviser par plus de 2 (2,5) les besoins énergétiques de transports peut paraître une gageure.

o   Cela suppose des efforts considérables de maîtrise de la consommation par le comportement individuel, le développement des transports en commun, l’aménagement de la cité, alors que l’habitat existant sera pour l’essentiel encore là en 2050, et que le développement de l’habitat neuf a une grande inertie : inverser la tendance actuelle vers l’habitat individuel au bénéfice de l’habitat collectif ne se fera pas du jour au lendemain.

o   Les progrès techniques (2 litres aux cent) sont probablement surestimés [11] ; obtenir une moyenne de 3 litres aux cent km sur l’ensemble du parc automobile serait déjà une performance.

- Seul le sujet énergie finale est traité, mais pas celui de l’énergie utile[12], alors qu’elle est essentielle pour les transports. Le scénario additionne sans distinction en énergie finale 30 TWh d’électricité et 194 TWh d’énergie de moteur thermique (gaz ou essence), comme si le TWh de l’un valait celui de l’autre. Or il faudrait prendre en compte la totalité du cycle énergétique, jusqu’à la roue. Comme le rendement global de la filière thermique est inférieur à 25 % et celui de la filière électrique supérieur à 70 %, à même énergie finale il y a environ 3 fois plus de service rendu. Mais ceci, comme pour les pompes à chaleur, met un peu trop en avant l’avantage de l’électricité comme support d’énergie, ce qui vient à l’opposé de l’idéologie Negawatt basée sur la sortie de l’électricité, trop associée au nucléaire.

- En 2010 l’électricité intervenait pour 9 TWh dans les transports, essentiellement ferroviaires. Selon Négawatt, cette électricité transports passerait à 30 TWh en 2050, dont environ 20 pour le transport des personnes. Il en resterait au maximum 10 pour les transports ferroviaires, soit le même niveau qu’en 2010, alors que l’usage est multiplié par 4 (+ 300 %). Un autre exemple des approximations, erreurs (volontaires ou non ?) de l’approche Négawatt.

 

- L’industrie

Améliorer l’efficacité énergétique (quantité d’énergie par unité de production) et réduire le nombre de produits fabriqués ne peuvent que réduire la facture totale et ce sont 200 TWh d’économies (réduction 50 %) prévus d’ici 2050.

Cette baisse est la résultante de : moins de produits à fabriquer en agissant sur la réparabilité, la remise en état de marche au lieu du simple remplacement et la fin de l’obsolescence programmée (Negawatt pense que les équipements actuels seraient dimensionnés au plus juste pour que les durées de vie restent limitées). A ces baisses de produits fabriqués s’ajoutent des gains sur l’ensemble des procédés, du recyclage des matériaux (90% pour l’acier et le verre, 80 % pour le papier et le carton, 30 % pour les plastiques) Cette baisse concerne tous les secteurs, hormis ceux liés à l’habitat en rénovation.

Commentaires sur l’industrie

- Les gains prévus en efficacité sont très importants (35 % pour les moteurs, 32 % pour les procédés de la sidérurgie, 50 % pour ceux des cimenteries). En sachant que dans un monde concurrentiel, face à l’accroissement des coûts de l’énergie, l’essentiel des gains dans l’industrie a déjà était fait depuis les crises pétrolières successives. Nous pouvons avoir des doutes sur la faisabilité de gains supplémentaires d’une telle ampleur.

- Les gains dans l’industrie ne peuvent être obtenus que si on investit massivement, ce qui peut poser de graves problèmes (investir en France ou délocaliser ?)

- Les opérations de la filière hydrogène/méthane) sont à compter dans les activités industrielles consommatrices d’énergie (64 TWh d’électricité).

 

- L’agriculture

L’agriculture est directement peu consommatrice d’énergie (2% du total), mais, par sa capacité à intervenir dans le bilan de la biomasse, elle a un effet indirect important sur le bilan énergétique. Cet effet peut être direct par l’utilisation des sous produits, déchets de l’ensemble culture et élevage. Cet effet peut être indirect par la libération de terres qui seront affectées spécifiquement à la biomasse. Le scénario prévoit ainsi moitié moins de viande et de lait qu’aujourd’hui (« notre régime carné n’est pas durable ») compensé notamment par un peu plus de céréales (+ 20%). Comme l’élevage consomme plus de surfaces que les productions végétales, le recul de l’élevage libère des surfaces. Le renforcement de l’agriculture biologique et de celle dite « intégrée » peut conduire à une extension de l’agriculture alimentaire sur ces surfaces libérées, mais il en resterait disponible pour la biomasse énergétique. Négawatt retient qu’une fois couverts les besoins en alimentation (population + troupeaux), 5 à 8 millions d’hectares (1/3 de terres arables, 2/3 de prairies permanentes) peuvent d’être réaffectés ».

Commentaires sur l’agriculture

- Nouvel « interdit » de Négawatt : restriction des consommations de  viande et de lait

- Les détails sur l’utilisation de ces nouvelles terres libérées par l’alimentation ne sont pas donnés clairement. La seule information dans le document de présentation fait état de 1,5 million d’hectares supplémentaires destinés à la production de biogaz, sans les situer par rapport aux 5 à 8 millions cités par ailleurs. Le devenir des 2,3 Mha de terres dédiées en 2010 à la production de carburants liquides (22 TWh de première génération) n’est pas évoqué. Faudra t-il plus de terres pour tirer 44 TWh de carburant liquide, en 2050, soit 2 fois plus qu’à ce jour ?

- On peut douter fortement de la disponibilité des millions d’hectares (1,5, ou 5 à 8 ?) pour des cultures énergétiques, pour deux raisons

o   L’élevage joue un rôle capital dans l’entretien des terres, en particulier dans les zones de montagne : le réduire n’est pas forcément une bonne opération.

o    La culture biologique est moins productive que l’agriculture intensive : son extension, souhaitable, entraînerait une augmentation des surfaces consacrées à l’agro alimentaire.

- La transformation de l'usage des terres pour produire la biomasse (par exemple la transformation des prairies en terres cultivées) peut entraîner des émissions importantes de CO2(le sol des prairies stocke une grande quantité de carbone). Ceci ne se produit qu’une fois, mais cette question mérite d’être regardée, pour la réalité du bilan carbone.

 

3. Les énergies renouvelables

En 2050, les renouvelables assurent 90 % des besoins chaleur et pratiquement 100 % de l’électricité (hormis environ 2 TWhe issus des 8 TWh de gaz naturel entrant en cogénération centralisée).

Si ce sont les renouvelables électriques (éolien et photovoltaïque) qui focalisent l’attention, avec 284 TWh, ils ne représentent que 27 % de la production énergétique, l’essentiel du scénario Negawatt repose sur la biomasse, avec la libération d’espaces par l’évolution du système agricole.

 

Renouvelables « Chaleur »

- La biomasse

Au total, c’est sensiblement un triplement de la production biomasse sous toutes ses formes qui permet à celle ci de couvrir, avec 445 TWh, 44 % des besoins en énergie primaire.

La biomasse se présente sous 3 formes : solide, liquide, gaz.

• La biomasse solide fournit 248 TWh d’énergie primaire. Elle est issue de la forêt, sur laquelle un prélèvement de 120 millions de m³ est effectué chaque année (en 2010 seuls environ 51 Mm³ étaient prélevés). Ce prélèvement est destiné au bois d’œuvre, au bois industrie (papiers cartons…) et au bois énergie. Pour l’énergie s’ajoute les apports des petits bois des vergers, vignes, arbres urbains, taillis bords de route, bois d’élagage. L’ensemble bois énergie (forêt, divers et déchets) alimente le bois de chauffe (individuel, cogénération et réseau de chaleur) pour 139 TWh (dont 17 vers cogénération et réseaux de chaleur) et vers la production de gaz pour 80 TWh. Il est compté 29 TWh de pertes (auto consommation exemple séchage ?).

Bien que la surface forestière reste quasi stable, la production de biomasse solide peut être multipliée par 2.5 grâce à une meilleure exploitation, le développement de l’agro-forestier et plus de récupération des déchets.

• La biomasse gaz fournit 153 TWh d’énergie primaire. Elle ne comptait que pour 4 TWh en 2010, soit un facteur multiplicatif proche de 40. Elle est issue de la généralisation de la méthanisation (déjections animales, résidus de culture, cultures intermédiaires sur terres arables, herbes sur 1/5 des prairies, d’une grande majorité des bios déchets ménagers et industriels. Cette biomasse gaz est destinée en majorité à la mobilité et en partie à la chaleur.

• La biomasse liquide, produisant des carburants liquides, fournit 44 TWh d’énergie primaire, (22 en 2010) aboutissant à des combustibles liquides (chaudières 3 TWh) et carburants pour la mobilité (biocarburants pour 31 TWh). La transformation absorberait 10 TWh en pertes.

 

En énergie finale, la biomasse intervient au niveau de la chaleur et de la mobilité.

Au niveau de la chaleur :

- en usage direct de la biomasse solide pour 122 TWh.

- en usage indirect vers la cogénération et les réseaux de chaleur pour 17 TWh

- sous forme de carburant liquide pour 3 TWh.

- sous forme de gaz réseau pour 87 MWh (ce gaz réseau étant issu de la biomasse solide gazéifiée pour 35 % et du biogaz pour 65 %.

Le total chaleur biomasse est donc de 229 TWh.

 

Au niveau de la mobilité :

- sous forme de gaz carburant (idem gaz réseau) pour 139 TWh

- sous forme de carburant liquide pour  31 TWh.

Le total mobilité biomasse est donc de 170 TWh en énergie finale.

A ceci s’ajoute 20 TWh de méthane synthétique (méthanation de l’hydrogène et donc d’origine électrique).

Commentaires sur la biomasse

- Le dossier de présentation Négawatt donne 296 TWh en biomasse solide, alors que dans les dossiers détaillés, le schéma de Sankey donne les 248 indiqués. Ce dernier étant en théorie globalement cohérant nous retenons ce chiffre, mais cet exemple parmi d’autres explique les difficultés d’analyse des données Négawatt.

Ces écarts de données cachent-elles des pertes ? Nous en détecterons quelques unes, mais pourquoi ne pas les indiquer dans la reconstitution Sankey ?

- Pour obtenir 34 TWh de carburants liquides, il est prévu 44 TWh d’énergie primaire, soit environ 20 % de pertes, valeur tout-à-fait invraisemblable[13]. L’origine de la biomasse liquide n’est pas indiquée. S’il s’agit d’agrocarburants de 1ère génération (plantes sucrières ou céréalières pour l'éthanol, pour l’éthanol ou plantes oléagineuses comme le colza ou le tournesol pour le diesel) avec des rendements nets d’environ 1 tep/ha, il faut mobiliser 3 Mha pour ce seul usage. Le passage à la seconde génération de biocarburant modifie les données, puisque si la production nette à l’hectare peut être supérieure au moins d’un facteur 2 et nécessiter moins de surfaces, les pertes (essentiellement d’autoconsommation) sont supérieures à 50 %. L’énergie primaire à prendre en compte est alors, non de 44 TWh mais, supérieure à 68 TWh.

- Les bilans biogaz sont douteux. Par exemple, partant de 80 TWh de biomasse solide à destination de gaz réseau, s’ajoutant à 147 TWh venant de biogaz un total de 216 TWh de gaz carburants et combustibles est obtenu et seulement 11 TWh de pertes sont affichés. Or la seule transformation biomasse solide en méthane a un rendement de 64 % (selon le dossier Négawatt lui-même), et la perte devrait être d’au moins 29 TWh pour cette seule part.

- Négawatt indique : « 1,5 million d’hectares supplémentaires, qui porterait la production de biogaz à 153 TWh en 2050, au lieu de 4 TWh en 2010 ».Ceci reviendrait à retenir une productivité de 100 MWh à l’hectare. En supposant qu’une surface de 1,5 million d’hectare soit destinée à la culture de miscanthus (l’une des meilleures plantes à objectif énergétique) avec une production moyenne de plus de 12 tonnes à l’hectare, nous obtenons 60 TWh d’énergie thermique potentielle. La transformation en biogaz se faisant avec un rendement global de 64 % (selon Négawatt), nous obtenons 39 TWh de biogaz, soit loin des + 149 TWh annoncés. Un facteur presque de 4 dans l’approche Négawatt qui laisse penser que les superficies à consacrer à cette production seraient très supérieures à ce qui est indiqué ! Compte tenu du rôle crucial que Négawatt assigne à la biomasse dans son scénario, ce seul point peut remettre en doute toute la validité et le sérieux du dossier.

Globalement, nous pouvons avoir des doutes sur la capacité d’atteindre de tels niveaux de production biomasse,essentiellement sous forme de biogaz ou pour aboutir au gaz.

Pour sortir du flou, une présentation détaillée du bilan biomasse avec les surfaces en jeu, les rendements attendus, les plantations prévues, s’imposerait.

 

Autres sources de chaleur

- La géothermie représente une production primaire de 77 TWh et compte tenue des pertes un apport net de 66 TWh, contre 6 en 2010. 48 TWh, de ces 66 sont destinés à la production de fluides thermiques et 18 TWh destinés à la cogénération électrique.

- Les déchets sont par contre réduits et passent de 13 à 6 TWh. Il est considéré que le recyclage, une meilleure adaptation des produits réduira les déchets.

- Le solaire thermique apporte 43 TWh (67 millions de m² de capteurs (soit sensiblement 1 m² par Français et environ 30 fois la surface équipée en 2010), dont 20 Mm² pour ECS (l’eau chaude sanitaire) en maisons individuelles et 28 Mm² pour le chauffage en maisons individuelles.

Commentaires sur les autres sources de chaleur

– Des 77 TWh de géothermie, 18 TWh entrent dans la cogénération centralisée, ce qui suppose des températures élevées ou moyennes. Comme en France métropolitaine la géothermie haute énergie est exclue (pas de site envisageable comme celui de Bouillante en Guadeloupe), il ne reste que la géothermie moyenne énergie ou cycle binaire et celle dite des roches sèches pour couvrir ces 18 TWh. Est-ce réaliste, en sachant que le seul projet Soultz, en Alsace vise 0,036 TWh d’électricité ?

- Si nous comptons les 42 TWh tirés de la nature par les pompes à chaleur dans la rubrique géothermie (voir commentaires sur consommation des secteurs résidentiel et tertiaire), il reste 17 TWh à classer dans la géothermie basse énergie de chauffage simple, soit 3 fois celle en service en 2010 (6 TWh), ce qui est plausible. Par contre si nous ne comptons pas les pompes à chaleur dans cette rubrique géothermie, cette géothermie basse énergie serait 7 fois l’actuelle, ce qui paraît irréaliste. Mais où trouver dans le dossier Négawatt, la chaleur des pompes à chaleur ?

- Réduire la part des déchets est discutable. A ce jour, moins de la moitié des déchets fait l’objet d’une récupération énergétique, puisqu’une grande partie est mise en décharge. L’incinération des déchets devrait s’étendre, en dépit des oppositions locales, comme solution à leur gestion (solution préférable à la mise en décharge). Cette incinération, avec récupération d’énergie (et potentiellement cogénération associée à un réseau de chaleur lorsque ce dernier existe dans le voisinage), est aussi en soi une source d’énergie. Cet accroissement de l’incinération pourrait atteindre un facteur 2, mais serait réduit si par ailleurs nous arrivions à limiter notre production de déchets.

 

La place particulière du méthane

Le méthane joue un rôle central dans le scénario Négawatt, car il remplace le pétrole dans les transports (baisse du pétrole de 625 TWh (54 Mtep) en 2010, à 35 TWh (3 Mtep) en 2050. Le méthane contribue aussi fortement à faire face aux pics de production des renouvelables, surtout l’éolien. Il est produit de trois façons :

o   Par méthanation, à partir d’hydrogène et de gaz carbonique ; les 64 TWh d’électricité utilisés pour produire l’hydrogène produiraient, selon Négawatt, 33 TWh de méthane.

o   Par méthanisation à partie de biomasse solide  (80 TWh) en association à 147 TWh de biogaz. Ceci produirait, selon Négawatt, 226 TWh de méthane, l’opération ne se traduisant que par 1 TWh de pertes.

o   La méthanisation des déchets (conduisant au biogaz) fournirait 149 TWh selon Négawatt et seulement 4 TWh de pertes.

Au total, Négawatt table sur 259 TWh de méthane utilisé à hauteur de 159 TWh pour les transports, 70 TWh pour le chauffage (résidentiel et tertiaire) et le reste pour l’industrie.

Commentaires sur la place particulière du méthane

Pour la seule méthanation, le rendement global de l’opération devrait être environ 40 % (60 % pour la production d’hydrogène par électrolyse, ce dernier devant être comprimé, et 64 % pour la réaction de méthanation). La production de méthane serait donc de 25 TWh et non de 33.

Pour la biomasse solide le rendement de l’opération pour la seule biomasse solide ne peut être supérieur à 50 %, dès lors que l’on prend en compte le transport, le séchage, et la réaction de méthanisation. Il y aurait au minimum 40 TWh de pertes

Pour la méthanisation des déchets, nous ne disposons pas de données sur ce sujet, mais il n’est pas concevable de faire ces opérations avec si peu de pertes.

Donc Négawatt réussit le tour de force de réaliser toutes ces transformations de support énergétique sans ou avec très peu de pertes. Sur ce seul aspect du méthane, celles ci sont au moins de 50 TWh, peut être sensiblement plus. Mais ceci devient secondaire en regard des questions de coûts, sujet que nous traiterons plus loin.

 

Electricité renouvelable (primaire)

Indépendamment de 24 TWh thermique de gaz naturel entrant en cogénération, toute l’électricité est d’origine renouvelable.

- Hydraulique : 77 TWh (pour 67 en 2010)

- Eolien 194 TWh (pour 11 en 2010). Ceci conduit à 17 500 machines installées, dont 4 300 en offshore de fortes puissances (la moitié des 194 TWh), puissance totale installée 80 GW (50 en terre et 30 en mer), facteur de charge : 28 % (2 425 h/an).

- Photovoltaïque 90 TWh (pour environ < 0,5 TWh en 2010) puissance totale (de crête) 82 GW, facteur de charge 12,5 % (1 100 h/an). 2/3 des panneaux sont prévus sur bâtiments, le reste au sol est limité pour ne pas entrer en concurrence avec d’autres usages du sol (un terrain de 30 x 30 km (90 000 hectares) dont 30 % couverts par les panneaux)

- Energies marines 7 TWh.

- Déchets : 0,5 TWh

Soit un total de 368,5 TWh produits en direct.

- A ceci s’ajoute 21 TWh à partir de multiples unités de micro génération et environ 7 TWh en cogénération centralisée (chiffre non indiqué, mais estimé à partir des alimentations thermiques de cogénération)

Commentaires sur renouvelables électriques

- Les prévisions pour l’hydraulique (terre) et les énergies marines paraissent optimistes, mais les valeurs d’augmentation restent faibles et ceci a peu d’influence.

- Rien n’est dit sur l’origine des énergies marines, s’agit-il des hydroliennes ? Peut-on les faire entrer dans la catégorie des solutions dont « la fiabilité technique et économique est démontrée », condition imposée pour entrer dans le scénario Négawatt, alors que l’on vient seulement de mettre en eau la première roue en France, mais sans production pour l’instant ?

- L’aspect coût du photovoltaïque est traité dans un document support de présentation. Pour les installations sur bâtiments le coût du kWh à ce jour varie de 35 à 45 c€/kWh et pour les installations au sol il est de 30 c€/kWh. Selon Négawatt, ces coûts vont baisser fortement selon une loi exponentielle au fur et à mesure de l’accroissement de la puissance installée (loi de Moore) et atteindre ainsi selon Négawatt, par exemple 10 c€/kWh pour les premiers et 8 c€/kWh pour les seconds (sol) soit sensiblement au niveau des coûts moyens de l’électricité en 2050 (à ce jour de 5 c€/kWh, mais qui devrait augmenter d’ici là selon Négawatt).

On peut avoir des doutes sur cette vision optimiste des prix dans le futur, basée sur l’extension de cette loi vérifiée peut être pour les composants électronique, mais qui sont fabriqués à raison de milliards d’unités.[14]

Sur la base des tarifs de rachats actuels du photovoltaïque, le surcoût de Négawatt serait de 29 Md€/an. Faut-il espérer une division par 10 du prix de base des cellules photovoltaïques, pour arriver à un surcoût supportable hors subventions publiques ?

- L’aspect coût de l’éolien n’est pas évoqué par Négawatt. A ce jour l’éolien terrestre se développe sur la base d’un coût de rachat de 8,2 c€/kWh et contrairement à ce qui est souvent présenté, les coûts d’installation ne baissent pas avec l’accroissement du marché, mais au contraire auraient tendance à monter. Avec les coûts proposés de rachat de 13 c€/kWh, l’éolien off shore ne se développe pas en France. Aucun investisseur ne veut se lancer. Faut- il s’attendre à dépasser les 18 c€/kWh pour voir son décollage ? Contrairement au photovoltaïque, l’effet de série ne devrait plus faire baisser significativement les coûts pour une technologie déjà mature. Donc globalement le surcoût peut être estimé sur la base des surcoûts actuels. Pour les 25 000 MW et 60 TWh d’origine éolienne prévus dans la loi Grenelle 2, nous avons estimé le surcoût à 3 milliards par an. Faut-il en extrapolant compter sur environ 10 Md € par an de surcoût pour le seul éolien de Négawatt ?

 

Renouvelables et continuité de la fourniture électrique

Négawatt insiste pour ne pas utiliser le terme intermittent, mais fluctuant. Quel que soit le terme utilisé, des dispositions sont prévues pour faire face aux variations de production et aux déséquilibres production/consommation.

 

Ce que Négawatt baptise « fluctuant »

La figure suivante[15] permet de voir ce qui se trouve derrière le terme «  fluctuant », préféré à celui d’intermittent.

 

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Figure 1 : Eolien : données RTE pour la France continentale, période 1/9/2010 au 31/8/2011.

La ligne horizontale bleue donne l’efficacité annuelle moyenne (21,2%) alors que la ligne horizontale rouge donne l’efficacité qui peut être garantie pendant 95% du temps (6,5%).

 

Pour faire face à ces « fluctuations », Négawatt compte sur « une gestion coordonnée des réseaux de chaleur, d’électricité et de chaleur » en indiquant que le stockage/déstockage de l’électricité est nécessaire. Mais, pour ce stockage, les batteries (lithium, vanadium, sodium-souffre), notamment celles spécifiques des véhicules et l’hydrogène associé à des piles à combustibles ne sont pas considérées par Négawatt comme des réponses valables pour assurer la continuité d’alimentation du réseau. Par contre les STEP hydrauliques, qui assurent déjà cette fonction, devraient voir leur capacité augmentée, mais, « de façon limitée » selon Négawatt. Ce stockage STEP conduit à soutirer 23 TWh par an en période de surproduction (8 TWh en 2010, selon Négawatt) pour en délivrer 17 TWh (6 TWh en 2010 selon Négawatt) en période de sous production.

 

A côté des STEP, en cas de surpuissance de production électrique, Négawatt prévoit d’absorber les pics de production de l’éolien pour produire de l’hydrogène par électrolyse. Cet hydrogène est ensuite utilisé pour produire du méthane par réaction avec du gaz carbonique (réaction de Sabatier : CO2+ 4 H2→CH4+ 2 H2O). Globalement 64 TWh sont ainsi soutirés par an pour produire un total de 33 TWh de méthane qui seront envoyés dans le réseau gaz et ses capacités de stockage. Il y aurait 31 TWh de pertes, réparties entre l’électrolyse et la méthanation proprement dite (rendement global : 51 %).

Nota : Négawatt indique qu’en outre, il faut prévoir des déconnections de renouvelables en cas d’excédent de puissance. Mais ceci n’apparaît pas dans les bilans, donc est considéré comme ultime recours, négligeable au bilan énergétique.

Commentaires sur l’intermittence

- Négawatt 2006 prévoyait 114 TWh d’éolien pour 50 GW installés et 63 TWh de photovoltaïque, soit 177 TWh au total. Le sujet de l’intermittence de la production n’était pas traité directement et nous avions émis des réserves claires et écrit :

« En ne traitant pas ce sujet de l’intermittence le scénario perd ainsi de toute crédibilité. A priori sans entrer dans le détail, il semble qu’une division par 2 des renouvelables s’impose pour le suivi réseau».

- Dans Négawatt 2011, le sujet de fluctuation est traité, mais en ne regardant que le bilan énergétique annuel et non celui moyen de chaque jour, voire moyen de chaque heure. En ne traitant pas le thème des puissances instantanées, la solution proposée ne paraît pas crédible comme nous le verrons ci dessous.

- La non-présentation, sous forme qualitative et quantitatives vérifiables, des mesures dites de « gestions coordonnées », ou anti-fluctuations rend l'ensemble du rapport peu crédible.

- Le dossier Négawatt 2011 indique : « Stocker l’électricité sous forme de méthane de synthèse par électrolyse puis méthanation et injection dans le réseau de gaz pour profiter de ses capacités de stockage » (ne pas confondre méthanation avec le processus naturel biologique appelé méthanisation).

Cette présentation est fausse et trompeuse. Le passage à l’hydrogène et au méthane ne stocke pas l’électricité, mais transforme l’électricité en potentiel de chaleur. Il aurait fallu aller au bout de l’option et produire de l’électricité, soit à partir d’hydrogène avec la pile à combustible (solution rejetée par Négawatt, à juste titre, car inconcevable à grande échelle), soit en brulant le gaz dans une centrale à gaz, mais ce serait rajouter une nouvelle baisse de rendement et globalement le rendement ne serait que de 25 %, à comparer aux 70 % des STEP !

- En premier lieu, créer un potentiel STEP de 23 TWh de stockage revient à multiplier par 4 le potentiel actuel des STEP en France, qui est de 5,5 TWh consommés pendant les heures creuses pour 3,9 TWh produits pendant les heures pleines. Il faut noter que ces valeurs que nous retenons de 5,5 et 3,9 diffèrent de celles affichées par Négawatt de 8 et 6. En fait Négawatt se trompe en intégrant dans son bilan les unités de STEP mixtes[16]. Ces unités, outre le pompage pour remonter l’eau, associent le remplissage naturel du barrage haut, alors que la capacité réelle de la fonction STEP repose essentiellement sur le barrage bas et la capacité de pompage en remontée d’eau, plus que de celle de turbinage en écoulement d’eau. Cette multiplication par 4 du potentiel STEP est en contradiction avec le texte de synthèse qui indique que « s’il est possible d’augmenter la capacité des STEP, mais probablement pas de manière importante ». Elle est surtout peu crédible, car il serait très difficile de trouver des sites permettant d’installer près de 20 GW de STEP.

- Mais en fait cette analyse en énergie est de très loin incomplète et une analyse en puissance s’impose.

 

Le réseau, tel que prévu par Négawatt, aura en 2050 une puissance moyenne en consommation de 40 GW environ. Nous retenons des variations de l’ordre de ± 6 GW autour de cette moyenne, variations essentiellement journalières.[17]

- Les 194 TWh d’éolien correspondraient à une puissance installée de 80 GW et les 90 TWh de photovoltaïque à 82 GWc. En journée d’été en supposant que l’éolien ne dépasse pas 70 % de la puissance installée et le PV 80 %, ce sont environ 120 GW qui devraient à certaines périodes se déverser sur le réseau. Il y a donc de l’ordre de 80 GW de trop entre la puissance produite et celle consommée, Même en supposant 20 GW de STEP, il semble totalement impossible de prévoir 60 GW d’installation d’électrolyse pour produire de l’hydrogène et absorber le pic. Evidemment une solution existe : déconnecter les renouvelables, surtout les éoliennes, mais le bilan global en énergie n’a alors plus aucun sens.

A moins que Négawatt, qui présente un bilan export/import excédentaire de 55 TWh, ne compte sur l’exportation pour couvrir ces périodes de surplus. Ceci n’est pas dit dans le dossier, mais il est difficile d’imaginer d’exporter cette électricité car en général les ENR des différents pays produisent en phase (à l’échelle de l’heure.

- La question se pose aussi dans la situation inverse de faible production. En soirée d’hiver, avec très peu de vent, ce qui peut durer des jours, voire quelques fois des semaines pendant les périodes anticycloniques, la puissance renouvelable peut n’être que de 8 GW (hypothèse 10% de la puissance installée  d’éolien). L’apport de la cogénération étant estimé au maximum à 10 GW (pour  une production annuelle de 28 TWh), l’hydraulique ne pouvant fournir au plus que 20 GW et les STEP ne pouvant produire que un ou deux jours au maximum, il y a un manque évident de puissance.

- L’origine du gaz carbonique, entrant avec l’hydrogène issu de l’électrolyse, dans la production de  méthane, n’est pas indiquée. La seule source centralisée de production de gaz carbonique qui pourrait être à l’origine de ce gaz est la sidérurgie consommant 13 TWh issus du charbon et de la biomasse solide, qui devrait libérer 4,6 millions de tonnes de gaz carbonique par an. Une estimation simplifiée conduit à trouver que, hors pertes, ceci apporterait 50 % de moins que les besoins de méthanisation. Une autre source de gaz carbonique pourrait être le biogaz. En retenant que la fermentation anaérobie donne un mélange gazeux, constitué d’environ 55% de méthane et parmi les autres gaz 30% de gaz carbonique, il faudrait imaginer la collecte de tout ce gaz carbonique pour répondre aux besoins. Est-ce la solution retenue ? Mais ceci va consommer de l’énergie et des capitaux.

- Si le dossier Négawatt évoque la capacité de stockage de méthane dans la continuité des stockages actuels de gaz naturel (100 TWh dans les stockages sous terrains), le besoin de stockage soit d’hydrogène, soit de gaz carbonique, ou même des 2 nécessaires pour faire face à l’intermittence, n’est pas évoqué, ni les énergies consommées pour ces stockages.

 

4. Les coûts

Nous rappellerons d’abord les rares éléments économiques fournis par Négawatt, suivis de quelques commentaires. Puis, dans une deuxième partie de ce chapitre, nous rappellerons les ordres de grandeur de coûts du scénario Négawatt tels que nous pouvons les apprécier.

 

Les justificatifs économiques de Négawatt

Négawatt justifie plus particulièrement les actions proposées par la prise en compte du rapport Stern de 2006, qui conclut que face au risque de changement climatique, ne rien faire coûterait 15 à 20 fois [18] plus que les actions de réduction des rejets.

Outre le rapport Stern, Négawatt justifie ses choix en notant que :

- Les actions de sobriété ne coûtent rien et rapportent puisqu’elles économisent de l’énergie

- Si les actions d’efficacité nécessitent des investissements, le retour sur investissement se fera sur la base des économies d’énergie réalisées. Il faut favoriser les actions dont le retour est le plus rapide, sans pour autant s’interdire celles pour lesquelles il l’est moins, voire pas du tout.

- S’il est vrai que les énergies renouvelables sont aujourd’hui plus chères que les énergies fossiles et nucléaires, leurs coûts devraient baisser, alors qu’au contraire celles des autres sources devraient croître, surtout si l’on prend en compte les coûts environnementaux.

- Cet argent dépensé crée aussi des centaines de milliers d’emplois : 564 000 emplois créés par les dépenses d'efficacité énergétique, 316 000 emplois créés par les filières renouvelables

Compte tenu des emplois détruits dans les autres filières (auto, énergie) le bilan global calculé par Négawatt est positif de 684 000 nets.

- La facture énergétique du commerce extérieur qui était de 60 milliards € /an en 2010, tombe à pratiquement 0 (moins de 2 milliards €).

- Au contraire la mise à niveau de sûreté « post Fukushima » engloutira 60 milliards €, sans qu’un kWh supplémentaire soit produit.

Commentaire sur les justificatifs coûts

- Négawatt minimise l’importance des investissements aussi bien pour les économies d’énergie que pour les énergies renouvelables ; nous y reviendrons plus loin.

- L’approche « emplois créés par les renouvelables » est l’argument constamment avancé en faveur des celles ci. Il est clair que plus une énergie coûte cher, plus elle est à même de créer des emplois. Plus les renouvelables coûtent cher et c’est le cas (facteur 2 pour l’éolien, facteur 9 à 6 pour le photovoltaïque) plus le nombre d’emplois créé est grand. Mais ce sont des emplois subventionnés, payés par la collectivité nationale ; il y a de ce fait une baisse de pouvoir d’achat des ménages qui se traduit par une diminution des emplois dans l’ensemble des secteurs d’activité, pas seulement dans le secteur énergie. Mais si en outre, une part significative des sommes versées part à l’étranger, comme pour le photovoltaïque et aussi l’éolien, une part importante des emplois créés ne sont pas en France.[19]

- La facture énergétique du commerce extérieur n’a pas été de 60 Md € comme indiqué par Négawatt, mais de 46 Md €. La valeur de 60 correspond aux importations de pétrole, de gaz et de charbon, mais il y a 14 Md € d’exportation de produits pétroliers et d’électricité.

- Le dernier argument sous-tend, il fallait s’y attendre, une attaque du nucléaire. Le chiffre de 60 Md € indiqués ne repose sur rien, puisqu’à ce jour les propositions faîtes par EDF dites « post Fukushima » sont en cours d’examen avec l‘Autorité de sûreté. Aucun chiffrage ne peut être avancé, mais il ne pourra de loin approcher ce chiffre avancé par Négawatt.

En tout état de cause, quel que soit le chiffre retenu, il faut prendre en compte qu’une sortie du nucléaire ne se faisant pas du jour au lendemain, les dépenses liées au nucléaire, dont celles du fait Fukushima, ne se réduiraient pas de façon significative pour les centrales qui continueraient à produire, même dans le scénario Négawatt, pendant 10 ou 20 ans. En outre, il faudra assurer de toute façon la gestion des déchets et la déconstruction. Cette dernière est un passage obligatoire, mais les répercussions sur le coût de kWh sous forme de provisions sont fortement réduites par le passage de 30 à 60 ans de durée de vie (répartir le capital en réserve sur 2 fois plus d’heures de fonctionnement).

De plus, dire que ces dépenses ne produiraient pas 1 kWh de plus est un non sens. Il faut placer ces dépenses dans un cadre plus général de prolongation de durée de vie des centrales nucléaires et retenir que seulement 10 ans de prolongation de durée de vie du parc nucléaire correspondent à 4 000 TWh produits. Sans nouveaux investissements, en se basant sur le prix de l’électricité (ARENH) vendue par EDF aux fournisseurs alternatifs fixé à 40 €/MWh (pour la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011, puis en augmentation) ces 10 années de production valent 240 Md €.

 

Coup de projecteur sur les dépenses d’investissement

Economies d’énergie dans l’habitat

La rénovation lourde et les logements très basse consommation tels que proposés par Négawatt se traduisent par une dépense d’investissement de 20 000 à 25000 € par logement ; comme cela concernerait environ 1 million de logements anciens et neufs par an, l’investissement annuel à prévoir  est de 20 à 25 milliards. En ajoutant le tertiaire, la facture serait de 30 à 40 milliards € par an. La recommandation d’Orselli de procéder par rénovation diffuse et de rester « raisonnable » pour le neuf diviserait par 4 ce besoin d’investissement. En d’autres termes, le choix fait par Négawatt se traduirait par un surcoût de 20 à 30 milliards € par an.

 

Production de méthane

La production de méthane à partir des déchets ou de la biomasse nécessite des investissements assez lourds ; mais globalement, comme pour les agrocarburants, on peut espérer un coût du méthane ainsi produit entre 150 et 200 €/MWh (équivalent à 350 €/baril de pétrole). Ce coût n’est probablement pas démesuré dans le cas d’une utilisation du méthane pour la mobilité ; mais il l’est assurément pour une utilisation comme moyen de chauffage.

La production de méthane à partir de l’hydrogène produit par électrolyse pose un problème autrement aigu, avec un coût du méthane d’environ 600 à 650 $/MWh, 4  fois plus que le méthane produit à partir de la biomasse et des déchets[20].

L’investissement en électrolyseurs sur la base des données de l’AFH2[21], serait d’environ 50 milliards $[22], montant auquel il faut ajouter les investissements nécessaires pour les méthaniseurs ; mais ces derniers pouvant fonctionner en continu nécessitent des investissements beaucoup moins importants. Au total, nous retiendrons environ 40 milliards €pour ce poste.

 

Eolien et solaire

Négawatt prévoit 50 GW d’éolien terrestre, 30 GW d’éolien en mer. Sur la base d’un coût moyen d’investissement de 1 400 €/kW pour l’éolien terrestre et de 3 000 €/kW pour l’éolien en mer, on arrive au total de 160 Md € pour l’éolien. A cela il faut ajouter les investissements nécessaires pour compenser l’intermittence de la production éolienne : la production de méthane à partir d’hydrogène (40 Md €) et la construction d’une vingtaine de GW de STEP dont on peut estimer l’investissement, sur une base estimée de 5 Md €/GW, à 100 Md €. Il faudrait ajouter le coût de renforcement du réseau qui devrait être capable de transporter des dizaines de GW supplémentaires d’une région à une autre en France.

Au total, le schéma retenu par Négawatt pour le seul éolien se traduirait par un investissement supérieur à 400 Md €.

Pour le solaire, l’intermittence est plus facile à gérer, car beaucoup plus prévisible. Les questions qui se posent portent beaucoup plus sur le coût des installations et sur les problèmes que pourraient soulever le raccordement au réseau de millions de micro producteurs et la gestion de leur production. Sur la base de 3 €/Wc, les 82 GW proposés nécessiteraient un investissement d’environ 250 milliards €.

 

En définitive,

Pour les trois gros postes que nous avons évoqués (l’habitat et le tertiaire, l’éolien et la gestion de l’intermittence, le solaire), le total des investissements se situe dans une fourchette de 45 à 50 milliards € par an.Comme les investissements dans le nucléaire ont peu de chances de baisser de manière significative, comme vu ci dessus, une telle proposition apparaît surréaliste.

 

Une approche des coûts totaux

Pour avoir un ordre de grandeur du coût total, sans faire une étude détaillée, nous partons de l’étude déjà faite « Practical guide to a prosperous, low carbon Europe » et de son analyse faite dans le document SLC[23]. Cette étude se rapporte à la seule production d’électricité et vise un scénario devant permettre de réduire de 80 % (diviser par 5) les émissions de gaz à effet de serre dues à l’énergie dans l’Europe des 27 (plus la Norvège et la Suisse). Tous les chiffres sont à l’échelle de l’Europe et correspondent à une production proche de 5 000 TWh. Elle permet de comparer des scénarios avec et sans nucléaire ; elle est résumée par la figure suivante, qui montre que le coût total de la production d’électricité est presque deux fois plus élevé pour les scénarios sans nucléaire. Le diagramme de gauche correspond aux hypothèses de coûts prises par la European Climate Foundation, celui de droite des hypothèses corrigées, essentiellement pour les coûts du solaire et des lignes du réseau électrique qui devront très probablement être enterrées pour des raisons d’acceptabilité sociale.

 

 

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Figure 2 – Comparaison des coûts totaux en Md € de la production d’électricité (2010 à 2050)

(coûts totaux : investissements et dépenses d’exploitation et combustibles).

              Différents scénarios : a)  baseline dans la continuité

                                              b) 40% d'électricité renouvelable

                                              c) 60% d'électricité renouvelable

                                              d) 80% dl’électricité renouvelable,

                                              e) Type Négatep Europe

                           f) 30 % de nucléaire et 50 % d’électricité fossile avec CSC.

 

Au niveau de l’Europe, une solution qui mise sur 80 % de renouvelables pour la seule production d’électricité a un surcoût total de 4 800 Md€ par rapport à une solution qui mise comme Négatep sur une large part du nucléaire. Ramené à l’échelle de la France ceci donnerait environ 730 Md€, auxquels il faut ajouter le surcoût de 400 Md€, pour répondre aux impératifs d’isolation extrême. Le total dépasse les 1 000 Md€.

 

Conclusion

A première vue séduisant, le scénario Négawatt repose en grande partie sur des hypothèses extrêmement ambitieuses de possibilités de réduction des consommations, sur un rôle considérable accordé au méthane et sur des erreurs d’échelle quant à la possibilité de faire face à l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque.

Les réductions de consommation escomptées dans les principaux postes de consommation, que sont les logements et les transports sont techniquement et financièrement inaccessibles. Elles supposent en outre que de nombreux interdits soient mis en place : interdit d’augmenter les surfaces de logement, alors que les tendances actuelles sont dues en grande partie à la multiplication des familles monoparentales et au vieillissement de la population ; interdits sur l’alimentation ; interdits sur l’habitat individuel, etc. Les mesures préconisées vont sans doute dans le bon sens, mais poussées à l’extrême elles deviennent irréalistes, sans compter que la volonté de les imposer systématiquement ne peut qu’inquiéter.

L’appel massif au méthane, de préférence aux biocarburants pour la mobilité et à l’électricité pour les usages fixes, repose sur des données irréalistes, notamment sur les rendements des opérations, dont celles liées à la méthanation (production d’hydrogène, collecte du gaz carbonique et stockages de ces gaz). Ceci conduit à s’interroger sur les conséquences d’un échec partiel de la démarche : le gaz naturel, en remplacement du méthane synthétique, serait alors la seule voie possible avec, en contre partie, une dépendance accrue vis-à-vis des pays producteurs et, encore plus grave, une augmentation des rejets de CO2.

Il faut enfin noter que de façon générale toute considération financière est omise de l’analyse Négawatt. Une utopie dont le surcoût par rapport à une politique telle que préconisée par Négatep serait de l’ordre de 1 000 milliards €, soit plus de 25 milliard €/an ; mais ceci ne doit pas nous surprendre, quand nous voyons déjà se dessiner, heureusement encore à petite échelle, les surcoûts de l’éolien et du solaire photovoltaïque, pour répondre aux seuls objectifs du Grenelle de l’environnement.

 

Annexe – Bilan global des énergies finales dans le scénario Négawatt 2011

Les informations détaillées fournies par Négawatt, sous forme de schéma de Sankey, répartissent l’énergie finale en 4 postes : les matières premières, la chaleur, la mobilité et l’électricité spécifique. Des liens relient l’électricité non spécifique et la mobilité, l’électricité  non spécifique et la chaleur, mais la répartition de l’emploi de cette dernière entre les 2 postes de consommation différents que sont l’ensemble habitat/tertiaire et l’industrie n’est pas directement accessible.

Comme ceci est la base de présentation de nombreux scénarios dont celui de la DGEMP, le scénario Négatep [24], nous essayons dans le tableau ci-dessous de présenter cette répartition, conscients que de petits écarts numériques peuvent exister, dus aux difficultés d’interprétation du schéma détaillé Sankey. Mais ces écarts (mineurs) n’ont pas d’impact sur l’analyse présentée dans ce document.

 

 

TWh

Combustibles   Fossiles

Electricité

Renouvelables chaleur

Total         

 

 2008

Réf.

NégaW 2050.

 2008

Réf.

NégaW 2050

2008

Réf.

NégaW. 2050

NégaW  2050

Résidentiel/ tertiaire

452

410

20

280

510

101

105

128

242

363

Ind/Alim.

327

380

28

140

210

  123 + 70*

16

47

80

  231                     + 70*

Transports

545

820

35

12

30

30

24

82

190

255

        Total

1324

1610

83

432

750

324

145

257

512

919

 

Tableau 2  Energies finales par grands postes de consommation:

  • en 2008
  • en 2050 pour le scénario de référence (scénario DGEMP dans la continuité « business as usual »)
  • en 2050 Négawatt

 

* Négawatt ne compte pas en énergie finale une partie de la consommation d’électricité : les 64 TWh utilisés pour produire de l’hydrogène par électrolyse et les 7 TWh perdus au niveau des STEP. Par analogie avec le scénario Négatep, qui considère par exemple que la production de biocarburants est une activité industrielle comme une autre, il y a lieu de considérer que l’électricité consommée pour produire l’hydrogène, comme celle perdue par les STEP devait entrer dans le bilan final.

 


[1]Membres du conseil scientifique de Sauvons le Climat, auteurs du scénario Négatep (www.sauvonsleclimat.org)

[2]Le schéma Sankey visualise les quantités d’énergie en jeu depuis la source (énergie primaire) jusqu’à l’utilisation finale, sous forme de traits fléchés de couleurs différentes (selon les formes d’énergie) et d’épaisseurs différentes (selon l’importance relative). Le schéma de Sankey étant très complexe et ne donnant pas une vue synthétique par secteur d’activité des usages des énergies finales, nous donnons en Annexe un tableau résumé, comparable à celui du scénario Négatep.

[3]Cette baisse plus forte des énergies primaires est due à la quasi suppression des électricités d’origine thermique (nucléaire et fossiles), dont le rendement thermodynamique moyen est de l’ordre de 1/3.

[4]368,5 TWh : cumul des énergies primaires hydraulique, éolien, marines, solaire photovoltaïque et déchets.

A ceci il faut ajouter en production intermédiaire 21 TWhe de la micro cogénération et une production issue de la cogénération centralisée (essentiellement géothermie) d’une quantité non indiquée et dont la détermination par simple bilan thermique global est discutable.

[5]Plus précisément, sur les 30 millions de logements existants, 10 sont chauffés à l’électricité et ont été bien isolés au départ (120 kWh/m²*an) et 20 millions sont très mal isolés (270 kWh/m²*an). Il faudrait distinguer ces 2 familles, qui ne doivent pas être traitées de façon identique.

[6]Malgré le fait que les réseaux de chaleur seront très difficiles à rentabiliser si les consommations sont aussi faibles que le préconise Négawatt.

[7]Exemple de « rénovation diffuse » : les travaux normaux d’entretien ont un coût, 5 000 € par exemple. Si on profite de ces travaux pour améliorer l’isolation (double vitrage par exemple), il y a un surcoût à payer, mettons encore 5 000 € et seul ce dernier doit être pris en compte.

C’est l’essentiel de la thèse d’Orselli (profiter de la « rénovation diffuse »)

Il faut distinguer 3 cas :

o    Rénovation diffuse complétée par mesures d’isolation : surcoût 5 000 €

o    Rénovation « isolation modérée » entreprise en dehors de tout entretien normal : coût 10 000 €.

o    Rénovation lourde : coût 20 000 €

[8]Les spécifications ou objectifs de consommation devraient s’exprimer en énergie finale, comme à l’origine des règles RT et non en énergie primaire comme dans ces dernières règles RT. L’isolation thermique, élément essentiel de la bâtisse devrait être traitée indépendamment du mode de chauffage sélectionné, qui peut être modifié. Les critères pour la sélection du mode de chauffage devraient eux faire intervenir d’autres paramètres réglementaires, comme les rejets de gaz carbonique.

[9]  Les données de référence pour les transports indiquées ici sont celles de l’année 2007, avant les fortes réductions en 2008 et surtout en 2009, associées à la crise économique, Nous ne savons pas si les indications de Négawattet les baisses attendues de 2010 à 2050, prennent ou non en compte l’effet crise.

[10]On notera cependant que les voies ferrées et les canaux ont un rôle important dans l’aménagement du territoire, et que celui-ci peut justifier leurs réalisations indépendamment de la réduction du fret routier.

[11]Même si les industriels devraient bien sortir au sein de leurs gammes, un ou deux modèles qui arriveront aux 2 litres aux100 km,ne serait-ce que pour faire vendre les autres par effet d’image.

[12]L’énergie utile pour la mobilité est l’énergie mécanique sur les roues motrices : environ 25 % de l’énergie finale thermique et plus de 70 % de l’énergie finale électrique utilisée pour charger la batterie.

[13]  Pour les agrocarburants de 1ère génération , les rendements nets  de production de l’éthanol ne dépassent pas 50 % et, pour les oléagineux, 60 %. Pour la 2ème génération, les rendements nets ne dépassent pas 50 %.

[14]La loi de Moore (C/C0 = (Q/Q0)n’est pas une loi physique mais la traductiond’une observation de la décroissance des coûts d’une technologie donnée en fonction des quantités installées. Selon les technologies, α varie entre 0,10 et 0,25 (cas de composants électroniques fabriqués industriellement à des milliards d’exemplaires). Avec α= 0,23, le coût est divisé par 3 quand les quantités sont multipliées par 100, ce qui semble être l’hypothèse de Negawatt. Mais tant l’exposant que le facteur 100 sont très discutables : l’exposant parce qu’il s’appliquerait peut-être au module photovoltaïque, mais sûrement pas à tout l’environnement (panneau, onduleur, raccordements électriques..) ; le facteur 100 parce que les prix actuels reflètent déjà une capacité installée en Europe de plus de 10 GW. Au total, espérer un facteur 2 sur les coûts des panneaux solaires installés (soit 15 à 20 c/kWh) est déjà optimiste

[15]  Etablie par Hubert Flocard à partir des données publiées par RTE www.sauvonsleclimat.org

[16]La puissance cumulée de l’ensemble des STEP de pompage pur est en 2010 de 1 900 MW. Elles transforment 5,5 TWh consommés pendant les heures creuses en 3,9 TWh produits pendant les heures pleines. Les STEP de pompage mixte (dont la plus grande : Grand Maison) représentent 2 500 MW de puissance en production. Elles produisent en année moyenne 1,2 TWh en énergie nette (apports naturels d’eau au réservoir supérieur) et environ 1,9 TWh en énergie récupérée.

[17]Ces variations journalières sont en 2010 de ±  9 GW  autour de 48 GW en été, soit hors effet chauffage électrique. En hiver, les variations journalières sont sensiblement du même ordre, mais autour d’une valeur moyenne supérieure. L’effet chauffage électrique étant réduit pour Négawatt 2050 (facteur 10 de 2010 à 2050), du fait de la réduction des pertes, de l’utilisation des pompes à chaleuret d’une meilleure gestion de la consommation, nous retenons  ± 6 GW pour Négawatt 2050.

[18]Cette fourchette  donnée par Négawatt de 15 à 20, devrait plutôt être de 5 à 20, si on s’en tient au rapport Stern qui dit : « un investissement de 1% du PIB mondial par an dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre permettrait d'éviter une perte économique comprise entre 5% et 20% du PIB mondial chaque année ».

[19]L’étude allemande réalisée par RWI (« Economic impact from the promotion of renewable energies : the German experience » - october 2009) conclut que le très important développement des énergies éoliennes et solaires en Allemagne de 2000 à 2009 n’a pas résulté en une création nette d’emplois ; il aurait fallu que le bilan exportateur soit positif pour qu’il en soit autrement, ce qui n’a pas été le cas du fait de la concurrence chinoise.

[20]Le prix de revient de l’hydrogène est de la forme : Phyd = A*Pélect +K, ou A est l’inverse du rendement de l’opération et K la charge fixe (investissement, frais de fonctionnement et d’entretien). Selon l’AFH2, K# 25 $/MWh pour une électrolyse en base (7000 h/an) ; si l’électricité provient du fonctionnement intermittent des éoliennes (environ 800 h/an[19]), l’amortissement des électrolyseurs introduirait une charge de 200 à 225 $/MWh d’hydrogène, auquel il faut ajouter environ 100 à 125 $/MWh d’électricité ; soit au total 300 à 350 $/MWh d’hydrogène. Le MWh de méthane coûtera environ 2 fois plus, soit 600 à 650 $/MWh, 4  fois plus que le méthane produit à partir de la biomasse et des déchets.

[21]Association Française de l’Hydrogène – « L’hydrogène : pour relever le défi énergétique du XXIème siècle » (2006)

[22]Sur la base de 337 millions $ pour 2,85 Nm3/j et un fonctionnement équivalent à 800 h/an

[23] Voir sur www.sauvonsleclimat.org:

 « Suggestions / contributions pour la refonte de la politique énergétique européenne. Comparaison du scénario ECF« roadmap 2050 »  et une extrapolation du scénario SLC- Négatep  au niveau Europe »

[24]Claude Acket, Pierre Bacher – « Le scénario Négatep » - Futuribles n° 376 (juillet – août 2011)

  • Assemblée Générale Ordinaire des Adhérents de Sauvons Le Climat
ETUDES SCIENTIFIQUES