Électricité « 100 % renouvelable » : une utopie européenne ? (communiqué)

Georges SAPY

Électricité « 100 % renouvelable » : une utopie européenne ?

Atteindre « 100 % d’électricité renouvelable » dans des conditions à la fois environnementalement durables, socialement acceptables par les citoyens et économiquement supportables pour les consommateurs, s’apparente à une utopie. Seul « plan B » réaliste : conserver une part importante d’énergies de stock qui, compte tenu des besoins massifs, ne peut être que l’énergie nucléaire, non émettrice de CO2. Un retour au gaz fossile qui est non seulement émetteur de CO2, mais aussi émetteur de méthane du fait des fuites dans la production, le transport et l’utilisation, rendrait impossible la neutralité carbone. Veut-on réellement lutter contre le réchauffement climatique ?

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Produire 100 % de notre électricité avec des sources renouvelables implique de recourir massivement à l’énergie éolienne et l’énergie solaire (photovoltaïque) parce que ce sont les seules sources d’énergies renouvelables dont le potentiel de croissance est important. Les possibilités de développement des autres énergies renouvelables, l’hydraulique et la combustion de la biomasse, utilisées depuis longtemps, sont trop restreintes.

Malheureusement, l’électricité éolienne n’est produite que lorsqu’il y a suffisamment et pas trop de vent ; la production varie considérablement avec la vitesse du vent. L’électricité photovoltaïque est produite quand il y a du soleil, donc pas la nuit, et la production est constamment modulée par la nébulosité. Pour pouvoir fournir l’électricité en suivant la variation de la demande, ces sources variables et intermittentes requièrent que leur énergie soit stockée pour la retransformer ensuite en électricité selon les besoins. Il est donc indispensable de disposer de moyens de stockage/déstockage adaptés. Par comparaison, de tels moyens sont superflus avec des moyens de production d’électricité utilisant des combustibles fossiles (charbon, fioul, gaz) ou nucléaires, dont les stocks sont transformés en électricité à la demande.

Pour assurer correctement leur fonction, les moyens de stockage/déstockage d’énergie doivent posséder trois qualités majeures : 1) avoir un rendement global élevé pour ne pas gaspiller l’électricité ; 2) permettre de stocker de très grandes quantités d’énergie (car vent et soleil peuvent faire défaut durant 10 à 15 jours d’affilée en conditions hivernales quand la consommation est au plus haut) ;  3) stocker l’énergie en longue durée (stocker la production photovoltaïque de l’été pour l’utiliser l’hiver quand la consommation est maximale sous nos latitudes).

Aucun système connu à ce jour ne répond simultanément à ces trois critères. Deux systèmes répondent au premier critère mais pas aux deux autres car leur capacité de stockage est trop limitée. Ce sont : 1) les STEPs (Stations de transfert d’énergie par pompage) : l’eau d’un bassin inférieur est pompée vers un bassin supérieur quand il y a surplus d’électricité, et turbinée du bassin supérieur vers le bassin inférieur quand il faut utiliser le stock ; 2) les batteries électrochimiques.

Les gaz combustibles de synthèse (hydrogène et méthane) satisfont les deux derniers critères mais pas le premier : sur la base des rendements globaux actuels, pour pouvoir récupérer 1 kWh d’électricité au déstockage il faut en avoir consommé 3 si on stocke de l’hydrogène et 5 si on stocke du méthane. Les parcs éoliens et photovoltaïques nécessaires pour produire cette énergie sont démesurés. Où les mettrait-on ? Quelle seraient leur acceptabilité sociale (déjà très mauvaise pour les éoliennes), leur impact sur les ressources en matériaux rares ou critiques et leur coût ?

Certes la R&D est susceptible d’améliorer ces rendements, mais, au vu des connaissances actuelles, réduire suffisamment la taille des parcs éoliens et photovoltaïques nécessaires nécessiterait de réduire drastiquement la production d’électricité, dont la pénurie pénaliserait la nation et rendrait impossible de la substituer aux énergies fossiles dans l’habitat, les transports et l’industrie ; la neutralité carbone serait alors hors de portée.

En résumé, atteindre « 100 % d’électricité renouvelable » dans des conditions à la fois environnementalement durables, socialement acceptables par les citoyens et économiquement supportables pour les consommateurs, s’apparente à une utopie. Seul « plan B » réaliste : conserver une part importante d’énergies de stock qui, compte tenu des besoins massifs, ne peut être que l’énergie nucléaire, non émettrice de CO2. Un retour au gaz fossile qui est non seulement émetteur de CO2, mais aussi émetteur de méthane du fait des fuites dans la production, le transport et l’utilisation, rendrait impossible la neutralité carbone. Veut-on réellement lutter contre le réchauffement climatique ?

 

Lien (format pdf) vers l’étude complète de Georges SAPY :      Électricité « 100 % renouvelable » : une utopie européenne ?

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