La France « sur les rails » pour tenir ses objectifs de CO2 : Vraiment ?

Sauvons Le Climat

Les émissions de CO2e (CO2 dit équivalent, incluant l’ensemble des gaz à effet de serre, GES, dont le CO2 proprement dit représente les 3/4) ont baissé de 19 Mt, soit de - 4,8 % entre 2022 (404 Mt) et 2023 (385 Mt). Ce résultat a donné lieu à une communication du Ministre de la transition écologique et des territoires qui a déclaré le 20 mars que cela correspondait « quasiment à la totalité de la baisse entre 2012 et 2017 » et qui a ajouté que c’était « la preuve que la planification écologique commençait à produire ses effets ».

Ces déclarations dithyrambiques ne distinguent malheureusement pas les causes conjoncturelles des causes structurelles et la dure réalité est très sensiblement différente, pour au moins deux raisons :

     - La baisse conjoncturelle très importante des émissions de CO2 de la production d’électricité entre 2022 et 2023 [1]. Du fait des indisponibilités exceptionnelles des réacteurs nucléaires en 2022, l’électricité française a été plus carbonée que d’habitude avec 55 g de CO2 par kWh produit, conduisant à l’émission de 24,2 Mt de CO2 en 2022. En 2023, avec essentiellement le retour à une meilleure disponibilité du nucléaire (pour plus des 2/3 de la diminution des émissions) complémenté par une bonne production des sources renouvelables, notamment hydrauliques, l’électricité a retrouvé une valeur carbonée de moins de 35 g de CO2 par kWh, dans la moyenne des années précédentes, conduisant à l’émission de 16,7 Mt de CO2 seulement en 2023.

     En résumé, entre 2022 et 2023, la production d’électricité a réduit à elle seule ses émissions de CO2 de 24,2 - 16,7 = 7,5 Mt, soit d’un peu plus de - 1,8 % du total des émissions de 2022 du pays.

     - La deuxième cause importante de réduction des émissions de CO2 provient de l’industrie. Elle est globalement de l’ordre de 6 Mt de CO2 entre 2022 et 2023, soit d’un peu moins de 1,5 % du total des émissions de 2022 du pays. Elle provient principalement des industries ayant des besoins importants de chaleur, fournie par les combustibles fossiles, essentiellement gaz naturel, notamment : la métallurgie ; la chimie, les matériaux de construction des bâtiments ; l’agroalimentaire ; etc.

     Cependant, cette baisse des émissions s’explique essentiellement [2] par des baisses de production et très accessoirement par une amélioration de l’efficacité des procédés industriels. On est donc encore dans le domaine des réductions de nature conjoncturelle et non structurelle.

     Au total, les réductions d’émissions d’origine majoritairement conjoncturelle de ces deux secteurs expliquent à eux seuls environ 1,8 + 1,5 = 3,3 % des réductions totales du pays de 2022. Même si elles incluent une petite part attribuable à une amélioration d’origine structurelle, le solde, soit 4,8 - 3,3 = 1,5 % est bien maigre pour représenter une réduction d’origine structurelle importante. La performance réelle du pays apparaît donc comme très éloignée des - 4,8 % annoncés, ce qui est une mauvaise nouvelle.

     En conclusion avant de claironner un résultat réputé historique, qui relève beaucoup plus de la com. que de la dure réalité, il serait indispensable de procéder à une analyse approfondie permettant de distinguer les baisses structurelles des baisses conjoncturelles de façon la plus précise et incontestable possible.

     C’est la condition nécessaire pour comprendre et agir en conséquence de façon efficace, l’illusion ne pouvant mener qu’à l’échec.

[1] Source : données RTE

[2] Source : article du Figaro intitulé La France « sur les rails » pour tenir ses objectifs d’émissions de CO2 - Par Anne-Laure Frémont - 22 mars 2024

NB : cet article s’appuie sur les chiffres du CITEPA.

  

 

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