Règlementation technique appliquée au bâtiment (RT 2020)

Jean-Pierre PERVÈS

Règlementation technique appliquée au bâtiment

La RT 2020, qui va remplacer la RT 2012, doit être modifiée profondément pour une réelle efficacité climatique

 

Vous avez deux maisons identiques, avec la même isolation et la même ventilation. L’une est chauffée au gaz qui émet du gaz carbonique et l’autre à l’électricité qui est décarbonée. L’une est classée comme performante (« B » ou « C ») et l’autre comme médiocre (« E ») dans leurs « Diagnostics de performance énergétique » respectifs (DPE). Ceci sur injonction de la RT 2012[1], qui impose à l’électricité une pénalité qui conduit à multiplier par 2,58 les consommations réelles.

 Cette pénalité infligée à notre électricité décarbonée va à l’encontre des objectifs climatiques.

Juger de la performance d’un bâtiment doit reposer en priorité sur les émissions de CO2, non prises en compte dans la version actuelle de la RT 2012, et, en second lieu, sur sa qualité d’isolation, ce qui implique de prendre en compte la quantité d’énergie consommée par le bâtiment.

Multiplier par 2,58 la consommation d’électricité (sous prétexte de prise en compte de l’énergie primaire) est d’autant plus inadmissible que, pour le gaz, on oublie la consommation d’énergie pour son transport, depuis l’Algérie par exemple, voire sous forme liquide par bateau, et son stockage à haute pression. Plus surprenant encore, on occulte la contribution des fuites de gaz depuis le forage, le méthane CH4 étant un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2. La conséquence : par exemple dans le logement collectif la quasi-totalité des constructions neuves (hors réseau de chaleur urbain) fait appel au gaz ! On voit même des rénovations de bâtiments passer d'un chauffage électrique (décarboné en France) à un chauffage gaz.

En conclusion la future réglementation thermique (RT 2020) devrait :

1 - fixer un objectif prioritaire d’émissions de CO2 par m2 et par an[2].

2 - considérer l’impact du combustible utilisé sur l’équilibre de la balance commerciale française.

Il est inacceptable que des familles soient ainsi pénalisées si elles veulent louer ou vendre, parce qu’elles ont opté pour un chauffage électrique[3], alors que l’État a encouragé ce mode de chauffage pour améliorer notre taux de dépendance énergétique et réduire le déficit de notre balance commerciale (il est 46 milliards € en 2018 pour les seul combustibles fossiles, soit 77 % du déficit total).

Il est urgent également, dans la rénovation, de donner priorité au remplacement des chauffages fioul, puis gaz, par des énergies non carbonées efficaces (pompes à chaleur, solaire thermique, géothermie, biomasse). Les travaux d’isolation, très coûteux pour une bonne efficacité, n’apportent en comparaison que des gains partiels, voire très partiels d’après une enquête récente de l’ADEME (TREMI[4]). Avec un parc ancien comme le nôtre, l’efficacité énergétique sera un objectif de long terme.

Lors de l’enquête publique de 2018 sur la PPE le maître d’ouvrage (le ministère) affirmait, pour justifier le maintien de cette règle inefficace, que la prise en compte de l’énergie primaire était imposée par l’Europe. Or si l’Europe met en avant ce paramètre globalement, il ne l’impose pas spécifiquement aux bâtiments. Nos ministres de l’environnement, chargés de l’énergie, n’ont jamais défendu en Europe notre électricité décarbonée (hydraulique et nucléaire essentiellement), préférant, par idéologie, écouter les sirènes allemandes. Or les allemands sont en plein échec avec une électricité coûteuse, qui reste très carbonée, et avec des émissions de CO2 qui ne baissent pas !

La nouvelle réglementation en cours de préparation, et sur laquelle il n'est pas possible à une association comme « Sauvons le Climat » d'avoir des informations, aura un poids considérable sur les performances climatiques de la France à court et à long terme.

Cette réglementation ne doit pas sortir en catimini. Elle devra être examinée avec attention et avec une grande rigueur technique par les spécialistes du climat et du bâtiment, et au niveau politique par les commissions d’enquête parlementaires sur la transition énergétique et par l’OPECST[5], si nous voulons qu'elle contribue vraiment aux objectifs climatiques, et non à des intérêts sectoriels spécifiques.

 

[1] La réglementation thermique 2012 (dite « RT 2012 ») pose des objectifs en matière d’efficacité énergétique avec un maximum d’énergie consommée fixé à 50 kWh/(m².an) en moyenne, en énergie primaire. Afin de réduire l’usage de l’électricité cette RT, bien qu’annoncée en faveur du climat, ne fixe aucun objectif d’émissions de CO2.

[2] On pourrait par exemple considérer pour le chauffage des émissions de gaz carbonique par kWh de même ordre que celui donné par RTE pour le kWh électrique.

[3] D’autant que les études du Ministère de l’Environnement montrent que les appartements et maisons individuelles chauffés à l’électricité ont généralement été mieux isolés que ceux chauffés au gaz !

[4] Le rapport TREMI indique que sur un échantillon de 30000 rénovations sur cinq millions, 5 % seulement permettent de gagner deux classes dans le DPE et 20 % une seule classe. 75 % ont une consommation quasi inchangée.

[5] OPECST : Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques

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