Marc DEFFRENNES

 

Après cinq années de politique européenne verte, Pacte Vert oblige, il est nécessaire de profiter des élections à venir pour se « pauser » … en se posant les bonnes questions. Certains Chefs d’États Membres de l’Union l’ont dit … il faut maintenant le faire.

Tout d’abord en termes de cibles de décarbonation, allant de moins 55 % en 2030 à moins 90 % en 2040, comme proposé par la Commission dans sa Communication du 6 Février. Aujourd’hui, on atteint environ 30 %, en tenant compte des épisodes Covid et de crise du gaz que nous avons connus. Si la cible obligatoire de 55 % dans six ans paraît déjà difficile à atteindre (rappelons qu’elle était initialement de 40 % avant le boost du Pacte Vert), que dire de l’objectif de 90 % pour 2040 ?

Ces cibles sont dictées par l’objectif « zéro carbone net » en 2050 et, en gros, en suivant une évolution linéaire de réduction, l’effort quant à lui devenant de plus en plus grand. Sans remettre en cause la nécessité de décarboner le plus rapidement possible, il faut cependant tenir compte de l’impact sociétal et social de la dynamique, et non seulement de la « durabilité verte » par trop réductrice. Ne faudrait-il pas dès lors partir plutôt d’une bonne évaluation de ce qu’il est possible d’atteindre, tout en faisant bien sûr le maximum, mais en tenant compte de l’impact économique sur le bon fonctionnement d’une société de bien-être pour tous ? Et il faut aussi intégrer ce qui peut être raisonnablement fait par l’Union Européenne dans un monde global multipolaire et fracturé, pour être efficace sans toutefois se pénaliser, ce qui serait à nouveau au détriment de la durabilité sociétale de notre Union Européenne.

Ensuite, quand on en vient à l’énergie, n’est-il pas temps, une fois pour toute, d’arrêter le mélange des genres entre la finalité de décarbonation et les moyens d’y parvenir ? Par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union, chaque État Membre est seul responsable et libre de son choix de mix énergétique. Il est donc inacceptable que, par le biais d’une politique verte, des cibles de pénétration d’énergies renouvelables soient imposées. La dernière en date est de 42,5 % dans la très récente Directive Énergies Renouvelables RED III. Il faut arrêter et laisser dorénavant la liberté totale à chaque État Membre d’utiliser d’autres moyens décarbonés de production d’énergie sans imposition par ailleurs.

À ce sujet le Document des Services de la Commission venant en soutien à la Communication ciblant 90 % de décarbonation en 2040 pose question. Pour l’électricité, on y lit que la perspective de déploiement de nucléaire en 2040 et en 2050 est de 71 GWe. Même si ce document est « préliminaire » et basé sur les Programmes Nationaux Énergie et Climat de 2019 qui doivent être révisés cette année, c’est interpellant. Si l’on prend comme hypothèse que l’électrification des usages doublera la consommation électrique d’ici à 2050, cela correspond à une réduction de la part du nucléaire dans la consommation d’électricité dans l’Union de 20 % à 7 % ..., le reste venant essentiellement des énergies renouvelables. Celles-ci continuent donc d’être promues par le biais de tels documents sans que l’ensemble des coûts totaux associés à leur déploiement et à la gestion de leur intermittence ne soient portés à leur charge, mais dilués dans les factures d’électricité ou les feuilles d’impôts. Il est grand temps de faire la clarté, dans l’intérêt des citoyens consommateurs. Ceci devrait aussi amener à une réforme structurelle du marché de l’électricité, pour autant que marché il faut, dans lequel les diverses formes de production d’électricité joueraient à armes égales sans biais, de façon à ce que les prix reflètent les coûts réels, donnant une vision de long terme permettant aux acteurs industriels et investisseurs de s’engager sans recours à des subsides ou autre moyens artificiels. Une réforme structurelle en profondeur du « marché » est nécessaire et urgente.

Sauvons le Climat applaudit au chemin parcouru depuis quelques mois par l’Alliance des États Membres pronucléaires, emmenée par la France. La Ministre Panier-Runacher a fait un travail remarquable pour remettre le nucléaire à l’agenda politique européen et des batailles ont été gagnées au Conseil. Mais la bataille n’est pas terminée. Il faut aller maintenant au-delà de la Taxonomie et du NZIA (Net Zero Industry Act). Il faut d’abord reconnaître que le nucléaire n’est pas une énergie de transition au même titre que le gaz, comme stipulé dans la Taxonomie, mais qu’elle doit être déployée dans une perspective industrielle de long terme. Il faut ensuite ouvrir les outils de financement européens au nucléaire comme ils l’ont été depuis des années pour les énergies renouvelables, sur pied d’égalité. Ceci donnerait le signal aux investisseurs publics et privés que le nucléaire est, après des années d’errance, reconnu comme utile, pour ne pas dire indispensable, à l’effort de décarbonation de l’Union Européenne. Il n’est pas trop tard, mais c’est maintenant.

Nous osons espérer que les prochaines élections résulteront en un nouveau départ pour que la politique Climat / Énergie de l’Union Européenne ne soient pas basée sur des mythes, pour devenir réalité tout en assurant la durabilité de notre société de bien-être.

  

 

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