Négawatt, un scénario peu réaliste et un pari risqué

SLC


La France s'est fixée comme objectif de diviser par 4 ses rejets de CO2 dus à l'énergie d'ici 2050, alors que le poursuite des tendances de consommation des 10 dernières années conduirait à augmenter de 50% la consommation finale d'énergie (240 Mtep), et d'autant les rejets de CO2. Divers scénarios ont été proposés pour atteindre, ou tout au moins s'approcher de cet objectif. Parmi ceux-ci, le scénario Négatep proposé par «Sauvons le Climat» et le scénario Négawatt proposé par l'association Négawatt. Le document de comparaison « Négawatt–Négatep» mis sur le site de «Sauvons le Climat» est une présentation que nous avons voulue la plus neutre possible des deux scénarios. Chacun des deux scénarios est fondé sur un certain nombre d'hypothèses qu'il est légitime de mettre en question. «Sauvons le Climat» s'interroge particulièrement sur 3 hypothèses majeures qui fondent le scénario Négawatt (1) .

Première hypothèse : il sera possible de diviser la consommation finale par un facteur supérieur à 2 par rapport à la tendance, pour la ramener à 114 Mtep.
Une telle réduction n'est-elle pas utopique ? Elle ne peut être obtenue que si chaque acteur économique se voit imposer des contraintes peu compatibles avec les libertés individuelles. D'autre part, quels seront les moyens de faire face à la demande si celle-ci ne baisse pas autant qu'espéré ?

Deuxième hypothèse : il sera possible de ne pas faire appel à l'électricité pour déduire les rejets de CO2 ; la consommation d'électricité baisserait même un peu, de 39 à 37 Mtep (450 TWh à 430 TWh), alors que la tendance conduirait à une augmentation à 58 Mtep (675 TWh).
S'interdire l'électricité est paradoxal, alors que l'on sait comment la produire avec très peu de rejets de CO2 et qu'elle peut d'ores et déjà se substituer au pétrole dans presque tous ses usages fixes et dans une fraction significative des besoins de mobilité (transports en commun, voitures hybrides).

Troisième hypothèse : l'électricité d'origine nucléaire pourra être remplacée par des énergies renouvelables, dont une part très importante d'électricité intermittente (plus de 200 TWh d'électricité éolienne et solaire photovoltaïque).
Les études prospectives de RTE et l'expérience allemande montrent que l'électricité intermittente ne peut qu'être un complément, à hauteur au plus de 10 à 15 % de l'énergie fournie, de sources d'électricité fiables et disponibles. C'est fort dommage, mais c'est incontestable au vu des réalités météorologiques (éolien, photovoltaïque produisent 15 à 30% du temps) associées aux possibilités de régulation des réseaux. Ceci nous conduit à considérer qu'il faut corriger les chiffres donnés par Négawatt, les énergies intermittentes ne pouvant guère dépasser 30 TWh et le gaz naturel fournissant près de 240 TWh. Les rejets de CO2 pour la seule production d'électricité seraient de 40 MtC(147 Millions de tonnes de CO2), compromettant irrémédiablement l'objectif visé.

En résumé, les deux premières hypothèses portent en elles un risque assez fort de ne pas être vérifiées, auquel cas, le recours au nucléaire ayant été exclus, la seule issue serait de faire largement appel aux énergies fossiles. Pour éviter que celles-ci ne rejettent de grandes quantités de CO2, il faudrait qu'elles soient assorties de capture et stockage du CO2, ce qui impliquerait probablement de faire largement appel à la production centralisée d'électricité. La troisième hypothèse peut d'ores et déjà être considérée comme irréaliste, à moins que l'on découvre dans les prochaines décennies des moyens de stocker de grandes quantités d'électricité. Le scénario Négawatt nous paraît donc reposer sur plusieurs paris très risqués. Le détail des arguments résumés ici peut être trouvé sur le site de «Sauvons le Climat » :

Comparaison des scénarios Negatep et Negawatt

(1) Le titre retenu, « Négawatt », traduit l'a priori restrictif: toute autre production d'énergie est exonérée, la cible unique étant l'électricité, nucléaire bien sûr.


Le collectif «Sauvons le climat» fondé en mai 2004, association loi 1901 depuis Décembre 2005, a pour ambition d’informer nos concitoyens, de manière indépendante de tout groupe de pression ou parti politique, sur les problèmes relatifs au réchauffement climatique et sur les solutions proposées pour le ralentir. Il est doté d’un comité scientifique, présidé par Michel Petit, ancien responsable du groupe français d’experts au GIEC. Son manifeste a été signé par plusieurs milliers de personnes.

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