Le stockage de l’électricité, réalités et perspectives : Opérationnel à petite et moyenne échelles, hors de portée à grande échelle...

Georges SAPY

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Résumé et conclusions

Ce document comporte trois parties, dont les niveaux de lecture sont de technicité croissante :

* Le présent résumé qui inclut les conclusions essentielles de l’étude,

* Le texte principal qui dresse un panorama synthétique des principales problématiques générales du stockage de l’électricité, et identifie les paramètres physiques et économiques qui gouvernent les performances et les coûts des moyens de stockage. Sur la base des besoins de stockage à différentes échelles de quantité et de durée, les technologies disponibles ou envisagées sont mises en regard et évaluées,

* Des annexes techniques dédiées à l’analyse et aux estimations justificatives, techniques et économiques, des technologies de stockage envisagées mais non encore matures.

Les principales conclusions sont les suivantes : le stockage de l’électricité recouvre des situations extrêmement diverses en termes d’ÉCHELLE des besoins,  de technologies aptes à y répondre et de maturité et performances physiques et économiques de ces dernières. Il est donc impossible de conclure de façon générale. En fonction de besoins croissants :

* Le stockage de l’électricité à petite/moyenne échelles pour des durées très courtes (typiquement stockages journaliers pour les usages domestiques et tertiaires) est d’ores et déjà opérationnel tout en conservant des  marges de progrès complémentaires. Les batteries électrochimiques apparaissent de plus en plus comme la technologie de référence pour répondre à ces applications, d’autant plus qu’une recherche active dans ce domaine devrait faire émerger de nouvelles solutions en sus de l’amélioration rapide des solutions connues,

* Le stockage de l’électricité à moyenne/grande échelle pour des durées courtes à moyennes (typiquement stockage de quelques heures à quelques jours pour les besoins d’équilibrages partiels des réseaux d’électricité) est également opérationnel et performant. Les STEPs (Stations de transfert d’énergie par pompage) qui ont des rendements élevés et sont exploitées depuis des décennies constituent la technologie de référence pour les puissances/capacités les plus importantes. Mais nécessitent des sites adaptés. Pour les puissances moyennes, les batteries de grande capacité commencent également à être utilisées dans certains cas, compte tenu de leurs performances et de la baisse de leurs coûts, car elles ne nécessitent pas d’espaces géographiques spécifiques,

* Par contre, le stockage de l’électricité à très grande échelle (stockage de MASSE) et pour des durées pouvant être très longues (stockage INTER-SAISONNIER) n’a ACTUELLEMENT AUCUNE SOLUTION PHYSIQUEMENT OU ÉCONOMIQUEMENT VIABLE. Ce type de stockage est pourtant indispensable dans la perspective d’une forte pénétration d’électricité intermittente éolienne ou photovoltaïque pour pallier leurs manques DURABLES (absence totale de vent et/ou de soleil pouvant durer jusqu’à plusieurs jours consécutifs lors de conditions anticycloniques hivernales). Les besoins en énergie sont en effet tellement importants dans ces circonstances qu’aucune solution connue ou envisagée n’est pour l’instant capable de les satisfaire pour différentes raisons :

- Les STEPs actuellement installées en métropole sont très loin du compte malgré leurs puissances/capacités respectables : il faudrait multiplier ces dernières par... 18 pour stocker la consommation d’une seule journée froide d’hiver ! Évidemment hors de toute réalité... Alors que leur capacité d’extension ne dépasse pas 20 %...

- Le stockage d’air comprimé dans des cavités souterraines de très grandes dimensions ne répond pas mieux à la question : outre que cette technologie est nettement moins mature que celle des STEPs et a un rendement inférieur, les capacités souterraines qui devraient être mises en œuvre seraient hors de proportion : toujours pour stocker la consommation d’une journée froide d’hiver, il faudrait utiliser des stockages souterrains ayant les caractéristiques de résistance et d’étanchéité requises... 6 fois plus importants que les stockages souterrains actuellement utilisés pour le gaz naturel ! Également hors de toute réalité...

- L’impossibilité de ces deux technologies à assurer du stockage de masse résulte des lois de la physique et tient au fait que l’énergie hydraulique de chute et l’énergie mécanique de pression ont de faibles concentrations volumiques, qui ne peuvent par conséquent être compensées que par des volumes mis en œuvre extrêmement importants, concrètement hors de portée. C’est une raison de fond, qui relève des LIMITES de la PHYSIQUE, et est par conséquent non dépassable par les progrès technologiques,

- La SEULE solution permettant le stockage de MASSE INTER-SAISONNIER est le recours au stockage chimique, en l’occurrence sous la forme de gaz combustibles que sont l’hydrogène ou le méthane de synthèse. C’est la solution dite « Power to gas to power » en anglais, qui comprend la voie hydrogène (ce dernier étant produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable intermittente) et la voie méthanation qui prolonge la précédente afin d’obtenir du méthane de synthèse par combinaison d’hydrogène avec du CO2. La physique indique ici que l’énergie transformable en électricité d’un m3 de méthane comprimé à 70 bars est à peu près 260 fois plus importante que celle d’un m3 d’air comprimé à la même pression. Et pour l’hydrogène, le rapport est de 70. On retrouve là les ordres de grandeur des densités énergétiques des énergies fossiles carbonées.

Malheureusement, ces modes de stockage souffrent d’un handicap majeur : leurs chaînes de transformations physiques et chimiques sont complexes et longues, ce qui entraine des pertes énergétiques très importantes, conduisant à des rendements globaux très faibles « du réseau au réseau ». Typiquement, ces derniers sont actuellement de l’ordre de 30 % pour la voie hydrogène et 20 % pour la voie méthanation. Ce qui signifie concrètement que pour pouvoir déstocker 1 kWh d’électricité, il faut en avoir « consommé » plus de 3 avec la voie hydrogène et 5 avec la voie méthanation !

Ces rendements très faibles ont d’autres conséquences : ils impliquent de surdimensionner les installations d’électrolyse qui voient passer près de 3 à 5 kWh (selon le cas) pour que la chaîne puisse produire 1 kWh en sortie. De plus, ces installations ne peuvent fonctionner plus longtemps que les sources éoliennes et/ou photovoltaïques qui les alimentent, c’est-à-dire moins de 3 000 heures/an en temps équivalent à pleine puissance. Voire moins de 900 heures/an si seuls les surplus inutilisables de ces sources servent au stockage. Résultat : les coûts d’amortissement (CAPEX en anglais) sont extrêmement élevés !

En résumé, le modèle économique de ce type de stockage cumule les conditions défavorables, ce qui conduit à des coûts de l’électricité déstockée... 5 à 10 fois supérieurs aux prix de marché actuels ! Rendant impossible l’émergence d’un MODÈLE ÉCONOMIQUE VIABLE dans les conditions actuelles. Ceci sans même tenir compte des charges amont supplémentaires induites pour le système électrique : il faut en effet produire un surcroît d’électricité très important rien que pour compenser les pertes subies lors des conversions énergétiques. Ce qui implique des investissements supplémentaires très élevés, des occupations d’espace, etc. Sauf si on se limite à la récupération des seuls surplus. Mais alors les capacités de stockage/déstockage sont très limitées.

Quelles sont les futures marges d’amélioration possibles ? Deux voies de progrès doivent être combinées, outre une baisse des prix de l’électricité « consommée » lors du stockage :

- Augmenter les rendements. Mais malgré les progrès de la R&D et des technologies, les rendements globaux  devraient plafonner (cf. justifications en annexe 3) vers 43 % environ pour l’hydrogène et vers 36 % environ pour la méthanation. Encore bien peu...

- Réduire les coûts d’investissement. Par rapport à la situation actuelle, ils devraient être divisés par... 3 voire 4 pour que l’électricité déstockée trouve preneur, et encore lorsque les prix de marché sont élevés...

En conclusion, la SEULE filière physiquement apte à faire du stockage de masse, y compris inter-saisonnier, est non seulement économiquement non viable actuellement, mais les progrès qui seraient nécessaires pour la rendre viable seront extrêmement difficiles à concrétiser. Ce qui les rend très incertains. Et conduit à conclure que le stockage de masse inter-saisonnier n’a pour l’instant et probablement pour longtemps pas de solution... En attendant, il est donc IMPOSSIBLE DE SE PASSER DES ÉNERGIES DE STOCK : nucléaire et/ou gaz naturel.

En fonction de besoins croissants :

* Le stockage de l’électricité à petite/moyenne échelles pour des durées très courtes (typiquement stockages journaliers pour les usages domestiques et tertiaires) est d’ores et déjà opérationnel tout en conservant des  marges de progrès complémentaires. Les batteries électrochimiques apparaissent de plus en plus comme la technologie de référence pour répondre à ces applications, d’autant plus qu’une recherche active dans ce domaine devrait faire émerger de nouvelles solutions en sus de l’amélioration rapide des solutions connues,

* Le stockage de l’électricité à moyenne/grande échelle pour des durées courtes à moyennes (typiquement stockage de quelques heures à quelques jours pour les besoins d’équilibrages partiels des réseaux d’électricité) est également opérationnel et performant. Les STEPs (Stations de transfert d’énergie par pompage) qui ont des rendements élevés et sont exploitées depuis des décennies constituent la technologie de référence pour les puissances/capacités les plus importantes. Mais nécessitent des sites adaptés. Pour les puissances moyennes, les batteries de grande capacité commencent également à être utilisées dans certains cas, compte tenu de leurs performances et de la baisse de leurs coûts, car elles ne nécessitent pas d’espaces géographiques spécifiques,

* Par contre, le stockage de l’électricité à très grande échelle (stockage de MASSE) et pour des durées pouvant être très longues (stockage INTER-SAISONNIER) n’a ACTUELLEMENT AUCUNE SOLUTION PHYSIQUEMENT OU ÉCONOMIQUEMENT VIABLE. Ce type de stockage est pourtant indispensable dans la perspective d’une forte pénétration d’électricité intermittente éolienne ou photovoltaïque pour pallier leurs manques DURABLES (absence totale de vent et/ou de soleil pouvant durer jusqu’à plusieurs jours consécutifs lors de conditions anticycloniques hivernales). Les besoins en énergie sont en effet tellement importants dans ces circonstances qu’aucune solution connue ou envisagée n’est pour l’instant capable de les satisfaire pour différentes raisons :

- Les STEPs actuellement installées en métropole sont très loin du compte malgré leurs puissances/capacités respectables : il faudrait multiplier ces dernières par... 18 pour stocker la consommation d’une seule journée froide d’hiver ! Évidemment hors de toute réalité... Alors que leur capacité d’extension ne dépasse pas 20 %...

- Le stockage d’air comprimé dans des cavités souterraines de très grandes dimensions ne répond pas mieux à la question : outre que cette technologie est nettement moins mature que celle des STEPs et a un rendement inférieur, les capacités souterraines qui devraient être mises en œuvre seraient hors de proportion : toujours pour stocker la consommation d’une journée froide d’hiver, il faudrait utiliser des stockages souterrains ayant les caractéristiques de résistance et d’étanchéité requises... 6 fois plus importants que les stockages souterrains actuellement utilisés pour le gaz naturel ! Également hors de toute réalité...

- L’impossibilité de ces deux technologies à assurer du stockage de masse résulte des lois de la physique et tient au fait que l’énergie hydraulique de chute et l’énergie mécanique de pression ont de faibles concentrations volumiques, qui ne peuvent par conséquent être compensées que par des volumes mis en œuvre extrêmement importants, concrètement hors de portée. C’est une raison de fond, qui relève des LIMITES de la PHYSIQUE, et est par conséquent non dépassable par les progrès technologiques,

- La SEULE solution permettant le stockage de MASSE INTER-SAISONNIER est le recours au stockage chimique, en l’occurrence sous la forme de gaz combustibles que sont l’hydrogène ou le méthane de synthèse. C’est la solution dite « Power to gas to power » en anglais, qui comprend la voie hydrogène (ce dernier étant produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable intermittente) et la voie méthanation qui prolonge la précédente afin d’obtenir du méthane de synthèse par combinaison d’hydrogène avec du CO2. La physique indique ici que l’énergie transformable en électricité d’un m3 de méthane comprimé à 70 bars est à peu près 260 fois plus importante que celle d’un m3 d’air comprimé à la même pression. Et pour l’hydrogène, le rapport est de 70. On retrouve là les ordres de grandeur des densités énergétiques des énergies fossiles carbonées.

Malheureusement, ces modes de stockage souffrent d’un handicap majeur : leurs chaînes de transformations physiques et chimiques sont complexes et longues, ce qui entraine des pertes énergétiques très importantes, conduisant à des rendements globaux très faibles « du réseau au réseau ». Typiquement, ces derniers sont actuellement de l’ordre de 30 % pour la voie hydrogène et 20 % pour la voie méthanation. Ce qui signifie concrètement que pour pouvoir déstocker 1 kWh d’électricité, il faut en avoir « consommé » plus de 3 avec la voie hydrogène et 5 avec la voie méthanation !

Ces rendements très faibles ont d’autres conséquences : ils impliquent de surdimensionner les installations d’électrolyse qui voient passer près de 3 à 5 kWh (selon le cas) pour que la chaîne puisse produire 1 kWh en sortie. De plus, ces installations ne peuvent fonctionner plus longtemps que les sources éoliennes et/ou photovoltaïques qui les alimentent, c’est-à-dire moins de 3 000 heures/an en temps équivalent à pleine puissance. Voire moins de 900 heures/an si seuls les surplus inutilisables de ces sources servent au stockage. Résultat : les coûts d’amortissement (CAPEX en anglais) sont extrêmement élevés !

En résumé, le modèle économique de ce type de stockage cumule les conditions défavorables, ce qui conduit à des coûts de l’électricité déstockée... 5 à 10 fois supérieurs aux prix de marché actuels ! Rendant impossible l’émergence d’un MODÈLE ÉCONOMIQUE VIABLE dans les conditions actuelles. Ceci sans même tenir compte des charges amont supplémentaires induites pour le système électrique : il faut en effet produire un surcroît d’électricité très important rien que pour compenser les pertes subies lors des conversions énergétiques. Ce qui implique des investissements supplémentaires très élevés, des occupations d’espace, etc. Sauf si on se limite à la récupération des seuls surplus. Mais alors les capacités de stockage/déstockage sont très limitées.

Quelles sont les futures marges d’amélioration possibles ? Deux voies de progrès doivent être combinées, outre une baisse des prix de l’électricité « consommée » lors du stockage :

- Augmenter les rendements. Mais malgré les progrès de la R&D et des technologies, les rendements globaux  devraient plafonner (cf. justifications en annexe 3) vers 43 % environ pour l’hydrogène et vers 36 % environ pour la méthanation. Encore bien peu...

- Réduire les coûts d’investissement. Par rapport à la situation actuelle, ils devraient être divisés par... 3 voire 4 pour que l’électricité déstockée trouve preneur, et encore lorsque les prix de marché sont élevés...

En conclusion, la SEULE filière physiquement apte à faire du stockage de masse, y compris inter-saisonnier, est non seulement économiquement non viable actuellement, mais les progrès qui seraient nécessaires pour la rendre viable seront extrêmement difficiles à concrétiser. Ce qui les rend très incertains. Et conduit à conclure que le stockage de masse inter-saisonnier n’a pour l’instant et probablement pour longtemps pas de solution... En attendant, il est donc IMPOSSIBLE DE SE PASSER DES ÉNERGIES DE STOCK : nucléaire et/ou gaz naturel.

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