Des fuites massives de méthane qui doivent être évitées

Jean POITOU

Des fuites massives de méthane qui doivent être évitées

Crédit photo: Flickr Creative Commons – Ken Doerr

Le réchauffement du climat que nous subissons est dû à l’accumulation dans l’atmosphère de gaz qui entravent la fuite vers l’espace de la chaleur que nous recevons du soleil. Le dioxyde de carbone (CO2) est le principal contributeur à l’effet de serre additionnel dû à l’action de l’homme, suivi par le méthane. Le méthane est un puissant gaz à effet de serre. Bien que sa concentration en volume dans l’atmosphère soit plus de 200 fois plus faible que celle du CO2, sa contribution au réchauffement observé depuis le début de l’ère industrielle atteint les 2/3 de celle du CO2. Le méthane est particulièrement nocif pour le climat à court terme : son temps de vie dans l’atmosphère avant qu’il soit oxydé en CO2 est d’une douzaine d’années. Ainsi, son pouvoir réchauffant de l’atmosphère est ≈30 fois plus élevé que celui de la même masse de CO2 lorsque l’on considère l’impact sur une période de 100 ans ; mais, à plus court terme, si l’on considère une période de 20 ans, ce pouvoir réchauffant du méthane n’est plus 30 fois mais 90 fois celui du CO2. Face à l’urgence climatique, il est donc très important de réduire considérablement dès aujourd’hui les émissions des divers gaz à effet de serre, et particulièrement ceux qui ont une action forte à court terme comme le méthane.

Qu’en est-il des émissions de méthane ? Les observations par satellite des dernières années[1] ont permis la mise en évidence d’émissions de méthane non répertoriées jusqu’alors dans les inventaires des pays concernés. Ces émissions sont liées à l’exploitation du gaz naturel (qui n’est autre que du méthane) et du pétrole. Le satellite effectue ses mesures sur l’ensemble du globe à l’exception des zones qui, du fait des conditions atmosphériques locales, ne sont pas observables avec une précision suffisante : Arctique, zone tropicale, bassin permien au Texas, sites off-shore.

En 2 ans, on a dénombré plus de 1 800 émissions très intenses dépassant chacune 150 tonnes de méthane par heure. Le total des émissions de ces super-émetteurs s’élève à environ 8 millions de tonnes annuellement. Leur impact est comparable à celui de 20 millions de véhicules pendant une année entière, ou encore celui de l’ensemble des gaz à effet de serre émis en plus de 15 ans par l’Australie ou par les Pays-Bas. Ces émissions massives de méthane proviennent soit de fuites, soit d’opérations d’entretien des installations et des gazoducs (il s'agit dans ce cas de rejets volontaires. Ils représentent la majorité du total). On sait comment récupérer le gaz ainsi perdu : cela n’occasionnerait pas de frais importants et serait très utile dans la lutte contre le réchauffement climatique. Si la commercialisation du gaz récupéré s’avérait non rentable, il conviendrait de le brûler dans des torchères au lieu de le laisser s’échapper dans l’atmosphère, le CO2 produit dans la combustion ayant un pouvoir réchauffant bien inférieur à celui du méthane comme on l’a vu ci-dessus.

Agir pour le climat ne semble malheureusement pas actuellement une préoccupation de nombreux pays producteurs d’hydrocarbures malgré leurs beaux discours.

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[1]   Article dans Science (4 février 2022)  https://www.science.org/doi/10.1126/science.abj4351https://www.science.org/doi/10.1126/science.abj4351

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