La Convention de la France insoumise des 25 et 26 novembre

Jean-Yves Guezenec

ERRARE HUMANUM EST, PERSEVERARE DIABOLICUM

La Convention de la France Insoumise des 25 et 26 novembre s’est terminée par l’adoption de sujets de campagne prioritaires. Ainsi 30 % des voix se sont portées sur « La lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes », 26 % sur « Sortir du nucléaire et promotion des énergies écologiques alternatives » et 25 % sur « Lutter contre l'évasion et la fraude fiscales ». Il s’en est fallu de peu que la lutte antinucléaire figure en tête des préoccupations de la France Insoumise.

Il faut dire que Jean-Luc Mélenchon avait fait fort en y consacrant une partie de son discours en déclarant, de manière prophétique au sujet du nucléaire civil : « tout le monde mourra en même temps si tout ça se détraque ».

« Ô ma doué !» ont dû se dire les délégués bretons, en bénissant François Mitterrand qui leur a épargné ce terrible fléau, chez eux, à Plogoff.

Je ne sais pas si le réchauffement climatique auquel la population humaine de la planète est confrontée, peut-être pas au point de la faire disparaître mais certainement d’y produire des désordres considérables, a fait l’objet d’interventions au cours de cette convention. Si cela a été le cas, j’ose espérer qu’il y a eu au moins un délégué qui a fait remarquer que, parmi les pays industrialisés, ce sont ceux qui ont développé de manière importante le nucléaire (et l’hydroélectricité) qui émettent le moins de CO2 par habitant. La France en fait partie. Et qu’arrêter le nucléaire pour tenter de le remplacer par les énergies renouvelables intermittentes que sont l’éolien et le solaire photovoltaïque, ne permettrait pas de faire baisser ces émissions. L’exemple allemand est lumineux. Malgré 25 milliards d’euros par an de subvention pour ces techniques, les émissions de CO2 n’ont pas baissé depuis 2009 et auraient même tendance à augmenter actuellement. Le lignite et le charbon (peut-être remplacés à terme par le gaz), y restent nécessaires pour répondre aux besoins et notamment pour compenser l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque.

Comme argument ce courageux délégué aurait pu aussi faire remarquer que dans le monde il y a eu 3 grands accidents sur des installations électronucléaires [1] , Three Mile Island (USA) en 1979, Tchernobyl (URSS) en 1986, Fukushima (Japon) en 2011 et qu’à part Tchernobyl, où l’on a comptabilisé moins d’une centaine de décès et estimé[2] que 4 000 personnes au total pourraient être victimes à terme de cancers, on peut dire que les 2 autres n’ont pas fait de victimes du fait de la radioactivité. En en restant au niveau du propos de comptoir, à l’instar du leader de la France insoumise, ce délégué aurait pu benoîtement dire que si 3 accidents nucléaires s’étaient traduits par environ 5000 décès, on pouvait calculer, en utilisant la règle de trois, qu’il faudrait 7 milliards divisés par trois, puis divisés par cinq mille, soit environ 500 000 accidents pour faire mourir tous les habitants de la planète ! Bouh !

En étant plus sérieux on peut faire remarquer que les réacteurs en fonctionnement en France sont du type du réacteur de Three Mile Island (TMI) et n’ont rien à voir avec la conception et la surveillance de ceux de Tchernobyl et Fukushima. Leur conception a d’ailleurs été modifiée afin de prévenir et limiter les conséquences de l’accident dont TMI a été victime. On peut aussi noter que le fonctionnement de notre autorité de sûreté n’a rien à voir avec ce qui avait cours en URSS et au Japon. Qui oserait dire aujourd’hui que celle-ci est laxiste comme ce fut le cas au Japon ? Le nucléaire est une technique dangereuse, mais le risque auquel les populations sont confrontées dépend de la rigueur des mesures de sureté adoptées pour sa mise en œuvre et son exploitation.

En Allemagne, après la deuxième guerre mondiale, l’armée a été équipée d’avions de chasse américains du type Starfighter. C’est à peine croyable, mais 300 de ces unités ont été victimes d’accidents à cause de défauts de conception. On aurait pu penser qu’après une dizaine d’accidents les Allemands auraient renoncé à utiliser ces cercueils volants. Mais non. Ils ont persévéré. A croire que nos voisins et amis aiment bien persister dans l’erreur ! L’aventure dramatique des Starfighters n’a pas empêché de continuer dans le monde à construire des avions de chasse. Tchernobyl et Fukushima sont en quelque sorte les Starfighters du nucléaire.

Récemment François Ruffin, député de La France insoumise, s’est exprimé en émettant des doutes sur la capacité de son organisation à exercer le pouvoir, « J'éprouve un certain vertige à l'idée qu'on puisse détenir le pouvoir. Je ne nous sens pas prêts » dit-il dans son point de presse du 23 novembre. Il pointait en même temps le manque de "techniciens" aujourd'hui en place dans les administrations sur lesquels LFI pourrait s'appuyer.

Ces réflexions de François Ruffin, ce gentil garçon modeste comme l’a qualifié son camarade Alexis Corbière, sont à mon avis particulièrement pertinentes. Ça ne vaut pas que pour la France Insoumise, car le déficit de place aux experts compétents dans la réflexion des partis politiques est flagrant. Et que dire des médias qui formatent l’opinion publique ? Je peux lui fournir de bonnes adresses notamment https://www.sauvonsleclimat.org/fr/ .

Jean-Yves Guezenec


[1] Du côté militaire il y a eu les bombes américaines, certes pas accidentelles, détruisant Hiroshima et Nagasaki et des milliers d’essais faits par divers pays dont la France. S’il y a quelque chose à arrêter c’est bien le nucléaire militaire. En a-t-on parlé à la Convention ?

[2] OMS, UNSCEAR

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