Non, l'EPR n'est pas le réacteur le plus dangereux du monde

SLC


Non, l'EPR n'est pas le réacteur le plus dangereux du monde, c'est un des plus sûrs.

« Sauvons le Climat » a démontré qu'une sortie du nucléaire se traduirait automatiquement par la construction de nombreuses centrales thermiques à gaz ou à charbon (éolien et solaire ne pouvant contribuer à plus de 15% de la production électrique) et, par conséquent, par une augmentation importante des rejets de gaz carbonique. C'est pourquoi nous ne pouvons rester neutres devant la campagne mensongère d'organisations comme Greenpeace et « Sortir du nucléaire » qui redouble de virulence dans le contexte de l'élection présidentielle. Ces organisations appliquent avec maestria le principe selon lequel plus les mensonges sont gros et mieux ils sont acceptés par des esprits non avertis.

Dans ce contexte, Greenpeace a récemment fait état du rapport d'un « expert indépendant » et « internationalement reconnu » M.John Large, selon lequel l'EPR serait le réacteur le plus dangereux au monde. Les conclusions de ce rapport ont été largement diffusées dans les médias. Le rapport et sa diffusion sont une bonne illustration des méthodes de Greenpeace et de la crédulité d'un trop grand nombre de nos compatriotes.

Remarquons tout d'abord que Greenpeace a refusé de participer au débat sur l'EPR qui s'est tenu en 2005-2006. Et ce n'est qu'en pleine campagne présidentielle qu'elle publie ce rapport, en pariant qu'il ne sera pas soumis à la critique experte en temps utile. Les divers rapports « scientifiques » de Greenpeace, bien loin d'être des éléments de recherche d'une vérité, ne sont en réalité que des pièces de propagande.

Manifestement Greenpeace a obtenu de Monsieur John Large un rapport visant à démontrer qu'EPR était plus dangereux que tout autre réacteur en fonctionnement. On pouvait craindre, en effet, qu'à l'occasion de l'élection présidentielle, un marchandage sacrifie, par exemple, le ou les réacteurs de Fessenheim à la réalisation de l'EPR. Or seul l'abandon de l'EPR permettrait de donner un coup très dur, sinon mortel, à l'industrie nucléaire française (1). Large & Associates est, d'ailleurs, l'un de ces « cabinets d'études » prétendument indépendants dont la liste des clients ou partenaires, des organisations anti-nucléaires déclarées, trahit la partialité. Nombre des publications de M. Large ont été ainsi commandées par Greenpeace.

Plusieurs études de John Large ont fait l'objet de vives critiques de la part de la communauté scientifique. Par exemple, la publication de son étude « The implication of September 11 for the Nuclear Industry » a été rejetée par la revue de la Société britannique du génie nucléaire (British Institution of Mechanical Engineers), alors même qu'il est membre de cette institution. Dans un autre article relatif à l'impact environnemental d'un accident de transport maritime de combustible MOX (2) , M. John Large cite à l'appui de ses dires une étude d'un institut allemand, le Fraunhofer Institut, qui en a démenti l'existence.

Dans son rapport M.Large concentre son tir sur EDF en dissimulant que la sûreté de l'EPR a été validée par les autorités de sûreté françaises et finlandaises. Ces deux autorités considèrent que l'EPR est le plus sûr des réacteurs à eau pressurisée. On aurait pu comprendre que M.Large posât des questions aux autorités de sûreté sur certains aspects au sujet desquels il aurait eu des doutes ou qu'il aurait mal compris. Eh bien non, M.Large, s'il n'a pas confiance dans les meilleurs experts mondiaux, a une confiance d'acier en lui-même. Sans doute pense-t-il que les ingénieurs français, allemands et finlandais sont tous des imbéciles ou des malhonnêtes. Que pouvait faire M. Large pour remplir son contrat? A l'évidence, il lui était difficile d'argumenter que les nouveaux dispositifs de sûreté prévus pour l'EPR, la double enceinte de béton, le récupérateur de corium, les absorbeurs d'hydrogène, la multiplication des systèmes de secours rendaient l'EPR moins sûr que les réacteurs plus anciens. L'idée géniale a été de découvrir que l'EPR était le réacteur le plus puissant du monde, et, que, par conséquent, son inventaire en produits de fission excédait celui des réacteurs de plus faible puissance. De plus, si le cœur de l'EPR était MOxé à 100%, il contiendrait plus de Plutonium que les réacteurs partiellement ou non MOxés. Il fallait donc inventer une situation dans laquelle le cœur fondu aurait été découvert et l'enceinte de confinement ruinée, ce qui permettait de ne prendre en compte aucun des dispositifs de sécurité. (3)

Premier scénario envisagé, sans grande imagination : la chute d'un avion de ligne sur la centrale, devrait, selon lui, aboutir à des rejets massifs. Manque de chance (pour M.Large), EPR a précisément été conçu pour résister à une telle occurrence. En effet, à la demande conjointe des autorités de sûreté française et allemande, la conception initiale de l'EPR prenait en compte l'impact éventuel d'un avion militaire. Pour répondre à cette exigence, le bâtiment protégeant le réacteur est doté d'une double coque extérieure en béton armé conçue pour résister à un tel impact. Une coque du même type protège certains des bâtiments périphériques qui abritent des fonctions de sûreté. Dans le contexte post-11 septembre, il a été exigé que l'EPR soit assuré de résister à la chute d'un avion de ligne. Sa conception a donc été adaptée. L'épaisseur et la résistance de la coque de protection en béton armé ont notamment été dimensionnées en conséquence. La conception initiale du projet a permis cette adaptation sans remise en cause du « design » fondamental de l'EPR. On peut comprendre que les caractéristiques précises de ces structures ne soient pas rendues publiques, et particulièrement pas révélées à des organisations dont le moins que l'on puisse dire est qu'elles n'offrent aucune garantie de résistance à l'infiltration par des organisations terroristes.
Curieusement, pour un rapport établi par des gens qui se disent spécialistes, il n'est fait aucune différence entre la structure verre-acier des tours jumelles et le béton spécial qui protège les centrales nucléaires. Béton qui résiste alors que l'avion de ligne (projectile mou par comparaison) se désagrège, ne causant que des dommages faibles.

Le deuxième scénario proposé par John Large correspond à une série d'erreurs des opérateurs aboutissant à la fusion du cœur du réacteur. Tout en soulignant le caractère hautement fantaisiste de cette mise en scène, nous rappelons que la fusion du cœur est un événement pris en compte dans le dossier de sûreté de l'EPR. Une fois le coeur fondu, M.Large est particulièrement concis et expéditif. Citons le :
« En 15 minutes, l'espace sec au dessus du cœur se remplit de vapeur surchauffée ce qui aboutit à une réaction zirconium-vapeur avec, en quelques secondes, une explosion d'hydrogène suffisante pour une rupture de la cuve et éjecter une bonne partie de la masse du combustible en fusion, qui elle-même entraîne une série d'explosions combustible fondu-eau suffisante pour ouvrir une brèche dans l'enceinte de confinement du réacteur. »
- Première erreur : la réaction zirconium-vapeur conduit effectivement à la production d'hydrogène, mais pas d'oxygène libre puisque l'oxygène est mobilisé dans les oxydes de zirconium résultant de la réaction. La réaction explosive hydrogène-oxygène ne peut se produire qu'après la rupture de la cuve, avec l'oxygène de l'air de l'enceinte de confinement.
M.Large est incompétent.
- Deuxième omission gênante : à l'intérieur de l'enceinte de confinement sont disposés des recombineurs d'hydrogène qui doivent, précisément, empêcher une explosion hydrogène au cas, très improbable, où la cuve serait percée.
- Troisième dissimulation : le récupérateur de corium est précisément fait pour isoler le cœur fondu de l'eau subsistant dans les circuits du réacteur, et, aussi, pour assurer un refroidissement du corium.
- Quatrième contrevérité : même au cas où une explosion surviendrait, l'enceinte de confinement avec sa double paroi de béton armé est précisément conçue pour résister à cette occurrence.
M.Large n'est pas sérieux.
M.Large avance qu'EDF aurait affirmé qu'en aucun cas une situation de conflit armé ne pourrait produire de conséquences pour la population à partir de l'EPR. Or dans le document confidentiel défense diffusé par « Sortir du Nucléaire » et qui a fait pas mal de bruit à l'époque, EDF rappelait que « tous (tous = sans limites) les actes de guerre ne pouvaient pas entrer dans les règles de dimensionnement car relevant d'une autre logique de prévention/protection (= pouvoirs publics et forces armées) ».
M. Large et Greenpeace préfèrent avoir la mémoire courte.

Dans un contexte de guerre ou de terrorisme aggravé on ne peut traiter le danger représenté par une attaque d'une centrale nucléaire isolément. En effet les agresseurs auraient un choix à faire entre diverses cibles. On peut penser que les éléments de leur choix seraient la facilité de réalisation, le nombre de victimes potentielles, l'effet psychologique sur la population.
- Pour ce qui concerne la facilité de l'opération, l'attaque d'une centrale nucléaire serait un des plus mauvais choix, d'une part parce qu'il s'agit de sites hautement surveillés, d'autre part parce que le succès de l'opération, en termes de rejets importants, serait loin d'être assuré. Nous laissons au lecteur le soin d'imaginer des cibles beaucoup plus faciles à atteindre. Il peut se référer à ce qui se passe en Irak tous les jours ou à ce qui s'est passé en Espagne, en Angleterre, au Maroc ou au Japon.
- Pour ce qui concerne le nombre de victimes potentielles il y a lieu, du fait qu'on prend en considération des attaques visant des centrales nucléaires, de distinguer les morts et blessés précoces et les morts tardifs. Dans de tels décomptes macabres, on considère généralement que les décès précoces surviennent dans les trois mois qui suivent la catastrophe. Les décès tardifs sont, pour l'essentiel, causés par des cancers radio-induits intervenant dans des délais variant entre 5 et 20 ans. Pour estimer les conséquences d'une attaque conduisant à un rejet important de radioéléments on dispose, malheureusement, de l'exemple de la catastrophe de Tchernobyl. Il n'y a guère de contestation sur le nombre de 31 décès précoces (4). Par contre les estimations de décès tardifs varient entre 4000 (Organisation Mondiale de la Santé) et 90000 (Greenpeace). Ces estimations reposent sur l'application discutable de relations théoriques entre doses de radiation reçues et probabilité de développer un cancer radio-induit. Même pour les populations les plus irradiées, il est peu vraisemblable que l'excès de cancers soit mis en évidence par des études épidémiologiques car il est très faible par rapport aux taux de cancers « naturels ». Les décès précoces ont frappé soit des opérateurs de la centrale, soit des pompiers intervenus dans les premières heures de la catastrophe. Ces derniers ont dû intervenir, en particulier, pour éteindre l'énorme feu qui consumait les milliers de tonnes de graphite présents dans ce type de réacteur (un tel feu serait impossible pour les réacteurs à eau pressurisée comme l'EPR ou les autres réacteurs français). Ce feu fut aussi un facteur très important pour la diffusion de la radioactivité.
On voit que dans le pire des cas une attaque contre un réacteur nucléaire conduirait à quelques dizaines de morts précoces , en dehors de ceux qui seraient tués par arme à feu ou par les bombes au cours de l'attaque proprement dite. Envisage-t-on qu'un groupe terroriste accepte d'attendre 5 à 20 ans pour voir combien de victimes tardives son action aurait causées ? Quand on voit que l'explosion d'un seul camion piégé à Bagdad cause plus de morts « précoces » que ne pourrait le faire une attaque sur un réacteur nucléaire la conclusion s'impose : l'attaque d'une réacteur n'est pas un choix « rationnel » pour des agresseurs sur le plan du nombre de victimes potentielles.
- En réalité le seul motif qui pourrait amener une attaque contre une centrale nucléaire serait de compter sur l'impact psychologique sur des populations affolées qui pourraient se laisser aller à des mouvements de paniques incontrôlées. On a pu voir qu'un tel mouvement s'est développé lors de l'accident de Three Mile Island (TMI) qui n'a pourtant donné lieu à aucun rejet de radioactivité, et donc à aucune victime, ni précoce ni tardive. Les plus folles supputations se sont données libre cours, alimentées par le film « Le syndrome chinois ». Cette peur panique laissa peut être plus de séquelles dans les esprits que ne l'aurait fait une véritable catastrophe. Ainsi TMI mit fin à la construction de réacteurs aux USA. Au contraire Tchernobyl n'empêche pas l'Ukraine, la Russie et le Bélarus d'être de chauds partisans du nucléaire. La meilleure prévention contre les effets de panique est une formation de la population éventuellement exposée à la gestion du risque, et ce dès l'école. La peur n'est, là comme ailleurs, pas bonne conseillère. Ce point de vue n'est pas partagé par les organisations anti-nucléaires dont le fond de commerce est de diffuser la peur de la radioactivité, se faisant ainsi les complices, inconscients espérons-le, du terrorisme international.

En conclusion, contrairement à ce qu'affirme M. John Large, l'EPR n'est pas un réacteur plus dangereux mais un réacteur encore plus sûr, fruit de plus de 40 ans d'expérience sans accident grave en France et en Allemagne. Le réacteur nucléaire de 3ème génération EPR dispose d'une sûreté renforcée :
=> Dans le contexte post-11 septembre, la conception de l'EPR a été adaptée pour résister à la chute d'un avion de ligne. On comprendra aisément que les caractéristiques en soient gardées secrètes.
=> Bien que les dispositions techniques rendent infinitésimale la probabilité d'un accident grave avec fusion totale du cœur, l'EPR est conçu de telle manière que si, malgré tout, celui-ci se produisait, il n'y aurait pas de conséquence significative en dehors de la centrale.

L'étude de John Large & Associates est dénuée de toute légitimité scientifique

(1) Rappelons que « Sortir du nucléaire » s'est réjoui qu'AREVA n'ait pas remporté le contrat récent de construction de 4 réacteurs de 3ème génération en Chine, sans se formaliser du retour des Etats-Unis sur la scène du nucléaire civil.

(2) Le MOX (Mixed OXyde) est un mélange d'oxydes d'uranium et de plutonium.

(3) Le raisonnement est ici analogue à celui qui voudrait que la dangerosité d'une voiture soit mesurée par le volume de son réservoir d'essence, faisant foin des freins, airbags, ABS, ceintures de sécurité etc.

(4) M.Large, donne des chiffres beaucoup plus importants, jusqu'à plus de 600 morts précoces, sans apporter aucune justification à un nombre si élevé en comparaison de celui de Tchernobyl : il se contente de faire tourner un gros programme informatique utilisé par l'UE sans essayer de comprendre les résultats fournis, à l'instar d'un étudiant débutant. Mais nous avons vu que M.Large n'est guère sérieux.


Le collectif «Sauvons le climat» fondé en mai 2004, association loi 1901 depuis Décembre 2005, a pour ambition d’informer nos concitoyens, de manière indépendante de tout groupe de pression ou parti politique, sur les problèmes relatifs au réchauffement climatique et sur les solutions proposées pour le ralentir. Il est doté d’un comité scientifique, présidé par Michel Petit, ancien responsable du groupe français d’experts au GIEC. Son manifeste a été signé par plusieurs milliers de personnes.

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