Mega projet solaire de Saucats : bonnes questions, mauvaises réponses

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Mega projet solaire de Saucats : bonnes questions, mauvaises réponses

Le projet de Saucats, pour lequel vient de débuter une enquête publique, se présente comme « Horizeo, création d’une plateforme d’énergies renouvelables »… il faut bien assurer le marketing d'un projet de cette ampleur et utiliser les mots de l’air du temps.

De quoi s’agit-il exactement ? Pour le savoir, le plus simple et le plus logique est de se référer aux documents du maître d’ouvrage :

« HORIZEO est un projet multi-énergies ambitieux et innovant qui associe sur un même site production, stockage et consommation d’énergies exclusivement renouvelables. Il se compose d’un élément central qu’est le parc photovoltaïque, dont le dimensionnement permettrait de produire une électricité abondante et compétitive. Il constitue également un levier de développement d’autres technologies d’avenir :

  • Un centre de données (data center) de 10 à 20 mégawatts IT (puissance des équipements informatiques installés) pour s’inscrire dans une stratégie de neutralité carbone et participer à l’attractivité numérique des territoires ;
  • Une unité de stockage d’électricité par batteries de 40 MW pour soutenir la stabilisation du réseau électrique ;
  • Un électrolyseur d’une puissance d’environ 10 MW pour produire de l’hydrogène renouvelable provenant du parc photovoltaïque ;
  • Une surface destinée à l’agri-énergie, comprenant une activité mixte agricole et énergétique sur 10 à 25 hectares.

Le projet HORIZEO constitue également une innovation par les interactions qu’il propose entre chacune de ses briques :

  • Le parc photovoltaïque produirait de l’énergie renouvelable pour l’électrolyseur et le centre de

données ;

  • Le centre de données par son fonctionnement produirait de la chaleur dite “fatale” qui pourrait être réutilisée dans le cadre de l’agri-énergie ;
  • L’électrolyseur produirait de l’hydrogène à partir d’eau et d’électricité. 40 % de l’eau nécessaire à son fonctionnement ne serait pas consommée et pourrait être réutilisée dans le cadre de l’agri-énergie (irrigation). » (synthèse de dossier Maître d’Ouvrage p4)

Un bien beau projet donc… sur le papier. Mais comme pour ce qui est innovant et d’apparence aussi séduisant, il amène à pas mal de questions. Les dossiers fournis par le maître d’ouvrage apportent un certain nombre de réponses qui relèvent plus de la poudre aux yeux et de la manipulation que de la description d’un projet qui présente de l’intérêt environnemental et économique.

Un parc de 1 000 MW solaire, c’est 1 000 ha de pins à abattre. Est-ce bien raisonnable ?

La réponse : « Ce défrichement fera l’objet de démarches spécifiques afin que son impact soit compensé au regard du poids du site dans l’économie de la filière sylvicole, qui fera par ailleurs l’objet d’une étude dédiée. » (synthèse de dossier Maître d’Ouvrage p4). On verra ça plus tard donc, mais rassurez-vous, ce sera bien fait.

Et d’ailleurs : « Les parcelles sylvicoles couvrent 67 % du territoire boisé de la commune de Saucats (environ 6 000 ha). L’aménagement envisagé du projet prévoit d’en défricher 1 000ha ; il en restera donc 5 000. » (synthèse de dossier Maître d’Ouvrage p14). On va donc laisser des pins, merci qui ?

Quant à l’idée de poser les panneaux sur des zones déjà artificialisées, elle paraît bonne mais : elle impliquerait la « Réalisation de nombreux raccordements (impacts environnementaux en phase chantier) et des Coûts élevés, liés à la raréfaction des sites artificialisés, la spéculation sur le prix des loyers, et la sous-optimisation liée aux coûts de maintenance et de raccordement. » (dossier Maître d’Ouvrage p99). Plus cher et plus compliqué, franchement il vaut mieux couper des arbres…

Quelle est la production attendue du parc solaire ?

La réponse : Pas de réponse. Dans le dossier du Maître d’Ouvrage, pas l’ombre d’un petit début d’élément. On ne nous parle même pas pour une fois de l’équivalent de la consommation de x habitants. On connaît juste la répartition de la production dans l’année grâce à la courbe d’ensoleillement qui est fournie (dossier Maître d’Ouvrage p18).

image Saucats 1

Donc on ne sait pas ce qui va être produit, mais la nuit, rien du tout bien sûr, et l’hiver il ne faut pas trop y compter.

De toutes façons, l’énergie produite n’est pas vraiment un sujet maîtrisé par les acteurs du projet puisqu’on peut lire : « NEOEN a atteint en juin 2021 une capacité totale installée ou en construction en France de plus de 1 000 mégawatts (MW), soit l’équivalent de la consommation en électricité d’environ 522 000 personnes, chauffage compris » (dossier Maître d’Ouvrage p18). Les français consommeraient donc des MW… le MWh n’est pas une notion connue semble-t-il… Mais il est vrai que leur objectif est sur les bénéfices financiers de l’opération et non sur son intérêt énergétique et environnemental.

Doit-on faire confiance à des opérateurs qui ne savent pas combien ils vont produire et qui n’en connaissent même pas l’unité de mesure ?

Un parc solaire, c’est une production intermittente. C’est peut-être gênant ?

La réponse : … en fait, ce point n’est jamais abordé. « Il faut développer le solaire parce que la Stratégie Nationale Bas Carbone et la Programmation Pluriannuelle de l’énergie le demandent »… point barre (Dossier du Maître d’Ouvrage p26-27). Ceci n’est pas faux et permet d’éluder la question de la compensation des 1 000 MW absents quand il n’y a pas de soleil. Rassurons-nous cependant car on apprend (Dossier du Maître d’Ouvrage p34) que « quand l’ensoleillement permet de produire de l’énergie solaire, celle-ci n’est indisponible qu’à moins de 1 % du temps ». On met le bazar sur le réseau avec les stops and go de l’ensoleillement, mais quand le soleil est là, on ne le gâche pas… ouf.

L’achat des panneaux ne va-t-il pas se faire en Chine sans impact sur l’économie française ?

Réponse : « Si la grande majorité des modules photovoltaïques est actuellement fabriquée en Asie (notamment en Chine où la production s’est massivement développée ces dix dernières années), l’option de s’approvisionner également auprès de fabricants de modules européens est envisagée. Elle dépendra cependant des capacités de production ainsi que des prix » (Dossier du Maître d’Ouvrage p32). Le dossier présente même un graphe révélateur :

 image Saucats 2

La production européenne figure bien dans la légende, mais cherchez bien le petit trait dans le graphique. La capacité de production européenne est lilliputienne et c’est hors de prix !
Vous aurez donc droit, comme partout, à des panneaux chinois, avec leur bilan carbone désastreux compte tenu de la nature de l’électricité (majoritairement issue du charbon) utilisée pour les fabriquer.

« Les structures en acier sont quant à elles généralement fabriquées en Europe, ainsi que les câbles, les transformateurs et les onduleurs. En fonction de l’évolution du marché d’ici la construction du parc photovoltaïque, certains produits pourraient également provenir d’autres régions du monde ».

Même pas sûr d’avoir des supports fabriqués en Europe, mais rassurons-nous « les clôtures et portails sont quant à eux fabriqués en Europe » ! (Dossier du Maître d’Ouvrage p32).

Quel sera l’apport du stockage par batteries à la stabilité du réseau ?

Réponse : Le besoin de stockage est bien expliqué : « Les batteries de stockage contribuent, entre autres, à équilibrer le réseau électrique en augmentant la part des énergies renouvelables et à sécuriser l’approvisionnement électrique en France lors des périodes de pointe de consommation hivernales. Le projet de stockage HORIZEO pourrait stocker les excédents d’électricité produits et les injecter directement sur le réseau en restituant cette énergie lors d’une pointe de consommation ». (synthèse de dossier Maître d’Ouvrage p9).

L’hiver donc, moment où la production du parc solaire est minimale, on chargera les batteries pour les décharger à la pointe. Avec un apport de 40 MW pendant une heure compte tenu du dimensionnement des batteries. Pour rappel la pointe de consommation en 2020 a été de 83 200 MW. La capacité de stockage de Horizeo est totalement ridicule et n’aura aucun impact significatif au moment des pointes de consommation.

On lit aussi : « les batteries d’HORIZEO participeront au lissage de la production de la centrale solaire afin de proposer aux consommateurs d’électricité un profil de production plus adéquat à leur consommation » (Dossier du Maître d’Ouvrage p46). Produire 1 000 MW pendant 12h (admettons que le soleil brille 12 h) puis donner 40 MW pendant une heure le reste du temps serait donc un profil de production adéquat à la consommation ! Débrouillez-vous avec ça !

Ou encore : « L’installation du système de stockage d’HORIZEO connecté au réseau public d’électricité poursuivra deux objectifs :

  • Le premier est un service rendu au réseau afin de le stabiliser à sa fréquence de 50 Hz, profitant du temps de réponse très rapide des batteries ;
  • Le second est le lissage de l’intermittence de la centrale solaire afin de proposer aux acheteurs d’électricité un profil de production plus adéquat à leur consommation » (Dossier du Maître d’Ouvrage p44).

La contribution de 40 MWh de stockage à la stabilité du réseau sera microscopique (et ce sera réglage de fréquence ou lissage du solaire, mais pas les deux) et sans commune mesure avec les importantes perturbations apportées par l’intermittence de 1 000 MW de capacité de production solaire.

Quelle sera l’origine des modules de batterie (40 MW-40 MWh) ?

Réponse : pas de réponse. La question n’est même pas évoquée. Mais chacun sait que ce sera chinois, japonais ou coréen.


On peut s’arrêter là, mais il y a beaucoup d’autres points très fumeux :

- Un data center soi-disant alimenté à 100 % en électricité renouvelable (mais seulement à 20 % par le parc solaire du site qui a pourtant une capacité installée de 1 000 MW) et dont on doit récupérer la chaleur, mais sans dire concrètement pour quoi faire.

- Un électrolyseur soi-disant alimenté en électricité renouvelable, même quand il n'y a pas de soleil. Là aussi le parc solaire voisin de 1 000 MW sera incapable d’assurer en continu le fonctionnement d’un électrolyseur de 10 MW. On ne voit pas non plus à quoi va servir l'H2.

Le parc solaire de 1 000 MW avec son stockage de 40 MW/40 MWh est incapable d’assurer à lui seul l’alimentation en continu des installations du site (électrolyseur et data center) dont la puissance appelée cumulée n’est pourtant que de 30 MW soit plus de 30 fois moins : chercher l’erreur.

- Un projet d'agri-énergie très vague (25 ha à mettre en regard des 1000 ha déboisés) pour lequel tout est écrit au conditionnel...

- Le bilan carbone de l'opération sera fait après les travaux : surprenant pour un projet dont on nous vante l’intérêt environnemental. Pour le moment il y a juste quelques bribes. On verra plus tard… dormez en paix, le bilan carbone sera bon.

On peut comprendre pourquoi le bilan carbone n'est pas produit : on va supprimer 1 000 ha de forêts qui constituent un puits de carbone qui mettra 20 à 30 ans à se reconstituer, même si autant d’arbres sont replantés ailleurs (sans précisions, d’ailleurs) en les remplaçant par des panneaux PV qui émettent environ 50 g de CO2 par kWh produit. Le bilan carbone de l’opération est par conséquent forcément négatif, dans la mesure où les panneaux PV ne remplacent pas un moyen de production plus émetteur.

Horizeo est un joli nom, probablement choisi pour contribuer à noyer le poisson. Et la soi-disant plateforme d’énergies renouvelables (« un projet ambitieux et inédit »(Dossier du Maître d’Ouvrage p12)) n’est qu’un habillage pour envelopper un mégaprojet solaire sans intérêt pour le climat (le bilan carbone n’est même pas présenté sérieusement), sans intérêt économique (sauf pour l’industrie chinoise peut-être), nuisible pour l’environnement (1 000 ha de pinèdes en moins) et néfaste pour la sécurité du réseau électrique (car porteur d’une intermittence de production dangereuse à cette échelle). Ainsi, contrairement à ce qui est affirmé dans la vidéo de présentation, le projet n’est ni vertueux, ni responsable.

Ne laissons pas les opérateurs nous faire prendre des vessies pour des lanternes et une opération purement financière pour un projet industriel qui prépare l’avenir.

 

Le débat public se déroule depuis le 9 septembre jusqu’au 9 janvier 2022 :
https://www.debatpublic.fr/photovoltaique-horizeo

 

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