Quelles limites à l’intégration d’ENR variables et intermittentes, d’origine éolienne et photovoltaïque,
dans les réseaux électriques ? Quelles conséquences ?
Tribune de Georges SAPY - Mai 2024
Les énergies renouvelables (ENR) du vent et du soleil ne sont pas des énergies de stock, mais des énergies de flux (respectivement liées aux vitesses des vents et aux rayonnements solaires du moment) qui ont deux caractéristiques inadaptées aux besoins humains en électricité, bas carbone en l’occurrence :
* Elles sont variables et intermittentes en fonction des conditions météorologiques et du rythme jour-nuit. Leur transformation en énergie électrique produit par conséquent une puissance électrique fatale dite « non pilotable » qui est très peu corrélée aux besoins des consommations humaines : ces énergies sont incapables de subvenir seules aux consommations d’électricité de sociétés développées et doivent être impérativement complétées par des moyens dits « pilotables » : moyens de production utilisant des énergies de stock (d’origine hydraulique, nucléaire, fossile, etc.) ; des moyens de stockage/déstockage d’énergie ; des effacements et/ou reports pilotés des consommations.
* Elles sont spatialement très peu denses et ont donc besoin de très grandes superficies pour produire les grandes quantités d’énergie indispensables aux pays développés. Elles ne peuvent donc pas produire suffisamment d’électricité pour alimenter les pays combinant un territoire terrestre et/ou maritime limité et une population élevée. La comparaison de la Norvège et de l’Allemagne est éclairante : les deux pays ont des superficies du même ordre de grandeur (respectivement ≈ 322 000 et ≈ 357 000 km²) mais des populations très différentes (respectivement ≈ 5,5 et ≈ 84 millions d’habitants : ≈ 15 fois plus). En outre, la Norvège produit ≈ 95 % de son électricité à partir d’hydraulique, l’Allemagne ≈ 5 % : elle a compris qu’elle ne pourra jamais produire les ≈ 95 % restants à partir du vent et du soleil sur son territoire. Elle prévoit de ce fait de recourir à des importations massives d’hydrogène bas carbone dans les décennies à venir, afin de décarboner son économie.
* Mais il existe une troisième contrainte qui « surplombe » les deux précédentes : utiliser massivement les énergies du vent (via des éoliennes) et du soleil (via des panneaux photovoltaïques) entraîne un changement technologique majeur dans le fonctionnement des réseaux électriques. Ces moyens de production n’utilisent en effet pas des machines synchrones (alternateurs) pour se coupler aux réseaux comme le font les moyens de production pilotables, mais des technologies électroniques (onduleurs électroniques de puissance) qui obéissent à des lois de la physique très différentes. Le fonctionnement des réseaux dépend alors du taux d’intégration d’électricité éolienne et/ou photovoltaïque :
- Tant que ce taux reste modéré, les réseaux restent régis par les alternateurs, machines synchrones qui ont la propriété extrêmement intéressante de pouvoir fonctionner naturellement « en réseau », c’est-à-dire ensemble de façon parfaitement synchrone, en « formant » elles-mêmes leurs propres réseaux ;
- Lorsque ce taux devient très important et qu’il n’y a plus suffisamment de machines synchrones pour « former » naturellement les réseaux, on change complètement de paradigme : les lois de la physique qui régissent actuellement les réseaux n’ont plus cours. D’où la question, majeure : les onduleurs électroniques de puissance peuvent-ils « former » à leur tour les réseaux de façon aussi stable, aussi résiliente et apporter la même sûreté d’alimentation que les machines synchrones, sur la base de leurs technologies électroniques et numériques ? La réponse à cette question est cruciale pour la viabilité fonctionnelle de réseaux comportant des taux d’intégration très élevés (proches de 100 %) d’électricité d’origine éoliennes et/ou photovoltaïque.
Or, cette réponse est actuellement totalement incertaine : personne ne peut affirmer à ce jour avec une certitude démontrée et validée par l’expérience sur des réseaux réels qu’un tel fonctionnement est viable. Les conséquences stratégiques de cette incertitude sont majeures pour l’avenir des systèmes électriques à taux très élevés d’électricité éolienne et/ou photovoltaïque, eu égard au temps très long d’adaptation des systèmes électriques (plusieurs décennies) : 2050 doit se décider maintenant.
C’est ce dernier point qui fait majoritairement l’objet de l’étude, les deux premiers points cités plus haut étant également analysés. Outre cette introduction, la présente tribune est composée d’un « résumé de l’essentiel » et d’une « étude justificative » détaillée.
Lien vers la tribune de Georges SAPY : Limites d’intégration d’ENR non pilotables dans les réseaux
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