L’électricité sans nucléaire ni CO2 ou comment une étude récente du CIRED met « Paris en bouteille »…

Henri PRÉVOT

L’électricité sans nucléaire ni CO2

ou comment une étude récente du CIRED met « Paris en bouteille »…

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Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille dit le proverbe. Autrement dit, à condition de multiplier les conditions, tout devient possible. Et en effet, il a suffi de six hypothèses à l’étude récente du CIRED[1] pour montrer qu’une électricité sans nucléaire et sans émission de CO2, c’est possible ! Quelles sont ces hypothèses et en quoi sont-elles discutables sinon erronées ?

Premier « si » : diminuer la consommation d’électricité, sans effet sur les émissions de CO2

Il est admirable qu’une étude sur l’économie de l’électricité ne dise pas un mot des dépenses considérables qu’il faudrait engager pour économiser l’électricité à hauteur de 20 à 30 milliards d’euros par an, sans effet sur le CO2  (car, rappelons-le, en France l’électricité est déjà décarbonée pour l’essentiel).

Deuxième « si » : hypothéquer la stabilité du réseau électrique en l’absence des masses tournantes de production

Les auteurs de l’étude imaginent un système électronique de « contrôle-commande » comprenant des centaines de milliers de points de production d’électricité répartis sur tout le territoire pour équilibrer à chaque instant la production et la consommation, sans l’aide des masses tournantes de production apportées par les turbines et les alternateurs des centrales actuelles. Les auteurs de l’étude, se référant à quelques réalisations qui sont très loin d’avoir l’ampleur de ce qui serait nécessaire à l’échelle française, balayent ainsi toute objection : une forme de détachement du réel assez sympathique car elle permet de rêver… mais irresponsable.

Troisième « si » : implanter 30 000 éoliennes et 100 000 hectares[2] de panneaux photovoltaïques

Il y a actuellement en France 6 500 éoliennes et plus de 10 000 hectares de panneaux photovoltaïques. Le lecteur appréciera jusqu’à quel point il est envisagé de défigurer les paysages français, sans parler des nuisances pour l’habitat et l’environnement.

Quatrième « si » : abandonner toute ambition d’autonomie et de souveraineté sur les matériaux, sur la technique et sur la R&D.

Pour une même production d’électricité, l’éolien consomme dix fois plus de fer et de cuivre que le nucléaire. Il consomme également d’autres matières critiques importées obtenues par des procédés très polluants. De plus, la France - qui maîtrise aujourd’hui la technologie nucléaire - dépendra demain de la Chine pour le photovoltaïque comme pour l’éolien. Cet abandon de souveraineté en matière de développement technologique et de matériaux pour la ressource énergétique, ne sera pas non plus sans conséquences dans le domaine de la défense.

Cinquième « si » : quant au vent et au soleil, être sûr qu’il ne se présentera jamais de situations pires que de 2000 à 2017

En hiver, la production journalière par le soleil peut être vingt fois moindre qu’en été (comme en janvier 2013). Et le vent peut ne produire que quelques pourcents de sa capacité nominale. Ces défauts de production sont beaucoup plus sérieux que les « pointes » de consommation car ils peuvent durer plusieurs jours de suite. Si la consommation d’électricité est très basse (voir le 1er « si »), les capacités de stockage supposées par l’étude du CIRED sont suffisantes à condition qu’il n’existe pas de situations plus défavorables que sur la période de 2000 à 2017. Sinon les besoins de stockage seront tels que les batteries de véhicules électriques ne suffiraient pas. Il faudra produire de l’électricité avec un gaz de synthèse qui aura été produit en consommant quatre fois plus d’électricité ; donc encore plus d’éoliennes et de photovoltaïque - cf. les 3ème et 4ème « si » … à moins d’accepter une grave dégradation du service public de l’électricité.

Sixième « si » : accepter sans blêmir l’insécurité d’une gestion tributaire du numérique.

Tout système de communication numérique, électronique ou informatique est vulnérable à des agressions, y compris venant de pouvoirs étatiques. Un exemple récent : l’efficacité prêtée à Israël ou à la Russie pour piller les données personnelles ou stratégiques ou saboter des systèmes de production.

En conclusion, avec tous ces « si », Paris est bien entré dans sa bouteille ! Certes, l’électricité est produite sans recours au nucléaire et sans émission de CO2 mais à quel prix ! La consommation d’électricité des Français a été réduite drastiquement - alors même que nous allons devoir faire face aux pénuries annoncées pour l’Europe en matière de fossiles[3] - pour un coût annuel de quelques dizaines de milliards d’euros ; la stabilité du réseau électrique est devenue un souvenir nostalgique du «  temps d’avant » ; les paysages de notre pays ont été dévastés par plusieurs dizaines de milliers d’éoliennes ; les Français se sont habitués aux pannes d’électricité de plus en plus régulières comme au bon vieux « temps d’avant » ; enfin notre parc de production est entièrement aux mains de la Chine et son pilotage insécurisé aux mains de qui voudra !  

Pour parfaire ce rêve qui confine au cauchemar voici donc un septième « si » : abaisser le coût de l’éolien flottant, aujourd’hui de 350 €/MWh,  à 40 €/MWh et le solaire à 27 €/MWh.

Il faudra d’énormes capacités de production (en gigawatts) et il faudra aussi dépenser davantage pour transporter et distribuer cette électricité produite un peu partout et fluctuante. Qu’à cela ne tienne ! Il suffira de faire des hypothèses de coût de production éolien et photovoltaïque assez basses pour que « sans nucléaire » coûte moins qu’avec du nucléaire. CQFD - précisément.

On peut certes encore imaginer bien d’autres conditions pour rendre possible l’absurde avec des conséquences également inacceptables telles que celles rapidement esquissées ici. Il est permis de s’interroger sur les motivations profondes qui sous-tendent la publication d’une telle étude qui, juste en « jouant » avec un simulateur pour avoir l’air sérieux, envoie notre pays dans le mur !

En suivant le lien « Production d’électricité sans nucléaire ni émission de CO2 », le lecteur trouvera une analyse détaillée du scénario du CIRED réalisée par Henri Prévot, et d’autres hypothèses de consommation et de coûts, avec plus ou moins de nucléaire.

[1] Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement

[2] C’est la surface du département de la Gironde…

[3] Cf. Rapport AIE 2018

et c'est pas tout:
Les STEP et les batteries qui se rechargent aussi vite qu'elles se vident.
Surtout les STEPs ou ça va entre 1,5 et 5x plus de temps à recharger...
Mais bon comme ils disent: "c'est une donnée d'entrée"... pour que ça marche il faut que ... ça marche... c'est tautologique comme dirait qui vous savez...
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