En ce moment, nous entendons beaucoup parler dans les médias de passoires thermiques et des conséquences potentiellement catastrophiques sur leur éventuel retrait du marché locatif français.
Mais au fait, c’est quoi une passoire thermique ? Pour le grand public et les médias, c’est une habitation très mal isolée qu’on a bien du mal à chauffer, sauf à y consacrer des dépenses très importantes.
Qu’en est-il pour le législateur et en quoi est-ce important pour nous, citoyens ? et pour le climat ?
En novembre dernier, le ministère de la transition écologique, par son Observatoire National de la Rénovation Energétique, a publié un document intéressant sur l’état du parc de logements au 1er janvier 2023[1].
On y constate que 4,8 millions de résidences principales, soit 15,7 % de celles-ci, sont considérées comme « passoires » car classées en F ou en G (plus précisément 9,4 % en F et 6,3 % en G). Ce classement est issu des Diagnostics de Performance Energétique (le fameux DPE souvent critiqué) qui est obligatoire pour chaque transaction immobilière (vente ou location). Est classé en F un logement dont la consommation d’énergie primaire est supérieure à 330 kWh/m2.an ou son émission de CO2 est supérieure à 70 kgCO2eq/m2.an. Est classé en G un logement dont la consommation d’énergie primaire est supérieure à 450 kWh/m2.an ou son émission de CO2 est supérieure à 100 kgCO2eq/m2.an.
Sans surprise, les logements chauffés au fioul sont les plus médiocres, car le DPE prend maintenant en compte les émissions de gaz à effet de serre et, le charbon n’étant plus utilisé, c’est bien le fioul qui est le combustible le plus émetteur de CO2.
Qu’en est-il pour les logements chauffés au gaz ou à l’électricité (hors pompes à chaleur) ? Le détail du classement 2023 n’est pas encore disponible mais l’ONRE reconnaissait déjà l’année dernière :
« Au 1er janvier 2022, il était estimé que 33 % des passoires énergétiques étaient chauffées à l’électricité et 29 % au gaz. Le nombre de logements très énergivores (consommation finale supérieure à 450 kWh/m2/an) est par ailleurs très faible (0,1 %) parmi les logements chauffés à l’électricité ».
Il est clair ainsi que le classement est faussé pour l’électricité car le coefficient de conversion énergie primaire/énergie finale[2] est de 2,3 alors qu’il est de 1 pour les autres combustibles ce qui revient à ne retenir pour ces derniers que leur consommation en énergie finale alors qu’on rend responsable l’utilisateur de l’électricité de son mode de production puisqu’on l’oblige à prendre en compte l’énergie primaire. C’est une hérésie : seule la consommation d’énergie finale est représentative de la qualité du logement, de son « bâti », de son isolation et de ses équipements. C’est en outre celle qui est directement payée en KWh par le consommateur.
Exemple : Un même logement, classé en limite haute du F à 420 kWh/m².an s’il est tout électrique (hors pompe à chaleur) sera classé D s’il est chauffé au gaz. Et pourtant ce logement chauffé au gaz génèrera trois fois plus d’émissions de CO2 que s’il était chauffé à l’électricité.
En conclusion on peut estimer que sur les 1,73 millions de logements considérés comme passoires thermiques par le ministère et chauffés à l’électricité, on peut, en ne tenant compte que des réalités physiques de ces logements (qualité de l’isolation et rendement des équipements), en retirer 1,7 millions. Il ne reste donc plus que 3,1 (4,8 - 1,7) millions de réelles passoires thermiques en France, celles qui utilisent un combustible fossile émetteur de CO2. C’est sur celles-ci qu’il faudra porter l’effort de décarbonation.
C’est important pour le citoyen car tous les propriétaires de « passoires thermiques » vont progressivement être obligés de les rénover pour les revendre ou les louer. Pour les logements chauffés à l’électricité, la rénovation sera pourtant moins prioritaire que pour les logements chauffés au gaz. Et pour ces derniers, c’est le climat qui se portera mieux après une rénovation incluant un changement de moyen de chauffage (ex : pompe à chaleur).
[1] Voir https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2023-11/rapport_10_onre_le_parc_de_logements_par_classe_de_performance_energetique_au_1er_janvier_2023_nov2023-1.pdf
[2] L’énergie primaire (charbon, pétrole, gaz, uranium,…) doit être transformée pour pouvoir être consommée (carburant, électricité). Ce qui est effectivement consommé lors de l’utilisation de l’énergie est l’énergie finale.
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