Face à la baisse massive des livraisons de gaz russe, l’Europe se retrouve en situation de précarité énergétique dès maintenant : il faut coûte que coûte remplir les stockages de gaz avant le 1er novembre, c’est une obligation légale qui a pour but de sécuriser le passage des pointes hivernales. En France, ces stockages représentent un peu plus du quart de la consommation annuelle, leur remplissage ne signifiera donc pas l’arrêt des importations qui devront se poursuivre à un rythme élevé, durant l’hiver prochain et au-delà.
La réponse de plusieurs pays européens vient de tomber : elle consiste à se retourner massivement vers le... charbon, en rouvrant des capacités de production d’électricité utilisant ce combustible, de loin le plus émetteur de CO2 et le plus polluant de tous. C’est le cas notamment de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark, des Pays-Bas et bientôt d’autres pays ; l’Italie se retrouve également en situation très précaire et va devoir augmenter sa production d’électricité à partir de charbon et de fioul. Quant à la France, tout laisse à penser que ses deux dernières centrales au charbon ne sont pas près de pouvoir fermer.
Le résultat est catastrophique pour le climat : les objectifs de réduction des émissions de CO2 sont remis en cause de façon certaine pour 2030 (« Fit for 55 », objectif déjà très largement irréaliste) et très probablement pour 2050 (neutralité carbone) car le retard sera très difficile à rattraper. La crise actuelle du gaz est en effet probablement appelée à durer au moins jusqu’en 2025, avec de grandes incertitudes au-delà.
Mais la cause profonde de cette situation est ailleurs : elle résulte de la politique idéologique et illusoire du « tout éolien et photovoltaïque » de la Commission, inspirée par l’Allemagne et d’autres pays anti-nucléaires. Cette politique a eu pour corollaire l’asservissement massif au gaz, russe en l’occurrence, pour assurer la stabilité des réseaux face à l’intermittence du vent et du soleil. Comment a-t-on pu croire que l’on pourrait se passer de la source d’électricité pilotable la moins émettrice de CO2 de toutes et seule capable de produire massivement et en permanence de l’électricité, le nucléaire ? La mainmise de la Commission et de ses inspirateurs promouvant cette politique a été totale, leur échec est total et signe leur incompétence stratégique abyssale.
Cette leçon de choses va-t-elle enfin ouvrir les yeux de l’Europe, particulièrement à court terme ceux du Parlement européen qui doit se prononcer début juillet sur l’acte délégué complémentaire relatif à l’inclusion du nucléaire et du gaz dans la Taxonomie ? Un résultat de vote qui apparaît incertain tant le lobbying des pays antinucléaires est toujours à la manœuvre pour rejeter cet acte.
Un tel rejet, qui serait synonyme de fuite confirmée dans l’illusion d’une politique magique ignorante du réel, disqualifierait définitivement les institutions européennes en matière énergétique, et viendrait s’ajouter au fiasco du marché européen de l’électricité. Ce dernier dysfonctionne gravement pour des raisons purement artificielles en indexant le prix de gros de l’électricité sur le seul prix du gaz, sans tenir compte du reste du mix électrique : un comble pour un marché censé faire baisser les prix... et les fait en réalité s’envoler. Il est donc également urgent de réformer les règles de ce marché eu égard à ses effets dévastateurs pour l’économie européenne et ses consommateurs.
L’Europe de l’énergie, en fait l’Europe tout court compte tenu de l’urgence climatique et du caractère vital de l’énergie, doit opérer un aggiornamento complet de sa politique énergétique en revenant à la science et au réel, loin des illusions qui ont conduit à la situation actuelle. Elle est au pied du mur des réalités, ignorées depuis des années malgré les alertes de nombreux scientifiques, ceux de Sauvons Le Climat notamment.
La poursuite de cette politique qui a pour but essentiel l’exclusion du nucléaire du paysage européen serait un suicide énergétique et climatique pour le continent : il manquerait massivement d’électricité bien avant le milieu du siècle et cette dernière serait en outre très coûteuse, les importations massives d’hydrogène « vert » depuis les pays ensoleillés, dernier avatar d’une utopie incertaine et ruineuse, conduisant tout droit à la continuation du recours prolongé aux énergies fossiles. Situation inacceptable pour le climat et pour l’avenir de l’Europe.
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