La science proscrite du débat public sur les déchets nucléaires

Éric MAUCORT

 

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Si le but du débat national Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs était de démontrer que les opposants avaient la parole, c'est réussi. Mais pour la science, ce sera pour une autre fois.

Le débat national sur le PNGMDR vient de se terminer. Le sujet est important puisqu'il traite de la façon de clôturer le cycle de façon responsable en donnant aux déchets nucléaires des solutions d'entreposage, de traitement et de stockage. Il s'agissait donc sûrement de traiter sérieusement et de façon responsable de la question. Enfin, c'est ce qu'on croyait (peut être bien naïvement).

Si vous êtes « Sauvons le Climat » (SLC), vous déposez un cahier d'acteur (bien rangé dans la liste), vous formulez de nombreuses contributions sur le site du débat, vous êtes représentés à diverses réunions et … rien : dans la synthèse du débat, on lit (p70) que dans les cahiers d'acteurs, les associations environnementales (Greenpeace, FNE, Global Chance) demandent l'arrêt du retraitement du combustible. Ce raccourci relève d'une simplification qui renforce l'idée que les défenseurs de l'environnement s'opposent au retraitement et par ailleurs au nucléaire en général. Il relève aussi d'une forme de malhonnêteté intellectuelle en résumant les associations de défense de l'environnement à ces trois groupes et d'un manque total de respect pour des associations comme la nôtre.

Si vous êtes les Académies des Sciences et des Technologies et tentez de faire passer un message technique et scientifique sur le stockage profond des déchets en expliquant que c'est une solution technologiquement excellente, vous n'avez droit à aucune tribune dans le cadre du débat et vous n'êtes pas auditionné.

Si vous êtes Wise France, Association antinucléaire notoire, vous n'avez pas besoin de déposer un cahier d'acteur, vous avez la parole à la tribune (y compris à la séquence novatrice des « jeux éducatifs ») et vous êtes référencés une douzaine de fois dans le rapport final.

Si vous êtes Greenpeace, c'est mieux encore : bien sûr, vous aurez des places à la tribune, une vingtaine de citations dans la synthèse, et vos écrits sur vos attentes du débat seront même utilisés pour illustrer la réunion finale.

Si vous décidez de boycotter et même de saboter le débat, vous aurez droit à 6 pages de texte et de photos dans le rapport, et vous avez même la parole (en p165).

Si le but du débat était de démontrer que les opposants avaient la parole, c'est réussi. On a même laissé (par exemple lors de la réunion de Tours à propos des impacts sur l'environnement et la santé) autant de temps de parole à un lanceur d'alerte autoproclamé qu'à l'IRSN, qui est l'organisme technique de référence en matière de sûreté. Où sont les géologues, les hydrologues, les neutroniciens, les médecins qui auraient dû être longuement entendus sur un tel sujet ?

De peur d'être taxé d'ignorer les oppositions, on les met systématiquement sur scène. Un exemple : le seul verbatim choisi pour illustrer (p 172) le lien nucléaire-déchets est « la solution pour les déchets nucléaires est d'arrêter d'en produire », ce qui permet d'entretenir l'idée qu'il n'y a pas de solution de long terme, contrairement aux positions des Académies des Sciences et des Technologies (qui n'ont pas été invitées) ou à la démonstration concrète faite en Finlande de construction d'un centre de stockage profond.

Bref, une pièce de théâtre en 23 actes pour un budget de 1,7 millions d'euros, qui a soigneusement évité de prêter le flanc à la critique sur le grand complot des élites en donnant une large exposition à la propagation des peurs irrationnelles plutôt qu'aux réalités techniques et scientifiques, qui sont systématiquement ignorées ou niées.

La présidente de la CNDP a, elle même, participé à cette désinformation et à ce dévoiement de la démocratie directe dans son communiqué final.

Rassurons-nous, on va bientôt recommencer avec un débat public sur le centre de stockage profond Cigeo, au cas où on aurait mal entendu cette fois ci.

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