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Sauvons Le Climat Conseil Scientifique février 2014
Le solaire thermique
Claude Acket
Résumé
La chaleur solaire, qui se déverse gratuitement, peut être utilisée dès la conception de l’habitat en favorisant les ouvertures au sud, mais aussi peut participer à la production de l’eau chaude sanitaire toute l’année et au chauffage l’hiver, quoique première réserve pour ce dernier, c’est en hiver lorsque le soleil se fait rare, que se placent les besoins.
Le flux d’irradiation solaire, qui arrive à proximité de la terre hors atmosphère, est 1360 W/m². Les gaz présents dans l’atmosphère terrestre, en filtrent le quart, pour en laisser passer 1000. Mais en un lieu donné, du fait de la rotation de la terre, ce flux n’arrive qu’épisodiquement et en captant cette énergie dans un four fixe, bien orienté, qui s’apparente à un corps noir, l’énergie produite varie entre300 et 600 kWh/m² par an (du Nord au Sud de la France).
En France métropolitaine, les besoins en eau chaude sanitaire (ECS) représentent environ 60 TWh, soit 3,3 % de l’ensemble des besoins en énergie finale. Le solaire sous forme de chauffe eau solaire peut en partie répondre à ces besoins. A l’avenir, en supposant que la moitié des logements puissent disposer de chauffe-eau solaires (de 3 à 5 m² par logement), ce seraient 15 TWh, qui pourraient être produits par le soleil.
Le chauffage, premier poste de consommation d’énergie, fait appel en France à environ 700 TWh. Mais l’intermittence du soleil représente un problème majeur, car contrairement à l’ECS, où les besoins s’étalent sur toute l’année, c’est en hiver en période de besoins que le soleil se fait rare, d’où une limitation d’installations à des régions ou sites privilégiés. A l’avenir en supposant que 1,5 million de logements (5 % du parc) soient équipés en panneaux solaire chauffage (de 15 à 20 m² par logement), le solaire pourrait participer pour 10 TWh au chauffage.
Au total, moyennant l’installation d’environ 70 millions de m² de panneaux solaires (environ 1 m² par habitant en 2050), un total de 25 TWh (2,1 Mtep), soit 16 fois l’apport actuel, pourrait être produit par le soleil thermique.
Mais le coût d’investissement de ces installations reste encore très élevé, sauf pour les bricoleurs nés (achat en kit et pose personnelle). Si le combustible est gratuit, l’entretien très réduit, reste la question du temps de retour sur investissement, difficilement compensé par la baisse de dépenses en combustible (ou électricité en comparaison au cumulus classique). Des exemples d’installations donnent des coûts allant de 1150 à 1650 € par tep économisée. Sans aides, le retour sur investissement aux coûts actuels des sources d’énergie classiques dépasse les 30 ans et reste donc dissuasif, sauf à considérer que cet état actuel des prix encore bas des énergies ne peut perdurer et verra un fort accroissement dans un avenir proche, en notant que la mise en place de la taxe carbone pourrait aussi changer la donne financière et pousser favorablement le solaire thermique, s’il vient réduire l’emploi de combustibles fossiles.
Le solaire thermique en effet, en substitution au fuel ou au gaz, permet la réduction des rejets de gaz carbonique. Pour une installation ECS de 4 m² de panneaux, les rejets de CO2, sont réduits de 0,44 tonne. Etendu à 15 millions de logements (voir ci-dessous) le gain annuel des rejets serait de 6,6 millions de tonnes. De même pour un chauffage associé à 15 m² de panneaux, les rejets de CO2 sont réduits de 1,36 tonne par installation. Au total, avec les 70 millions de m² retenus de panneaux solaires, les rejets de gaz carbonique seraient réduits de 7 millions de tonnes par an (environ 4% du total des rejets des usages fixes de l’énergie)
Un premier petit pas, mais la limitation des rejets reposera sur une multitude d’actions de ce type.
A) Généralités
La chaleur solaire, qui se déverse gratuitement, peut être utilisée dès la conception de l’habitat en favorisant les ouvertures au sud, mais aussi pour le chauffage, soit de l’habitat, soit de l’eau chaude sanitaire.
L’irradiation solaire, qui arrive à proximité de la terre hors atmosphère, est de 1 360 W/m². Les gaz présents dans l’atmosphère terrestre, en filtrent le quart, pour laisser passer 1 kW/m².
Mais en un lieu donné, du fait de la rotation de la terre, ce flux n’arrive qu’épisodiquement, compte tenu de la trajectoire apparente du soleil, comme indiqué sur la figure 1.
Figure 1 La trajectoire apparente du soleil en 24 heures
Hauteur du soleil (angle à partir de l’horizontale) à Paris.
Intégrée dans le temps, l’énergie reçue se mesure par l’ensoleillement moyen journalier exprimé en kWh brut par m² incliné à la latitude du lieu. Il varie en France de 3 kWh/m² dans le Nord à 5,2 kWh/m² dans le Sud. A Paris il est de 3,3, soit en une année : 1 204 kWh.
Connaître cette variation de hauteur (angle) du soleil sera très important lorsqu’il faudra choisir l’orientation et l’inclinaison des capteurs fixes utilisés dans toutes les applications solaire thermique. Faut il favoriser les longues heures ensoleillées d’été, lorsque les besoins de chauffage sont faibles ou nuls, ou au contraire favoriser les rares heures d’hiver, comme le montre la figure 2 ?
Figure 2 : ensoleillement mensuel et besoins de chauffage et d’ECS
B) Les capteurs solaires thermiques plans
Le captage de l’énergie solaire est fait dans un four qui s’apparente à un corps noir. Un corps noir absorbe toute l’énergie radiative qui lui est communiquée, voit sa température s’élever et à son tour émet de l’énergie radiative. Il va réémettre, dans le domaine des infrarouges, de la chaleur qui sera transmise à un caloporteur, en général de l’eau.
Figure 3 Le capteur thermique
Cette condition d’émission et d’absorption est réalisée à l’aide d’une plaque sur laquelle est soudé le tube caloporteur. Dans ce tube, l’eau froide arrive par le bas et ressort par le haut, se réchauffant au contact. Afin de parfaire son absorption, la plaque est couverte de revêtements absorbants. L’ensemble est intégré à un boîtier isolant plat fermé par un couvercle vitré, transparent et non réfléchissant. On arrive ainsi à capter plus de 70 % de l’irradiation solaire.
A partir de cette énergie captée et en tenant compte des pertes schématisées sur la figure 3, nous aboutissons au rendement réel. En moyenne, en France, l’énergie produite se situe entre300 (Nord de la France) et 600 (Sud de la France) kWh/m² par an.
Pour améliorer les performances et minimiser la surface de capteurs on peut utiliser des capteurs mieux isolés, comme ceux à vide. Plus chers, ils représentent une faible part du marché.
A côté de ces capteurs à eau, il existe aussi des capteurs à air. L’air froid s’engouffrant dans la partie basse est réchauffé dans son parcours dans le capteur pour ensuite aller directement dans la pièce à chauffer. D’un fonctionnement simple, ils sont pourtant peu employés.
C) Le solaire pour l’eau chaude sanitaire (ECS)
En France, pour répondre aux besoins moyens de 50 litres d’eau chaude par jour et par personne, il faut dépenser environ 47 TWh par an. En ajoutant les besoins du tertiaire et de l’industrie (douches d’ateliers…) ce sont environ 60 TWh dédiés à la seule production d’ECS, soit 3,3 % de l’ensemble des besoins français en énergie finale. Que peut on attendre du solaire dans ce domaine ?
Le chauffe-eau solaire le plus économique
Figure 4 Chauffe-eau solaire simple
Ce type de chauffe-eau est valable pour les régions où il ne gèle pas et lorsqu’on a la possibilité de positionner le capteur thermique au dessous du réservoir Il comporte dans sa configuration la plus simple :
- un capteur thermique plan,
- un accumulateur d’eau chaude
La stratification verticale de la température dans le ballon garantit d’extraire par la partie supérieure de l’eau chaude.
Afin d’être assuré d’obtenir de l’eau chaude en cas de ciel couvert pendant une journée, on prévoit, pour une famille de 4 personnes, un stockage d’eau chaude de 250 à 300 litres. Ce stockage peut être placé sur le toit de la maison et directement à la partie supérieure du capteur. Le tout peut se présenter sous forme d’un capteur monobloc, assez lourd, aisément mis en place sur un toit terrasse. Le poids par contre peut être un obstacle pour une mise en place sur les charpentes des toits inclinés.
Un chauffe-eau solaire mieux adapté aux pays tempérés ou froids
Dans les pays, où la température risque de descendre pendant l’hiver sous zéro, on doit en raison du gel possible remplir le circuit capteur d’une solution d’eau glycolée (antigel). Cette eau impropre à la consommation ne servira que de caloporteur. La chaleur sera transférée à l’eau sanitaire consommée à travers un serpentin placé au sein du réservoir tampon.
Le réservoir tampon ne peut plus se situer à l’extérieur de la maison. La plupart du temps, il sera placé à une hauteur inférieure à celle du capteur, d’où la présence d’un circulateur.
Figure 5 CESI à appoint intégré, régions tempérées et froides
En chauffant l’eau glycolée se dilatera et on sera contraint, comme dans le circuit d’un chauffage central, de placer un réservoir d’expansion destiné à absorber cette augmentation de volume. Enfin, un système « intelligent » (le µ contrôleur) comparera, à l’aide de deux capteurs, la température de l’eau médiane du chauffe-eau à celle de l’eau glycolée et stoppera le circulateur si la température de sortie du capteur est plus froide que celle de l’accumulateur. L’été, lorsque la température du chauffe-eau devient excessive, le µ contrôleur actionne le circulateur la nuit afin de la ramener à des valeurs raisonnables (< 100°C) dans le capteur.
Un exemple d’installation
La maison est située en Vendée. Pour pouvoir arrêter une partie de l’année la chaudière à fuel utilisée aussi pour le chauffage, le propriétaire fait appel au soleil pour son eau chaude sanitaire. Des capteurs d’une surface de 2,48 m² ont été posés. Ils produisent 1 117 kWh/an (soit 450 kWh/m². an) et répondent à 45 % des besoins ECS. Le complément est assuré par une résistance électrique intégrée de 2 kW. Le coût total est de 6 200 € (2 480 €/m²).
D) Le chauffage solaire
Le chauffage est le premier poste de consommation d’énergie. En France, il fait appel à 383 TWh, pour le seul habitat. Si on ajoute le chauffage du tertiaire le total est proche de 600 TWh, soit 32 % de l’ensemble de la consommation énergétique.
Mais comme nous le montre la figure 2, l’essentiel des apports solaires sont obtenus en été et donc sans intérêt, puisque les besoins y sont nuls. A priori l’approche chauffage est moins favorable que celle de la production d’eau chaude sanitaire utilisable toute l’année.
Intermittence du soleil, couverture solaire.
Si pour le chauffe-eau, l’intermittence du soleil peut être en partie compensée par la mise en place d’un réservoir-tampon, il n’en est pas de même pour le chauffage, car même en stockant un à deux milles litres d’eau chaude, il n’est pas possible de faire face aux longues périodes d’hiver avec peu, voire pas de soleil du tout. Plus que pour le chauffe-eau, un apport extérieur est nécessaire si l’on s’éloigne des régions chaudes du Monde. Cet apport doit répondre seul aux besoins énergétiques maximum de chauffe et l’investissement est indépendant de l’apport potentiel du soleil.
L’apport relatif du chauffage solaire, que l’on appelle la couverture solaire, est pour une même surface de capteurs d’autant plus importante que la température moyenne extérieure est élevée, que l’ensoleillement est favorable, et enfin que la déperdition thermique du logement est faible.
La température moyenne extérieure peut s’exprimer par le DJU (Degrés Jour Unifié) qui se détermine en additionnant, pour chaque jour de la période de chauffage, la différence entre 18 °C et la température extérieure moyenne. Exemples de DJU en France : Strasbourg : 2 706, Paris: 2 400, Nice : 1 465.
Pour obtenir une part du chauffage solaire au voisinage de 50 %, il faut une région à faible DJU, un bon ensoleillement et des bâtiments à faibles déperditions.
Choix de l’orientation des capteurs.
Pour le chauffage solaire, utilisé seulement une partie de l’année, l’orientation optimale des capteurs est essentielle, en mettant l’accent sur les périodes les plus froides (décembre et janvier) mais sans oublier les autre mois proches. Ainsi, à Paris (Figure 1), il sera conseillé d’orienter les capteurs vers le sud, avec une inclinaison « i », angle pour lequel le meilleur rendement moyen des capteurs est obtenu, soit i = 90 – h (ici 32) = 68°.
Les émetteurs de chaleur.
L’hiver, l’eau glycolée des capteurs thermiques n’étant pas à température très élevée, le chauffage solaire impose de grandes surfaces de chauffe. Ces surfaces sont bien supérieures à celles des radiateurs classiques. Ceci conduit à privilégier les solutions du type plancher-chauffant basse température, encore désigné par le sigle : PSD (Plancher solaire direct). L’eau de circulation dans ce plancher a une température de 30°C à l’entrée et de 20°C à la sortie. Elle est donc à température plus basse que l’eau chaude sanitaire (60°C).
Un exemple d’installation
Il s’agit d'une maison située dans les Alpes de Haute Provence, avec un ensoleillement journalier moyen annuel de 4,6 kWh/m². Le chauffage de base est assuré par une chaudière fuel alimentant des planchers chauffants. La consommation initiale était de 5 000 litres par an de fuel, soit : 37 000 kWh utiles. Un appoint solaire de 12 m² de panneaux a été installé. La production moyenne du solaire est de 16 800 kWh par an. Mais comme l’essentiel de la chaleur arrive l’été, il faut décharger à perte 10 000 kWh par an, ici réalisé par un radiateur extérieur. Ce ne sont en réalité que 6 800 kWh utiles, qui sont produits par les 12 m² de panneaux solaires, assurant ainsi 18 % des besoins de chauffage.
Coût : 15 000 € (1 250 €/m²).
E) Solaire thermique ; aspects économiques et investissements
- Le coût d’une installation pour un chauffe-eau solaire individuel, équipé de 3 à 5 m² de capteurs et d’un ballon de 200 à 300 litres varie entre 4 000 € et 8 000 €, pose incluse.
Avec 3 m² installés, en moyenne France (région parisienne) l’apport énergétique annuel est de 1 350 kWh, soit sensiblement la moitié des besoins d’une famille de 4 personnes. Si cet apport vient en complément d’un chauffage gaz, compte tenu d’un rendement chaudière gaz de 80 %, ce sont 1 687 kWh gaz qui ne sont pas consommés. En se basant sur une durée de vie de l’investissement de 30 ans et un taux d’indexation de 4 %, le coût de 4 000 € se ramène à 0,14 €/kWh économisé, soit 1 650 €/tep économisée.
Nota : Fin 2011 le gaz domestique valait 608 €/tep (5,24 c€/kWh). Sans aide l’opération est loin d’être rentable, et il faudrait que le prix du gaz soit pratiquement multiplié par 3 pour qu’elle le soit. L’écart serait moins important avec le fuel (fin 2011 le fuel domestique à 0,9 € le litre valait 1 060 €/tep), il faudrait une augmentation de 75 % pour la rentabilité.
- Dans l’exemple cité, avec 12 m² de panneaux chauffage, l’apport utile est de 6 800 kWh, venant réduire de 9 067 kWh la consommation fuel (rendement 0,75). En se basant sur une durée de vie de l’investissement de 30 ans et un taux d’indexation de 4 %, le coût de 15 000 € se ramène à 0,1 €/kWh économisé, soit 1 150€/tep économisée. Comme il s’agit d’un cas d’installation en une région assez favorisée en ensoleillement, cette dernière valeur monterait à 1 750 (+ 25 %) en moyenne France, soit sensiblement la même valeur que celle du chauffe-eau.
Nota : Pour le chauffage, dans les conditions du prix du fuel fin 2011, l’opération est assez proche de la rentabilité, dans une région très ensoleillée.
F) Solaire thermique et rejets de gaz carbonique
- En poursuivant l’examen de l’exemple cité ci-dessus des 3 m² destinés à l’ECS, ce sont 1 687 kWh de gaz non consommés, soit 0,33 tonne de gaz carbonique non rejetée par installation ECS solaire, venant en complément à une installation fuel.
- De même pour le chauffage, les 12 m² de panneaux solaires permettent de réduire les rejets de gaz carbonique de 2,4 tonnes par an.
G) Solaire thermique, perspectives
- En France, en supposant que la moitié des logements puissent disposer de chauffe-eau solaires et assurent 50 % des besoins ECS, 15 TWh (1.3 Mtep) pourraient être produits par le soleil. Par ailleurs, en supposant que 1,5 million de logements (5 % du parc) adoptent un équipement proche de celui décrit ci-dessus, le solaire pourrait participer pour 10 TWh au chauffage.
La production totale de 25 TWh (il faudrait multiplier la production actuelle de 1,6 TWh par 16) reposerait sur l’installation d’environ 50 millions de m² de panneaux solaires, soit moins de 1 m² par habitant. Cette valeur n’est pas irréaliste si l’on constate qu’elle correspond sensiblement à l’équipement actuel par habitant en Autriche.
Les rejets de gaz carbonique seraient réduits de 7 millions de tonnes par an.
- Au niveau mondial, le même type d’évolution pourrait se réaliser et la production solaire thermique passer de 20 à 400 Mtep