« La Science au cœur de nos vies »

par le Professeur Maurice Tubiana

commenté par Hervé Nifenecker

Ce livre est  un grand livre écrit par un grand Monsieur de la Science.

Maurice Tubiana est né en 1920 et entreprit des études de médecine en 1937. Mobilisé en 1940, il est démobilisé à Lyon, abandonne temporairement ses études de médecine, passe une licence de maths et une licence de physique tout en entrant en résistance. En 1943 il rejoint les FFL et est blessé au cours d’un atterrissage. En 1945 il reprend ses études de médecine.  Diplômé de médecine en 1945, docteur en physique en 1947, il étudie avec John D. Lawrence à Berkeley (USA). En 1952, il devient professeur de physique médicale. De 1963 à 1989, il enseigne la radiothérapie expérimentale et clinique à la faculté de médecine de Paris. Reconnu comme l'un des plus grands experts en radiobiologie, il est notamment un pionnier dans l'utilisation des isotopes radioactifs appliqués à la biologie et à la médecine, ainsi que dans le développement moderne de la radiothérapie et de la radioprotection. Dans les importantes fonctions qu’il a occupé, aussi bien au plan national qu’international, il a lutté sans relâche pour améliorer la prévention des cancers, dénonçant l’influence nocive du tabac et de l’alcool aussi bien que les facteurs conduisant à l’obésité ; il s’est ainsi heurté à de puissants lobby industriels et agro-industriels. Son rôle exceptionnel  été reconnu par de nombreux prix scientifiques nationaux et internationaux et par son élection aux Académies de Médecine, des Sciences et de la Technologie. Sa lutte contre les lobbys du tabac et de l’alcool témoignent de son indépendance  que les associations antinucléaires lui contestent. Sa rigueur et sa rationalité sont tout ce qu’elles détestent le plus. Après tout il s’agit là d’un autre lobby qu’il n’hésite pas à pourfendre. « Sauvons le Climat » est fier de compter Maurice Tubiana parmi les membres de son Comité de parrainage.

Le livre commence par un exposé magistral d’histoire des Sciences Physiques qui, depuis Euclide et Erathosthène  jusqu’à Einstein et Bohr montre comment s’est élaborée la méthode scientifique avec ses trois temps : expérience ou observation, interprétation et établissement de modèles de compréhension, confrontation des modèles à de nouvelles expériences ou observations. En 120 pages les développements les plus marquants  sont décrits ; la démarche des scientifiques pionniers est explicitée  depuis les Grecs, avec un coup de projecteur sur Copernic, Galilée, Newton,  Planck, Einstein et les principaux acteurs de la révolution du début du 20ème  siècle. Après cette fresque de la physique vient celle des Sciences du Vivant qui parcourt les mêmes étapes avec deux siècles de décalage puisque c’est Harvey qui joua le rôle que joua Copernic. Se succèdent les découvertes dans le domaine de la médecine avec l’asepsie et Semmelweiss , la vaccination avec Jenner et Pasteur, les antibiotiques avec Flemming  en même temps que  le développement de la théorie de l’évolution avec Darwin. La révolution quantique trouve son pendant avec le biologie moléculaire avec ses pionniers Mendel et Muller, puis Watson et Crick, Monod, Lwoff , Jacob, Delbrück et Luria. Une quinzaine de pages font le point sur les résultats les plus récents concernant le contrôle de la croissance et de la multiplication des cellules saines et cancéreuses; ici l’auteur insiste particulièrement sur la progression dans la compréhension des cancers. Il nous introduit aussi aux domaines récents  des phénomènes épigénétiques et de la  transgénèse qui débouche sur la création d’OGM.  Ce panorama se clôt par une présentation des progrès faits dans les neurosciences, y compris dans le processus de sénescence.

Le dernier chapitre du livre examine la question de la mise en cause de la science par un nombre croissant de nos compatriotes. Cette mise en cause est la conséquence de comportements conservateurs, de la peur de l’inconnu,  et d’une crainte ancestrale du sacrilège. Les effets pervers du principe de précaution tel qu’il est appliqué en France sont dénoncés. Les mouvements antisciences qui utilisent l’herméneutique de la peur ont réussi à créer des phobies artificielles dans de large secteurs de la population, par exemple envers les OGM, les nanotechnologies, les antennes relais, les réacteurs nucléaires et la radioactivité. Les jeunes des pays développés se détournent de la science, ce qui risque de nous entraîner dans une forme de décadence. On ne pourra pas relever les défis qui nous sont lancés sans appliquer la méthode scientifique, sans s’appuyer  sur l’expérience et la rationalité.

Hervé Nifenecker