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Sauvons Le Climat

Pourquoi le « tout marché » européen de l’électricité est devenu fou

 Les Français s’inquiètent depuis plusieurs semaines de l’envolée des prix du gaz et de l’électricité. Ils ont raison. Ces augmentations ont une cause commune : l’envolée des prix du gaz sur le marché mondial qui affecte non seulement les consommateurs de gaz, mais aussi les consommateurs d’électricité.

Le prix du MWh de gaz est passé de moins de 15 € en septembre 2020 à près de 60 € courant septembre 2021 et a continué à augmenter entre fin septembre et début octobre pour atteindre 108 € à Rotterdam le 6 octobre ! Soit des multiplications respectives de son prix par 4 et 7 en un an, complètement folles !

La raison principale est l’explosion de la demande de gaz dans le monde, notamment en Asie qui l’achète massivement et surenchérit sur les livraisons de GNL (gaz naturel liquéfié) initialement destinées à l’Europe, auprès des pays producteurs, y compris les États-Unis. Ceci dans un contexte d’insuffisance globale de l’offre : l’offre d’origine européenne, provenant essentiellement de Norvège, n’augmente plus car les réserves s’épuisent. Quant à la Russie, elle ne se presse pas d’ouvrir davantage les vannes de son gaz, ce qu’elle pourrait faire. L’Europe est donc prise en étau entre la concurrence des consommateurs asiatiques et les fournisseurs de gaz. Selon les experts du secteur, compte tenu de l’arrivée de l’hiver qui va accroître fortement la demande de gaz, une baisse durable des prix n’est pas attendue, au mieux, avant le printemps prochain.

Pourquoi le prix du gaz affecte-t-il aussi et autant le prix de l’électricité ? Cela tient au fonctionnement du marché de gros de l’électricité de la zone d’Europe de l’Ouest, qui englobe la France et ses proches voisins. Le prix spot (au jour le jour) du marché de gros est en effet fixé par le prix de production du moyen le plus coûteux mis en œuvre pour satisfaire la demande. Or, dès qu’il n’y a plus de soleil ou que le vent tombe sur une partie de l’Europe, il faut massivement mettre en route des centrales au gaz pour faire face à la demande d’électricité. Et comme ces centrales utilisent un gaz dont le prix, multiplié par 4 à 7, entre pour les trois quarts dans le coût de l’électricité produite, le prix de cette dernière est multiplié par 3 à 5 ! Il faut y ajouter le prix du CO2 émis par ces centrales, qui approche les 30 € par MWh produit.

On obtient alors un prix spot du MWh d’électricité qui est passé en France, en moyenne, de 50 € au début de l’année 2021 à 160 € le 11 septembre 2021 comme le montre le graphique ci-dessous et qui a ensuite continué à augmenter fin septembre et début octobre pour atteindre 260 €, avec des pics instantanés bien plus élevés encore, dans d’autres pays européens (Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Italie du Nord…) où les prix de marché ont atteint ou dépassé les 400 à 500 € à certaines périodes !

diagramme Sapy communiqu

En résumé, on est dans la situation où le marché européen de l’électricité est mis sous la dépendance du prix du gaz et de celui de la tonne de CO2, et où l’appartenance de la France à ce marché lui impose les prix de l’électricité produite par ses voisins avec le gaz. C’est une situation complètement ubuesque alors que notre pays produit l’essentiel de son électricité avec le nucléaire et l’hydraulique, dont les coûts sont totalement indépendants des prix du gaz et de celui du CO2 puisqu’ils n’en émettent pas !

De plus, ces deux moyens produisent des MWh à des prix extrêmement compétitifs qui ne dépassent pas 50 € (la loi Nome impose même que le quart de la production nucléaire soit vendue à 42 € à des revendeurs d’électricité, ce qui constitue une véritable spoliation de son producteur). C’est pourtant pour s’affranchir des fluctuations des prix des combustibles fossiles (le pétrole à l’époque) que le parc nucléaire français avait été lancé : mais le temps a fait son œuvre et ce principe de sagesse, de prudence et d’indépendance énergétique a été sacrifié sur l’autel du libéralisme européen dont l’idéologie du « tout marché » nous replonge dans la dépendance aux prix des combustibles fossiles, gaz maintenant. C’est une régression majeure, d’autant plus injuste qu’au travers des augmentations de leurs factures, les consommateurs français supportent le coût des émissions de CO2 des pays voisins.  

Il est urgent de tirer les leçons de cette situation aberrante qui montre de façon lumineuse que se priver de nucléaire ou en réduire l’usage serait se soumettre au prix du gaz et à celui du CO2, qui ne pourront qu’augmenter tendanciellement dans le futur. Ceci sans compter que la politique de la Commission européenne du « tout éolien et photovoltaïque » va impliquer une forte augmentation de l’usage du gaz, indispensable pour compenser les fluctuations et les manques de ces sources intermittentes. Ce serait donc une triple peine : soumission à des prix extérieurs incontrôlables de l’électricité ; soumission à des quantités croissantes de cette électricité dont le prix est indexé sur le prix du gaz, également incontrôlables car mises en œuvre par d’autres pays européens ; perte majeure d’indépendance énergétique.

Il est grand temps que l’opinion publique comprenne qu’il n’y a pas d’autre solution que de pérenniser l’option nucléaire à un niveau élevé si elle ne veut pas payer au prix fort son électricité et tous les biens et services qui en incorporent beaucoup. C’est une question majeure de niveau de vie qui vient s’ajouter à l’exigence de protection du climat.

La France ne doit sacrifier ni la qualité de son approvisionnement en électricité, ni son indépendance énergétique, ni ses avantages compétitifs acquis tout en assurant une performance climatique encore perfectible mais quasi unique en Europe.

Il est donc urgent de réformer les modalités de fonctionnement du marché de l’électricité européen qui est devenu fou. Parmi les solutions, un retour à la subsidiarité de chaque pays s’impose, ce qui implique notamment :

- De revenir à un marché interne à chaque pays, les consommateurs payant les prix de leur propre mix et ceux du CO2 de leurs propres productions, et non celles de leurs voisins moins vertueux. Il faut en outre réhabiliter les contrats à prix stables pour les consommateurs, domestiques et professionnels, pour lesquels la soumission directe voulue par la Commission européenne aux prix du « dieu marché » est purement et simplement insoutenable ;

- De ne soumettre au marché européen que les échanges entre pays, ce qui se faisait de gré à gré avant le « tout marché » entre les gestionnaires de réseaux et fonctionnait parfaitement.

Mais la Commission européenne est-elle encore capable de se remettre en cause et de réformer ce qui doit l’être en fonction du retour d’expérience, en l’occurrence catastrophique ici ? Et en particulier de comprendre que le « dieu marché » est inapplicable à la production d’électricité, ce que les économistes sérieux savent ? Les États-Unis et le Royaume-Uni, pourtant chantres de la concurrence et pionniers dans ce domaine, mais pragmatiques, sont largement revenus en arrière en réintroduisant certaines régulations hors marché.

La situation est d’autant plus grave que ces prix de l’électricité déjà insoutenables apparaissent alors que la consommation reste encore modérée. Qu’en sera-t-il lorsqu’elle augmentera très fortement l’hiver prochain, ce qui accroîtra les tensions sur le marché du gaz et très probablement son prix ? Pire, à plus long terme, la Commission européenne avec ses idéologies du « tout éolien et photovoltaïque » et du « dieu marché » est en train de détruire le système électrique européen si on ne fait rien.

 

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