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Sauvons Le Climat Conseil Scientifique février 2014
La géothermie
Bernard Durand
Résumé
La géothermie est l’exploitation des stocks de chaleur contenus dans l’écorce terrestre, pour produire de la chaleur et de l’électricité. Pour cela une circulation d’eau, qui sert de fluide caloporteur, est un préalable. Cette circulation peut être naturelle, elle est dite alors hydrothermale, ou bien forcée dans des aquifères ou des réseaux de fractures.
Selon la température des roches exploitées, on distingue les géothermies :
- Très basse température (moins de 30 °C) utilisée pour le chauffage des habitations après élévation de la température à 60 ou 70 °C par des pompes à chaleur.
- Basse température (30 à 90°C) utilisée directement pour le chauffage des maisons à la manière d’un chauffage central.
- Moyenne température (90 à 150 °C), qui permet de produire de la chaleur industrielle, et éventuellement de l’électricité.
- Haute température (plus de 150 °C) qui permet de produire de l’électricité.
Les quantités d’énergie (chaleur, électricité) ainsi produites ne peuvent être qu’un appoint à l’approvisionnement énergétique d’un pays, parfois substantiel dans les quelques pays bien dotés où se trouvent des zones volcaniques actives.
En France métropolitaine, la géothermie est un apport intéressant à la production de chaleur pour le chauffage des bâtiments et certaines applications industrielles. La production de chaleur, grâce aux aquifères profonds du Bassin Parisien et du Bassin d’Aquitaine, est de l’ordre de 1,7 TWh (150 000 tep) et peut être doublée sinon triplée. La production d’électricité est très faible et le restera, faute d’aquifères à température suffisante.
Définition
La géothermie est l’exploitation des stocks de chaleur terrestre pour produire de la chaleur et de l’électricité. Ceux-ci sont considérables, mais l’extraction de la chaleur ne peut se faire qu’à l’aide d’une circulation, naturelle ou forcée, d’eau, qui sert de fluide caloporteur. Cela limite beaucoup les possibilités. La géothermie ne peut en fait être qu’un modeste appoint à l’approvisionnement énergétique. Celui-ci peut être cependant substantiel dans les quelques pays où existent des zones volcaniques actives.
Sources de chaleur dans le globe terrestre, flux et gradient géothermiques
Le globe terrestre contient des sources de chaleur qui proviennent à 80 % environ de la désintégration d’isotopes radioactifs à extrêmement longue durée de vie, uranium 235 et 238, thorium 232 et potassium 40. Leur concentration est la plus grande dans la croûte terrestre. D’autres sources notables sont la chaleur restante de la chaleur produite par la formation de la terre, celle due à la solidification progressive de la partie liquide du noyau et celle due aux frictions à l’intérieur du globe terrestre.
La quantité de chaleur évacuée vers l’espace par la surface terrestre chaque seconde, autrement dit le flux géothermique, est de 42 TJ (environ 1000 tonnes-équivalent-pétrole), soit 2,5 fois la quantité d’énergie consommée en moyenne chaque seconde par l’humanité en 2010. Pourtant, rapporté à l’immensité de la surface terrestre, le flux géothermique moyen n’est que de 82 mW/m2. Il varie beaucoup d’un lieu à un autre: en France il varie de 50 à 140 mW/m2 selon les régions (figure 1).
Figure 1: carte des flux géothermiques en France. L’unité de flux est le mW/m2
Source BRGM: http://sigminesfrance.brgm.fr/geophy_flux.asp
Le flux moyen du rayonnement solaire frappant la surface terrestre est d’environ 170 W/m2, soit un peu plus de 2000 fois le flux géothermique moyen. Ce dernier n’a donc aux faibles profondeurs (inférieures à 20 mètres environ) pratiquement aucune influence sur la température du sol, laquelle est déterminée par l’ensoleillement local. Il en a par contre aux profondeurs plus grandes, et l’on observe que la température du sous-sol croît avec la profondeur. C’est ce qu’on appelle le gradient géothermique. L’augmentation de température dans l’épaisseur de la croûte terrestre, quelques dizaines de km, augmente en moyenne de 30 °C par km de profondeur, mais entre 10 et 100 °C par km selon les conditions géodynamiques. Ce gradient varie aussi beaucoup à plus petite échelle, car il dépend :
- de la conductivité thermique des roches traversées: le gradient est plus faible dans une roche à forte conductivité thermique comme le sel, plus fort dans une roche à faible conductivité thermique comme l’argile.
- de l’existence de sources locales de chaleur (magmas chauds venus des profondeurs dans les régions volcaniques actives,ou dans les fossésd’effondrement comme en France le Fossé Rhénan ou la Limagne, roches anormalement riches en isotopes radioactifs…).
- de circulations d’eau dans des roches poreuses et perméables (aquifères) ou dans des failles, qui soustraient ou ajoutent localement de la chaleur par convection.
Il atteint par exemple 1000 °C par kilomètre en Italie à Larderello, situé sur le flanc d’une intrusion magmatique, où est produit l’essentiel de l’électricité géothermique d’Europe.
Le potentiel énergétique de la géothermie
Seule la chaleur véhiculée par le flux géothermique est renouvelable. Or il ne s’agit là que de très faibles quantités. En France par exemple, la quantité de chaleur ainsi transférée vers la surface n’est au total que d’environ 50 GJ par seconde (50 GW). Si l’on voulait la transformer en électricité, il faudrait aller chercher cette chaleur à 6 ou 7000 mètres pour que la température à cette profondeur, 200 °C en moyenne, permette d’obtenir un rendement net de transformation de la chaleur en électricité d’un peu plus de 10 %. La puissance électrique serait alors de 5 à 6 GW électriques (GWe), soit à peu près l’équivalent de trois à quatre réacteurs nucléaires EPR. Mais cette puissance ne pourrait pas être récupérée sans cribler pour cela la France de centaines de milliers de forages à cette profondeur et installer dans chacun une circulation d’eau pour transférer la chaleur à la centrale électrique, et cela sans baisse importante de la température: c’est totalement irréaliste. La géothermie, pour récupérer des puissances significatives, doit donc exploiter le stock de chaleur existant dans le globe terrestre, et ce faisant elle contribue à son refroidissement dans la zone d’exploitation: elle n’est donc pas véritablement une énergie renouvelable, même si ce refroidissement est très lent.
Ce stock est tellement important qu’il suffirait semble-t-il d’en prélever une toute petite partie pour assurer les besoins énergétiques actuels de l’humanité et bien au-delà. En effet, une colonne de roches de 1 km2 de surface et de 10 km de profondeur libérerait en moyenne pour chaque degré de refroidissement une énergie de 25.106 GJ, soit l’équivalent de l’énergie contenue dans 600.000 tonnes de pétrole (0,6 Mtep) (1). Mais cette approche est trompeuse, car le transfert de chaleur ne pouvant se faire que par l’intermédiaire d’un fluide caloporteur, il faut donc qu’il existe dans cette colonne de roches, soit une circulation naturelle d’eau dans des failles ou des roches perméables amenant la chaleur à la surface (c’est le cas des circulations dites hydrothermales dans les zones volcaniques actives), soit des réservoirs d’eau de très grandes dimensions dans des roches poreuses et perméables, appelés aquifères (comme il en existe par exemple dans les bassins de Paris et d’Aquitaine en France), situés à une profondeur telle que l’eau y soit suffisamment chaude, et dont on puisse pomper l’eau pour l’y réinjecter après utilisation. Sinon, il faut forer la roche, puis y établir une circulation d’un fluide caloporteur. Pour les roches suffisamment chaudes pour envisager une production d’électricité, il a été imaginé par les théoriciens de mécanique des roches de procéder après forage à une fracturation hydraulique pour augmenter les surfaces d’échange entre roche et fluide caloporteur, et le débit de celui-ci: c’est le concept HDR (Hot Dry Rock = roches chaudes et sèches). Mais dans tous les cas la quantité de chaleur transférable par unité de temps (la puissance thermique) sera limitée par la vitesse de transfert de la chaleur de la roche au fluide caloporteur, le débit possible de celui-ci, et sa température à son arrivée à la surface. Cette puissance thermique ne peut dans les faits, qu’être très modeste dans la trèsgrande majorité dessituations. Les exceptions sont dans les zones volcaniques actives.
D’autre part le coût des forages nécessaires augmente exponentiellement avec la profondeur, et il faut déduire l’énergie utilisée pour faire circuler le fluide caloporteur s’il ne circule pas naturellement: Les exploitations deviennent très coûteuses en investissement et en énergie de fonctionnement à des profondeurs supérieures à deux ou trois kilomètres. Pour l’exploitation de la chaleur terrestre, il est donc important de connaître les chances de trouver un réservoir d’eau chaude de taille significative (aquifère, réseau de fractures), mais aussi la température atteinte à une profondeur donnée, car plus la température est élevée à cette profondeur, plus la quantité de chaleur disponible est importante et plus l’exploitation présente a priori d’intérêt. Il est donc intéressant de pouvoir disposer dans une région prospectée de cartes de température à intervalles réguliers de profondeur (figure 2). En fonction de cette température, on distingue classiquement plusieurs types d’applications possibles (1) :
La géothermie très basse température (très basse énergie, très basse enthalpie) :
les températures sont ici inférieures à 30 °C et les profondeurs de quelques dizaines de mètres au plus. La chaleur récupérée, en général avec des pompes à chaleur pour élever la température à 60-70°C, est utilisée pour le chauffage des bâtiments. Dans cette application, il ne s’agit pas véritablement de géothermie car la quantité de chaleur qui provient du globe terrestre est négligeable devant celle qui provient de l’énergie solaire. Mais la distinction n’est pas toujours faite dans les comptabilités énergétiques.
La géothermie basse température:
les températures sont ici comprises entre 30 et 90 °C approximativement. La chaleur récupérée sert essentiellement au chauffage des bâtiments, à la manière d’un chauffage central. L’application typique est l’alimentation d’un réseau de chaleur pour une collectivité à partir de la chaleur d’un aquifère, comme cela se pratique en France plus particulièrement dans le Bassin de Paris et le Bassin d’Aquitaine. L’eau de l’aquifère est pompée depuis un premier puits, passe dans un échangeur de chaleur qui fournit de la chaleur au réseau, puis est réinjectée dans un deuxième puits situé à une distance de un à deux kilomètres du premier pour ne pas refroidir l’eau dans la zone de pompage.
La géothermie moyenne température:
les températures vont ici de 90 à 150 °C environ. Les situations favorables ne sont pas très fréquentes mais peuvent se rencontrer ailleurs que dans les zones volcaniques actives, et il est possible de produire de la chaleur d’intérêt industriel. Depuis quelque temps, l’apparition de centrales binaires, c’est-à-dire de turbo-alternateurs à cycle de Rankine utilisant des liquides binaires à température de vaporisation plus faible que celle de l’eau (isobutane par exemple) permet aussi de produire de l’électricité avec un rendement acceptable, ou de l’électricité et de la chaleur en cogénération.
La géothermie haute température :
les températures sont ici supérieures à 150°C, ce qui permet de produire de la vapeur d’eau, puis de façon classique de l’électricité par détente de cette vapeur d’eau dans une turbine couplée à un alternateur. Les situations où des températures aussi élevées peuvent être exploitées sont rares, et ne se rencontrent généralement que dans les pays où existent des zones volcaniques actives. Ces zones étant situées en général à grande distance des centres industriels, il n’y a pas d’intérêt ici à produire de la chaleur industrielle.
Un grand intérêt de l’électricité géothermique est qu’elle n’est pas intermittente, comme le sont d’autres énergies dites «alternatives », l’éolien et le solaire. Mais les investissements nécessaires par kWh produit, ainsi que le coût de l’électricité produite, sont plus élevés que pour les centrales à combustibles fossiles et nucléaires, et très variables du fait de la diversité des situations géologiques. Dans les cas les plus favorables, dans une zone volcanique active comme à Larderello en Italie, le coût de production de l’électricité géothermique est comparable à celui de l’éolien terrestre, 70 à 90 Euros par MWh. En France, les tarifs de rachat par EDF ont été fixés en 2010 entre 200 et 280 Euros le MWh. On considère qu’une exploitation peut durer en moyenne 20 à 25 ans.
Figure 2 : carte des températures à 500 mètres de profondeur en France. L’anomalie de température dans la vallée du Rhône dans une région où le flux géothermique moyen est faible (cf figure 1) indique à cette profondeur un réchauffement par convection naturelle (circulation d’eau). Source BRGM:http://sigminesfrance.brgm.fr/geophy_flux.asp
Les quantités d’énergie produites par géothermie sensu stricto ne représentent actuellement qu’une très faible partie de l’énergie primaire mondiale, 0,1% environ, même si elles ne sont pas négligeables pour quelques pays très bien dotés en cette ressource, de 15 à 20 % de l’électricité produite au Kenya, aux Philippines et en Islande. En ce qui concerne la chaleur produite, il s’agitd’environ 70 TWh en 2010, soit l’équivalent de 6 Mtep (dont environ 0,15 Mtep en France et 0,8 Mtep en Europe des 27) ! Les cinq premiers producteurs sont la Chine, les USA, l’Islande, la Turquie et la Hongrie. Pour l’électricité il s’agit aussi d’environ 70 TWh, dont 8% en Europe des 27 grâce à l’Italie, soit0,35 % de la production d’électricité mondiale. Les cinq premiers producteurs sont les USA, les Philippines, le Mexique, l’Indonésie et l’Italie, tous pays où existent des zones volcaniques actives.
Ces quantités augmentent avec le temps, mais lentement, et il est difficile d’imaginer que la géothermie devienne un jour un contributeur majeur à l’approvisionnement énergétique mondial. Les extrapolations à 2015 donneraient pour l’électricité 19 GWe de puissance installée contre 10 GWe en 2010, voire 70 à 140 GWe en 2050 ce qui correspondrait à une production mondiale de l’ordre de 500 à 1000 TWh (2). Les progrès technologiques (centrales binaires utilisant des fluides organiques) permettent d’envisager d’exploiter des ressources géothermales moins profondes et donc moins coûteuses puisque les forages représentent 50 % des investissements initiaux. Les coûts de l’énergie augmentant, la production d’électricité géothermique pourrait être compétitive par exemple en domaine insulaire comme les Antilles, où la géothermie permet de réduire l’usage du fuel.
Le potentiel français
La France ne dispose que d’un potentiel très limité de production d’électricité sur son territoire métropolitain, faute de circulations hydrothermales naturelles ou d’aquifères à des températures suffisantes, car elle ne possède pas sur son sol de zones volcaniques actives, comme il en existe par exemple en Italie. Toutefois la Guadeloupe avec la centrale de Bouillante, qui exploite une circulation hydrothermale dans des failles sur les flancs du volcan de La Soufrière, produit ainsiactuellement environ 100 GWh par an, soit près de 10 % de sa consommation électrique. Dans le Nord de l’Alsace, à Soultz-sous-Forêts (3), fonctionne depuis quelques années la première réalisation mondiale de production d’électricité à partir d’une circulation forcée d’eau dans des roches profondes à une température d’environ 200 °C (granites fissurés à une profondeur d’environ 5000 mètres). Il s’agissait de vérifier la validité du concept HDR. En fait, ce concept s’est révélé ici illusoire, en particulier parce que le milieu naturel était déjà intensément fracturé et contenait des fluides hypersalés (saumures à 100g/l). Les techniques de stimulation hydraulique ont donné des résultats variables: dans le meilleur des cas, les réseaux de fractures naturelles ont été réouverts et connectés aux puits, améliorant ainsi les performances hydrauliques. Des fractures préexistantes ont également été élargies par procédés chimiques (dissolution des minéraux colmatant les fractures) pour permettre un débit d’eau suffisant. Les objectifs du projet final étaient un débit d’eau en surface de 35l/s à une température de 175 °C, une puissance thermique de 13 MW et une puissance électrique nette de 1,5 MWe. Ces objectifs ont été presque atteints. Mais le concept HDR initial s’est transformé à Soultz en un concept plus réaliste dit Enhanced Geothermal System (EGS), où l’on exploite une roche très chaude, initialement insuffisamment perméable à l’eau, dont on améliore la perméabilité pour obtenir des débits suffisants. La transposition des résultats de Soultz à d’autres sites se présentant a priori favorablement, ailleurs en Alsace, ou peut-être en Limagne ou en Provence, ne sera pas évidente, car ce projet a montré qu’une connaissance très fine du sous-sol et en particulier des profils de gradients géothermiques, de la distribution des corps poreux et du réseau de fractures préexistantes était un préalable à toute réalisation. On ne peut donc en espérer une contribution notable à la production électrique française avant longtemps.
Les perspectives pour la production de chaleur sont bien meilleures. Déjà, la France est première en Europe pour l’exploitation de la chaleur d’aquifères profonds pour le chauffage des bâtiments, en particulier dans le Bassin Parisien et le Bassin d’Aquitaine. La production de chaleur correspondante représente l’équivalent d’environ 150 000 tep et peut probablement être doublée sinon triplée. D’autres utilisations de cette chaleur sont le thermalisme, comme par exemple à Jonzac en Charente-Maritime. D’autre part, l’expérience de Soultz a permis de montrer que l’on pourrait sans doute produire en Alsace, et probablement dans d’autres endroits en France, de la chaleur d’intérêt industriel (et peut-être même de l’électricité avec des centrales à fluides binaires) en utilisant l’eau d’aquifères actifs profonds à des températures comprises entre 100 et 150 °C. C’est l’objet par exemple du projet ECOGI (4), qui se propose de fournir de la chaleur à 150°C (24 MWh thermiques) à une industrie alsacienne d’extraction et de valorisation d’amidon de maïs et de blé.
Sous l’impulsion d’aides significatives de l’Etat allemand, les partenaires allemands du projet Soultz sont à l’origine de deux projets industriels électrogènes outre-Rhin dans le Palatinat.
Durabilité des installations et problèmes environnementaux
Le refroidissement dû à l’exploitation du stock de chaleur à une vitesse supérieure à celle de son renouvellement limite nécessairement la durée de vie d’une exploitation géothermique. On prévoit généralement une durée moyenne de vingt ans. Toutefois, s’il existe une circulation naturelle d’eau importante amenant de la chaleur par convection sur le site, cette durée peut être plus grande. C’est ainsi qu’il n’a pas encore été observé de diminution notable de température dans les exploitations des Bassins de Paris et d’Aquitaine.
L’eau des aquifères profonds et celle des circulations hydrothermales sont très chargées en sels et souvent en sulfures dissous. Celle qui est exploitée dans l’aquifère du Dogger du Bassin de Paris (1500 à 2000 mètres de profondeur, température de 55 à 85 °C) a une salinité de 10 à 30 g/l. Comme dans les stations thermales, cela pose des problèmes de corrosion des installations, relativement bien dominés maintenant, mais aussi de dépôts minéraux provoqués par les variations de température et de pression de l’eau entre le pompage et la réinjection, qui peuvent provoquer des colmatages de canalisations, d’échangeurs de température et même de puits d’exploitation. On observe également des développements bactériens. Une exploitation moyenne du Bassin de Paris a un débit d’eau de 200 m3/h, ce qui représente pour une salinité de 20 g/l une quantité de sels mobilisée de 4 t/h, ou encore 35 000 t/an. Il n’y a pas de données publiques ni sur les quantités de déchets d’exploitation, c’est-à-dire les dépôts minéraux qu’il faut éliminer, ni sur l’usage qui en est fait.
Comme dans les stations thermales, l’eau chaude exploitée peut amener avec elle un flux de radon 222, en particulier dans les régions granitiques ou très faillées. Il n’y a pas non plus de données publiques à ce sujet.
Il y a très peu d’émissions directes de CO2 dues aux exploitations géothermiques, mais des émissions indirectes associées à leur cycle de vie, comme pour l’énergie nucléaire. Mais il y a aussi, en particulier dans les zones volcaniques, des émissions de CO2 associées à l’eau venant des profondeurs, dont on ne sait pas très bien si on doit ou non les mettre sur le compte des exploitations. Pour la production d’électricité, les estimations varient de 0 à 400 g CO2/kWh (5) selon les auteurs et les cas, large fourchette qui traduit ces incertitudes.
A Soultz, il n’y a pas de sulfures dissous dans l’eau, mais la salinité est de 100 g/l et le CO2 représente 90% des gaz dissous. On évite les dépôts de sels minéraux et les rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère en maintenant à 20 bars la pression du fluide caloporteur en surface.
La multiplication des forages géothermiques implique comme pour tous les forages un risque de pollution des nappes phréatiques traversées, si un soin tout particulier n’est pas apporté aux réalisations. L’utilisation des techniques de fracturation hydraulique pour augmenter la perméabilité des aquifères ou des fissures peut provoquer des microséismes, comme on l’a constaté à Soultz : un projet analogue à celui de Soultz, près de Bâle, a été arrêté pour cette raison par crainte de déclenchement d’un séisme majeur, la région étant naturellement très sismique.
Références
(1) Lemale, J. (2009): La géothermie. Dunod
(2) °Bertani, R, Geothermal power generation in the world 2005-2010 update report. Geothermics (2011) doi:10.1016:j.geothermics.2011.10.001
(3) http://www.geothermie-soultz.fr/geothermie-soultz
(5) Armansson,H.,2003: CO2 emission from Geothermal Plants. International Geothermal Conference,Reykjavik,Sept.2003 http://www.jardhitafelag.is/media/PDF/S12Paper103.pdf
Remerciements
Je remercie tout particulièrement Albert Genter et Jean-Jacques Graff pour leur aide dans la rédaction de cette fiche.