Réponse à l’interview de J.L. Basdevant : « Pourquoi il faut stopper la centrale nucléaire de Fessenheim ?»

SLC

Courrier envoyé à "l'Alsace" par

Institut Energie et Développement 15 rue Kléber 93512 Montreuil Cedex

 

Le Professeur J.L. Basdevant a donné le 7 mars2013 une interview à Elisabeth Schulthess. Sa teneur suscite un certain nombre de commentaires de la part du groupe qui a expertisé cette centrale et dont on trouvera les références ci après.

Il faut stopper Fessenheim immédiatement..

L’argumentation développée met en cause de façon générale la conception de l’ensemble des réacteurs à eau dont il est dit qu’ils présentent des dangers et n’est donc pas spécifique à Fessenheim.

Les études de conception du réacteur sont telles que le risque d’accident grave avec fusion du coeur bien que très faible est pris en compte. Elles ont conduit à définir des systèmes pour parer à leurs conséquences (bâches, circuits). Il n’a en effet pas échappé aux concepteurs qu’il fallait continuer après arrêt du réacteur à dissiper la puissance produite. C’est la raison pour laquelle, outre le refroidissement normal par le fleuve via deux circuits intermédiaires, des réservoirs d’eau très importants sont prévus pour assurer ce refroidissement de façon autonome, pendant une grande durée de temps. On notera que les dispositifs de pompage fonctionnent sans source d’électricité (turbo pompe alimentée par la vapeur résultant de l’échauffement) et que les transferts d’eau entre réservoirs sont assurés de façon gravitaire. Il n’y a aucun rejet d’eau contaminée par ce refroidissement qui conduit à une émission vapeur d’un circuit totalement disjoint du réacteur.

Dans le cas de Fukushima, il n’y a eu aucune défaillance initiale, mais ce sont des phénomènes naturels d’ampleur exceptionnelle qui ont conduit à un état d’accident grave. C’est la raison pour laquelle, après cet accident, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a demandé que pour l’ensemble des sites, les installations soient dotées de moyens leur permettant de faire face à la fois à un cumul de phénomènes naturels d’ampleur exceptionnelle surpassant les phénomènes retenus lors de la conception et à des situations d’accident graves consécutives à la perte prolongée des sources électriques et des capacités de refroidissement.

Les principales modifications seront mises en oeuvre sur l’ensemble des centrales d’ici 2020.

Mais l’ASN a demandé des travaux de renforcement du radier …

Les propos tenus par le professeur Basdevant contiennent des inexactitudes importantes. En premier l’épaisseur du radier au niveau du puits de cuve n’est pas de 1m mais de 1,5m. D’autre part la cinétique de percement du radier actuel est bien supérieure à l’heure avancée par le Professeur Basdevant et est plus proche de 24 heures, ce qui ne laisse malgré tout pas le temps de mettre en oeuvre les mesures de protection des populations. C’est la raison pour laquelle EDF, à la demande de l’ASN, a proposé d’épaissir de 50 cm le radier dans le puits de cuve, ce qui apporte d’après les études de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sécurité Nucléaire) un gain de 44 h sur le temps de percement du radier en l’absence d’eau et laisse donc le temps de prendre les mesures nécessaires. Cependant des dispositions particulières devront par ailleurs être prises pour éviter la présence d’eau qui pourrait aggraver la situation. Rappelons par ailleurs que les autres centrales nucléaires françaises ont un radier de l’ordre de 2,50m.

De plus, le professeur indique que la zone d’étalement aura une surface de 10m² alors qu’elle sera en réalité de 90m² ce qui est de nature à modifier profondément la physique de l’interaction corium béton du radier.

La nouvelle source froide est-elle acceptable…

Il est inexact de laisser croire que pour des raisons règlementaires on ne construirait pas de centrale à Fessenheim. Les prescriptions du guide de l’AIEA n’interdiraient pas de choisir ce site sous réserve de faire la démonstration qu’il n’y a pas de risque de sûreté lié à la tenue des ouvrages hydrauliques. Le retour d’expérience international sur les ouvrages hydrauliques soumis à des séismes montrent que les dégâts concernant les barrages et digues restent limités à des fissures ou tassements (cf. données du Comité International des Grands Barrages). Parler de falaise d’eau de 12m est donc totalement irréaliste.

On ne peut par ailleurs qu’être étonné de la part de cet éminent professeur de voir qualifiée de sottise la demande de l’ASN de prévoir un pompage dans la nappe phréatique pour alimenter en eau des bâches destinées au refroidissement sous prétexte que cela va contaminer cette nappe.

Et la conclusion…

Nous laissons responsable le Professeur J.L. Basdevant de sa mise en cause sans distinction du lobby nucléaire et des travailleurs de ce secteur faisant peu de cas de la compétence, de l’indépendance et de l’éthique dont chacun d’entre eux est porteur. Nous aurions souhaité un peu plus d’humilité de sa part vis à vis d'André Claude Lacoste, des ingénieurs et scientifiques de l'ASN, de l'IRSN et des équipes d'ingénierie d'EDF.

Enfin, l’exemple donné des Etats-Unis est particulièrement mal venu car, en 2010, 60 des réacteurs à eau légère qui avaient été conçus avec un objectif initial de durée de fonctionnement de 40 années avaient été autorisés à fonctionner 20 années supplémentaires. Parmi ceux-là, on peut citer celui de Beaver Valley, modèle de ceux de Fessenheim. Eu égard à un analyse aussi partiale et partielle, on ne peut qu’encourager le Professeur J.L. Basdevant à consulter l’expertise technico-économique, exhaustive, effectuée par le cabinet Institut Energie et Développement sur le maintien en fonctionnement de la centrale de Fessenheim.

 

* Expertise technico-économique sur le maintien en fonctionnement de Fessenheim (Novembre 2012) Institut Energie et Développement - Fabre Claude - Gouriou Alain Lucas Jean-Claude – Martin Alain – Pascaud Bernard – Poizat François – Salles Bernard – Sureau Henri – Touret Jean-Pierre. (www.cceedfsa.fr)

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