Promesses de la voiture électrique - Frédéric LIVET

Frédéric LIVET

 

Frédéric LIVET : Promesses de la voiture électrique

 

Besoins en énergie d’une voiture

La consommation électrique d’une voiture est due à la résistance de l’air, au frottement des roulements et, éventuellement à la climatisation. Pour une petite voiture (une 106 par exemple) roulant à 100 km/h (27 m/s), 7 kilo-Watts (kW) sont nécessaires pour la résistance de l’air, 3kW pour les frottements de roulement et entre 1 et 2 kW (électriques) pour la climatisation. La puissance nécessaire pour surmonter les frottements de roulement est une fonction linéaire de la vitesse alors que celle correspondant à la résistance de l’air croît comme la puissance trois de celle-ci [1]. On voit donc que la puissance de la petite voiture est de l’ordre de 10 kW à 100 km/h. On pourrait croire qu’à 30 km/h la même voiture consommerait environ 3 kW. En réalité une telle vitesse correspondant à des parcours urbains n’est qu’une moyenne reflétant des périodes de freinage et d’accélération et la consommation réelle est bien plus importante.

Caractéristique du moteur thermique

Le moteur de la voiture pèse environ 100 kg. A cela il faut ajouter le poids du réservoir d’essence, soit environ 40 Kg. Un litre d’essence peut fournir 10 kWh thermique. On pourrait donc croire qu’un litre d’essence permettrait de parcourir 100 km à 100 km/h. Mais...les rendements maxima sont de 23 % (essence) à 28 % (diesel). Ces rendements sont rarement atteints : moteurs froids, régimes non optimisés. Pour une conduite urbaine, on estime que le rendement réel est autour de 10 %. La faiblesse de ce rendement réel est essentiellement due aux accélérations. De plus, la consommation cesse de décroître en dessous de 60 km/h (parce qu’il faut bien que le moteur tourne..). Il résulte que peu de véhicules consomment moins de 5 l/100 km à 100 km/h et moins de 7.5 l/100 km en ville. La climatisation s’ajoute à cela (1/3 de la consommation en ville, 1/6 sur route).

La voiture électrique (avec batteries)

Quel est l’état de l’art en batteries ?

Il y a cinq principaux critères d’évaluation des batteries :
 La puissance instantanée qu’elles peuvent fournir. C’est aussi la puissance instantanée qu’elles peuvent absorber pendant un freinage et ce qui détermine la durée de leur recharge. On la mesure en unité de charge : une batterie qui supporte un courant de 0,33 fois sa capacité (0,33C) (mesurée en Ampère-heure) en restant efficace peut être rechargée en 3 heures. Ce sont les caractéristiques des batteries au Lithium en production. Une telle batterie peut supporter, en pointe, plus de courant que ces 0.33 C. Les batteries au Lithium peuvent atteindre 1C, voire 1,5C, sans trop de pertes de rendement.
 La quantité d’énergie stockée par unité de poids (l’énergie spécifique) mesurée en Watt-heure/ kilogramme (Wh/kg). Par exemple, pour les batteries Plomb, 30 Wh/kg, pour les batteries NiCd (en voie de disparition à cause de la toxicité du Cadmium), 40 Wh/kg, pour les batteries NiMh (Nickel-Hydrures métalliques) de 40 a 45 Wh/kg, pour les batteries Li de 160 à 170 Wh/kg. -Le prix d’achat par Watt-heure de capacité (par exemple $/Wh) : 0.3 $/Wh pour les batteries au Plomb, 1 $/Wh pour les batteries Ni-Cd, 2 $/Wh pour les batteries Ni-MH...Les premières batteries Li-ion coûtaient 2 $/Wh ; on est en train d’en produire à 0.3 $/Wh, au prix d’une baisse d’énergie spécifique a 120 Wh/kg. Les Chinois sont en pointe dans ce domaine.
 Le nombre de cycles de charge-décharge possibles, pour les batteries au Plomb, 1000 cycles, pour les NiMH également 1000 cycles. Actuellement les batteries Li-ions sont limitées à environ 500 cycles (téléphones ou ordinateurs portables) ; on espère que pour les applications automobiles on puisse obtenir un compromis satisfaisant avec plus de 1000 cycles.
 La faisabilité, les problèmes de sécurité, le recyclage.. Les batteries au Lithium ont fait l’objet de 20 ans de travaux et arrivent à maturité pour ces aspects. Il faudra récupérer le Lithium, qui n’est pas trop cher et est abondant. Les batteries au Plomb de voitures sont à peu près systématiquement recyclées.

Quel est l’avenir de la voiture électrique ?

  • L’intérêt de la propulsion électrique est de diminuer la pollution urbaine (8500 morts par an en France [2]), de diminuer notre dépendance vis à vis du pétrole et de diminuer les rejets de gaz carbonique si l’électricité est produite soit par des énergies renouvelables, soit par l’énergie nucléaire, soit par des combustibles fossiles (charbon) avec séquestration du gaz carbonique.
  • L’avenir de la voiture électrique est, à court et moyen terme, indissociable des performances des batteries au Lithium, à cause des exigences de ce mode de locomotion.
  • On utilise des moteurs "brushless" associés à des régulateurs électroniques qui ont des efficacités énergétiques excellentes et sont très légers. Leur poids est notablement plus faible que celui d’un moteur thermique et de son réservoir. On pourrait disposer, à poids total équivalent, d’environ 200 kg de batteries.
  • On peut récupérer l’énergie cinétique au freinage pour recharger la batterie.
  • Avec des batteries au Lithium il semble possible de parcourir 200 km à une vitesse maximum de 120 km/h.
  • Pour gérer les surcharges lors des ralentissements et accélérations en ville, on peut adjoindre une "super-condensateur" de 20 kg capable de stocker 100 kJoules électriques.
  • Pour le problème du chauffage, il faut 1 à 2 kW en hiver. On peut envisager d’utiliser une pompe à chaleur qui permet aussi une climatisation efficace.
  • L’utilisation optimale des véhicules électriques sera probablement urbaine, avec des scooters ou de petites voitures éventuellement mises en location libre-service. Sur les grandes distances les voitures à propulsion hybride ou les transports en commun garderont sans doute le rôle principal.

Calcul des coûts

Actuellement, le prix de l’essence à la pompe est de l’ordre de l’Euro (surtout à cause des taxes). La voiture électrique bénéficie d’aides (3050 Euros jusqu’a la fin de l’année 2004 déduits du prix d’achat, plus un crédit d’impôt de 1525 Euros jusqu’en fin 2005). Le prix de l’électricité, peu taxée, est autour de 80 Euros par MWH en tarif de nuit, ce qui fait 2 Euros pour un "plein" de 25 kWh. Une batterie qui permettrait de parcourir 200 km, rechargée 500 fois conduirait à une distance totale parcourue de 100000 km, et à une consommation de 7000 litres d’essence pour un moteur thermique. L’investissement dans la batterie devient donc rentable pour un coût inférieur à 7000 Euros. A 0.3 $/Wh le prix d’une batterie 25 kWh est de 6000 Euros . D’où l’intérêt montré par certains industriels (Bolloré, Dassault).

Bilan énergétique

Pour faire un bilan énergétique complet il est nécessaire de tenir compte d’autres facteurs que le simple rendement électrique du moteur. Le principal de ces facteurs est le rendement de la production primaire d’électricité. Puis il y a des pertes (environ 8 %) dans les lignes de transport, dans le transfo-redresseur a découpage qui fournit le courant a la batterie (environ 10 %), et dans l’électronique et le moteur électrique (encore 10 %) . Le rendement de charge de la batterie est de l’ordre de 0,9 (entre 0,92 et 0,85). On doit donc multiplier le rendement du générateur électrique par 0.65 pour le rendement global. Dans le cas de l’électricité nucléaire, le rendement thermique global est autour de 24 %. Avec des centrales à gaz à cycle combiné, on peut espérer 35 %. Même dans ce cas, la réduction des émissions de gaz carbonique est significative puisque le gaz émet 25 % de moins de CO2 que l’essence, et que le rendement moyen d’un moteur de voiture ne dépasse guère 15 % !

Perspectives

Comme nous l’avons dit plus haut, à court terme, les véhicules électriques seraient surtout des "secondes voitures", réservées aux parcours urbains, mais de nouvelles batteries sont annoncées, qui se chargent beaucoup plus vite et pourraient étendre leur domaine d’utilisation. Le développement d’un parc électrique se fera d’autant plus vite que le prix du pétrole restera haut. Quels seraient les conséquences d’un passage au "tout électrique" dans le domaine du transport individuel ? -En ce qui concerne les besoins électriques : Chaque jour, on peut estimer qu’une voiture parcourt 40 km. Pour 29 millions de véhicules et 10 kWh/100 km, cela fait un appel de 170 millions de kWh. Sur 10 heures de charge la nuit (des heures creuses), cela représente 10 centrales EPR en fonctionnement. -Combien cela économise-t-il en essence ? Dans l’année, on trouve pour 7 l/100 km, environ 30 millions de tonnes de pétrole. C’est une bonne partie des 40 millions de tonnes de pétrole dépensées dans l’année en transports. Rappelons que la France a consommé 92 millions de tonnes de pétrole en 2003. Il apparaît ici que le développement technique permet d’avancer dans la résolution d’un problème écologique. Si on avançait ce type de programme au niveau européen, on ferait bien plus que toutes les éoliennes pour combattre l’effet de serre. Mais c’est déjà un peu tard, si on compare à l’effort chinois.

APPENDICE

Calcul de la puissance consommée par une voiture

Il y a deux principales sources de frottement à vitesse constante :

  • La traînée aérodynamique qui exerce une force :

F = 1/2 k.a.S.V2

F en Newton (SI), a=1,2 kg/m , S=1,8m2 pour une petite voiture (3 pour un 4x4), V est en m/s, k est un coefficient aérodynamique : 0,32 a 0,36 pour une voiture bien profilée, plus de 0,5 pour un 4x4. Si on veut rouler à 100 km/h (27 m/s), on a besoin d’une puissance pour une petite voiture :

P = F.V = 7,2 Kw

  • le frottement de roulement qui exerce une force :

F = b.m.g

m.g est le poids du véhicule (10000 N pour un véhicule raisonnable), b est un coefficient de frottement. Pour des pneus bien gonflés, b=0,012 donc F=120 N, et la puissance est de 3 kW à 100 km/h.

Références

calculs de consommation

www.mdi.lu/fr/documentation/compara... www.ademe.fr/htdocs/publications/pu...

Voitures électriques

www.everspring.net/product-battery.htm www.tclbattery.com/english/product0...

Estimation des coûts

www.latribune.fr/Dossiers/cahieraut...

Consommations globales

www.afgaz.fr/doc/Bilanfacture.pdf contrepouvoirecologie.chez.tiscali.... www.equipement.gouv.fr/statistiques...

Frédéric Livet

 

Notes

[1] Rappelons que la consommation horaire est proportionnelle à la puissance mais que la consommation au kilomètre est proportionnelle à la consommation horaire divisée par la vitesse. Par exemple la consommation kilométrique liée au roulement est indépendante de la vitesse

[2] Ce chiffre est toutefois appelé à diminuer avec la généralisation des moteurs et des filtres modernes dont les émissions ont été considérablement réduites.

  • Assemblée Générale Ordinaire des Adhérents de Sauvons Le Climat
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