« Le vent souffle où [et quand] il veut » : Une analyse de la production électrique française - Septembre-Décembre 2010
Analyse préliminaire[1] « Sauvons le Climat »
Préambule sur le document « Le Vent souffle où [et quand] il veut »
L’association « Sauvons le Climat » (SLC) met en circulation ce document d’analyse de l’ensemble des données extraites du site « éCO2mix » de RTE (Réseau de Transport d’Electricité) pour la période allant du 1er Septembre au 31 Décembre 2010. Ce document apparait avec la mention « Analyse préliminaire ». Le choix de ce qualificatif a deux raisons.
Tout d’abord, l’analyse ne porte que sur les quatre derniers mois de 2010 alors que RTE a rendu les données disponibles au public depuis le début du mois de juillet. Un semestre de données est donc en principe disponible, correspondant à une période d’étude plus adaptée à une analyse significative, puisque portant sur deux saisons consécutives, l’une chaude, l’autre froide. Malheureusement pour conduire une étude complète, il nous manque encore les fichiers du 1er au 9 juillet inclus ainsi que ceux des 11,12 et 13 Aout. Nous sommes actuellement à la recherche de ces fichiers de façon à effectuer une analyse portant sur la seconde moitié de l’année 2010.
On doit se réjouir de l’initiative de RTE de fournir au public français un ensemble très complet de données en temps réel. En particulier, alors que ces informations sont fournies depuis des années en Allemagne, au Danemark et en Espagne, pour la première fois en France, on peut disposer de chiffres de production pour une énergie intermittente que les consommateurs sont tenus de subventionner par une obligation d’achat à tarif élevé[2]: l’éolien. Cependant, après analyse, il apparaît que les informations qu’on peut extraire du site éCO2mix sont imparfaites. Nous discutons plusieurs exemples d’incohérence dans l’appendice A.VI du document. On peut aussi vérifier que des informations fournies par ailleurs par RTE contredisent certaines des valeurs extraites du site. Ainsi on constate que RTE annonce un record de production éolienne à 4,2GW le 12 Novembre à 18h30 (voir bilan RTE « l’Energie Electrique en France en 2010 ») alors que la lecture des fichiers éCO2mix montre pour cette période une production qui n’excède pas 3,74 GW et, par contre, ce même fichier annonce une puissance de 3,9GW à 3h30. De même, le journal « Enerpresse » du 17 Décembre, citant RTE, annonce un record absolu de consommation de 96,35 GW pour ce jour à 19h alors que RTE dans son bilan 2010 donne pour la même date un record de 96,71 GW, soit à nouveau une différence de près de 400 MW. Ces imprécisions ainsi que certaines incohérences sur les colonnes « Charbon » et « Hydraulique » (qui peuvent s’élever jusqu’à 1GW ; voir appendice A.VI) nous font espérer que des données analytiques corrigées par RTE de tous ces défauts seront bientôt mises à disposition du public, permettant ainsi à ce dernier de se former une opinion sur la base de chiffres validés.
Dans l’attente de la résolution de ces deux types de problème (ou d’une rencontre avec RTE permettant une réponse à nos interrogations), le collectif SLC entend poursuivre des analyses « préliminaires » dans l’esprit de ce document et sur la base des données actuellement livrées par RTE.
Résumé
Ce document analyse l’ensemble des données mises à disposition sur le site de RTE concernant la production et la consommation électrique de l’hexagone de Septembre à Décembre 2010. Il montre que, comme attendu, tous les moyens de production pilotables jouent un rôle coordonné dans la couverture des besoins en puissance appelée. L’analyse de la puissance éolienne montre une efficacité moyenne de 23% associées aux fortes fluctuations typiques de ce type de production intermittente. Les distributions temporelle et énergétique de puissance éolienne livrée au réseau ne sont pas reliées aux besoins accrus d’électricité de la société pendant cette période automnale marquée par plusieurs vagues de froid.
I Introduction
Depuis l’été 2010, le gestionnaire du réseau électrique français, RTE (Réseau de Transport d’Electricité) fournit sur son site web[3] un suivi quart d’heure par quart d’heure de la consommation électrique, des divers modes de production d’électricité de l’hexagone ainsi que le solde import-export. L’analyse de ces chiffres permet d’obtenir une vue globale du comportement du système électrique. Dans celui-ci apparaît maintenant de façon identifiée une composante intermittente importante : l’éolien[4].
Ce document se propose d’utiliser les 11712 ensembles de données correspondant aux quatre derniers mois de l’année 2010 pour mettre en évidence certaines caractéristiques des modes de consommation et de production français. En particulier, on s’attachera à montrer, qu’en ce qui concerne l’éolien, comme l’indique le titre de ce document, il est justifié d’étendre la dimension d’espace de la formulation originelle de l’Evangéliste (Jean, Chapitre 3, Verset 8) au domaine spatio-temporel. En effet, les chiffres de RTE montrent bien, à propos de l’éolien, la complète « indifférence » de la Nature, abondamment commentée par les romantiques[5], vis-à-vis des désirs de la société française. L’électricité éolienne, payée pourtant au prix fort par le citoyen (l’Etat possédant près de 85% d’Electricité de France) et le consommateur (via la Contribution au Service Public d’Electricité ou CSPE sur sa facture), ne contribue donc pas, bien au contraire, à la solidité et à la sécurité de notre système électrique.
II Les données de RTE pour la période Septembre à Décembre 2010 ; approche temporelle
On peut considérer les données RTE selon un suivi temporel par quarts d’heure consécutifs. Les figures 1 (une semaine) et 2 (une quinzaine) sont deux exemples de telles présentations. Elles ont été choisies car, comme on le verra, elles illustrent deux situations météorologiques automnales différentes. Dans cette section, nous allons nous concentrer sur l’étude de l’enveloppe supérieure des courbes qui correspond à la puissance consommée par le pays. Les autres informations fournies par ces figures seront commentées plus loin et en particulier dans la Section IV consacrée à l’énergie éolienne.
Fig.1 Empilement des divers modes de production électrique pour la semaine du 8 au 14 novembre 2010. En vertical sont indiquées les puissances instantanées en MW. Les chiffres sur l’axe des abscisses correspondent aux numéros des quarts d’heure à partir du 1er Septembre 0h. Les valeurs croissent par intervalle de 96 quarts d’heure, soit un jour. La légende fournit le code couleur des productions selon la nomenclature RTE[6]. Des valeurs négatives de l’enveloppe inférieure du tracé correspondent à un solde exportateur. Lorsqu’il y a importation d’électricité celle-ci apparaît en bas de la figure comme une zone rouge sombre.
Bien que très différentes quantitativement, ces deux figures mettent en évidence la structuration de la consommation en cinq jours ouvrés et deux jours de week-end. Sur la première figure, on voit aussi les effets de réduction de la consommation pendant le « pont » qui a commencé dès le jeudi 11 Novembre (quarts d’heure numérotés de 6817 à 6913). On distingue aussi la structure journalière usuelle de la consommation des jours de semaine où un creux de demande nocturne est suivi d’une première bosse de demande électrique au moment du démarrage de l’activité (9h-10h), d’une décroissance graduelle jusque vers 17h, puis d’un fort pic d’appel de courant vers 18-20h au moment où, de retour au foyer, les ménages mettent en marche divers équipements électriques, voire leur chauffage électrique pour la soirée.
Fig.2 Empilement des divers modes de production électrique pour la quinzaine du 20 Novembre au 5 Décembre 2010. En vertical sont indiquées les puissances instantanées en MW. Les chiffres sur l’axe des abscisses correspondent aux numéros des quarts d’heure à partir du 1er Septembre 0h. Les valeurs croissent par intervalle de 96 quarts d’heure, soit un jour. La légende fournit le code couleur des productions selon la nomenclature de RTE. Des valeurs négatives de l’enveloppe inférieure du tracé correspondent à un solde exportateur. Lorsqu’il y a importation d’électricité celle-ci apparaît en bas de la figure comme une zone rouge sombre.
Sur la figure 1, le niveau moyen de consommation oscillant entre 40GW et 70GW reflète la douceur des températures sur la France sur la fin de la semaine considérée ainsi, bien sûr, que la baisse d’activité associée au pont du 11 Novembre. Les contributions des énergies fossiles (noir et jaune) étant réduites à un minimum, on peut d’ores et déjà dire, que, pendant ces jours-là, les émissions CO2 du parc n’auraient pu être diminuées par un parc éolien plus important (le Grenelle demande une multiplication de sa capacité par 5). La figure 2 correspond au contraire à une vague de froid automnale précoce survenue quelques jours plus tard. Des pointes de 90 GW de consommation ont alors été observées. On constate que le nucléaire ayant atteint son palier (zone rose, mise en route à leur maximum de toutes les centrales opérationnelles à ce moment),de même que le gaz (zone jaune d’or) la contribution éolienne étant une grande partie du temps très faible (vert), il a fallu importer du courant (zone rouge sombre) et faire « donner » les centrales à charbon (noir) et les moyens de pointe (jaune citron).
Fig.3 Empilement des divers modes de production électrique pour les 18 semaines du 1er Septembre au 31 Décembre 2010. En vertical sont indiquées les puissances instantanées en MW après un lissage glissant[7] portant sur un intervalle de 96 quarts d’heure consécutifs, soit un jour. Les chiffres sur l’axe des abscisses correspondent aux numéros des quarts d’heure à partir du 1er Septembre 0h. Les valeurs reportées croissent par intervalles de 672 quarts d’heure, soit une semaine. La légende fournit le code couleur des productions selon la nomenclature de RTE. Des valeurs négatives de l’enveloppe inférieure du tracé correspondent à un solde exportateur du pays. Lorsqu’il y a importation d’électricité celle-ci apparaît en bas de la figure comme une zone rouge sombre.
Une limitation de ce type de graphique ordonné temporellement tient à ce que la compression horizontale des oscillations journalières tend à rendre les courbes d’autant moins lisibles que la période considérée est plus longue (plusieurs mois, par exemple). Une possibilité pour contourner ce problème consiste à dessiner des moyennes, par exemple journalières (sur 96 quarts d’heure consécutifs), comme sur la figure 3. Ce faisant, la structure journalière de la consommation disparaît alors que la structure hebdomadaire (5+2) est-elle préservée.
Par contre, si ce lissage permet bien de suivre les grandes tendances saisonnières ou les épisodes climatiques (vagues de froid de la fin Novembre et de Décembre), il ne permet plus d’apprécier les contraintes associées à la pointe. Or, les jours ouvrés, les demandes de pointe en début de soirée peuvent excéder les moyennes journalières de plus de 5GW et poser de véritables problèmes d’approvisionnement au réseau. En conséquence, seule l’analyse par quart d’heure permet d’apprécier l’impact d’énergies rapidement fluctuantes sur la gestion des autres productions électriques lors d’évènements exceptionnels tels que les grands froids. Cela sera d’autant plus vrai dans les études de la corrélation temporelle des productions intermittentes sur l’ensemble de l’Europe; productions dont l’impact peut devenir dominant sur la stabilité d’un réseau interconnecté.
III Les données de RTE pour la période Septembre à Décembre 2010 ; approche énergétique
Pour l’analyse de longues périodes, il semble donc préférable de choisir un type de représentation qui ne soit plus basé sur la suite des quarts d’heure ordonnée temporellement. Il est alors usuel d’adopter une présentation s’appuyant sur les besoins en électricité du pays. C’est le principe de la « monotone » de consommation dessinée en figure 4. Les 11712 quarts d’heure des quatre mois étudiés y ont réorganisés, indépendamment de leur date, selon les valeurs décroissantes de la consommation électrique entre sa valeur maximale (environ 93 GW) atteinte au milieu de Décembre et sa valeur minimale (environ 35GW) correspondant à une nuit de Septembre.
Fig. 4 Monotone de consommation électrique (en MW) pour la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010. Les quarts d’heure (de 1 à 11712) sont ordonnés de façon à créer une monotone de consommation décroissante. La légende en bas de figure donne le code couleur indiquant la façon dont, pour chaque valeur de consommation, celle-ci a été couverte par les divers modes de production disponibles.
Toutefois la figure 4 montre aussi un inconvénient de ce type de graphique. Deux points consécutifs de la monotone, peuvent correspondre à des quarts d’heure très éloignés temporellement. Dans ce cas, les façons dont les deux consommations, bien que très voisines en valeur, sont couvertes par les moyens de production disponibles peuvent être très différentes. Seules les sommes totales sont proches. De ce fait, les contours inférieurs et supérieurs des diverses zones colorées de la figure 4 sont fluctuants.
Une amélioration visuelle peut être est obtenue en effectuant pour chaque production la moyenne sur un certain nombre de points consécutifs de la monotone. Par exemple, la figure 5 montre ce qui est obtenu par un lissage sur 96 points. On peut déjà en tirer certaines conclusions.
Fig. 5 Monotone de consommation électrique (en MW) pour la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010. Les quarts d’heure (de 1 à 11712) sont ordonnés de façon à créer une monotone de consommation décroissante. Puis, pour chaque contribution à la production électrique, on a porté la moyenne sur 96 points consécutifs de la monotone originale (Fig.4). La légende donne le code couleur des divers modes de production disponibles.
Comme on pouvait s’y attendre, les importations d’électricité (zone rouge sombre en bas à gauche) ont eu lieu lorsque les consommations étaient les plus élevées. De même on constate que les productions des centrales nucléaires ou à combustible fossile ainsi que celles des barrages du pays ont crû en même temps qu’augmentait la demande d’électricité montrant ainsi leur capacité à suivre les variations annuelles de la consommation: leur production (zones colorées en rose, bleu, noir, jaune d’or et jaune citron) s’accroit vers la gauche du diagramme. Par contre, on n’observe pas un tel comportement pour la fine zone verte (éolien). Nous reviendrons plus quantitativement sur ce point lors de la discussion de la figure 20 en Sect. IV.
Toutefois, pour s’affranchir de l’arbitraire dans le choix de la valeur de l’intervalle de lissage (pourquoi lisser sur 96 quarts d’heure de la monotone plutôt que sur 50 ou 200 ?) il est préférable d’analyser les données de production selon une variable qui soit représentative des besoins de la Société, par exemple sur la puissance électrique appelée. Celle-ci, qui s’étage entre 35 et 95GW, a été découpée en intervalles de largeur égale comme représenté en ordonnée de la figure 4. Le choix d’une largeur de 2,5 GW pour ces intervalles résulte des considérations suivantes. D’une part cette largeur est assez petite pour permettre un suivi analytique en fonction de la consommation électrique du pays (en effet on dispose de 22 intervalles pour suivre les tendances). D’autre part, elle est assez grande pour que tous les « bins[8] » contiennent suffisamment de quarts d’heure garantissant ainsi une valeur statistique convenable aux moyennes.
Fig. 6 Nombre de quarts d’heures de la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010 pendant lesquels la consommation électrique a été comprise dans les intervalles d’énergie indiqués en abscisse.
La figure 6 donne le nombre de quarts d’heure pour chaque intervalle de puissance globale consommée. Les variations de pente de la monotone – plus forte à ses deux extrémités, plus faible pour les consommations moyennes – entrainent que le nombre de points par tranche varie de quelques centaines à un millier. La qualité statistique est donc la meilleure (par approximativement un facteur 2 à 3) pour les tranches de puissance consommée de l’intervalle médian [42,5GW, 82,5GW].
Les figures 7 à 13 qui suivent donnent d’une part les puissances moyennes exportées ou importées selon chacune de ces tranches de consommation électrique et d’autre part celles correspondant aux productions des centrales et des barrages (Nucléaire, Hydraulique de barrage, « Autres », Charbon, Gaz et Fioul+Pointe).
Fig.7 Puissance moyenne (MW) importée (valeurs positives) ou exportées (valeurs négatives) en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Sur la figure 7, on constate que les fortes puissances appelées s’accompagnent d’importations qui, en moyenne, peuvent s’élever jusqu’à 3 GW[9]. Ceci illustre les déficiences de la programmation de mise en production des moyens électriques sur la dernière décennie. En effet, depuis l’an 2000, la France n’a plus démarré de centrales de puissance (coup d’arrêt au déploiement du nucléaire) alors même que la consommation électrique de la population n’a cessé de croître. On peut penser que la construction de deux EPR sur ces dix dernières années aurait aidé à assurer l’indépendance électrique du pays[10]. De fait, sur cette même période, le seul déploiement notable a été celui du parc éolien (5,2 GW en France continentale au 31 Décembre 2010[11]) et gaz. Or, on verra plus loin que l’éolien ne contribue que marginalement à la production pendant les périodes d’extrême pointe et ne peut donc guère servir à éviter les besoins d’importations.
Fig.8 Puissance moyenne (MW) livrée par le parc nucléaire français en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.9 Puissance moyenne (MW) livrée par l’hydraulique de barrage en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.10 Puissance moyenne (MW) correspondant à la définition « Autres » de RTE (voir note n° 5) en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.11 Puissance moyenne (MW) livrée par les centrales à charbon françaises en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.12 Puissance moyenne (MW) livrée par les centrales à gaz françaises en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.13 Puissance moyenne (MW) livrée par les centrales à fioul et les centrales de pointe françaises en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Ces figures confirment ce que la figure 5 laissait entrevoir : lorsque la puissance appelée s’accroit (coté droit des figures 8 à 13), tous les moyens de production pilotables[12] disponibles augmentent leur contribution à l’alimentation du réseau électrique.
La figure 8 montre que la puissance nucléaire maximale qu’EDF a pu mettre en route au moment des vagues de froid de Novembre et Décembre 2010 a été de l’ordre de 55GW. Ceci pourrait indiquer qu’EDF a été prise de court par l’arrivée précoce de froids automnaux de la fin 2010. La programmation des arrêts des réacteurs est en effet décidée très en amont. De fait, l’hiver précédent, les épisodes les plus froids étaient survenus en Janvier 2010 et on a constaté que ce n’est qu’au début de l’année 2011 qu’EDF a annoncé que les 63GW de son parc nucléaire étaient opérationnels simultanément.
Les figures 11 et 12 montrent que la mise en service avant 2010 de deux EPR aurait eu un fort impact sur les émissions de CO2. En effet, l’appel de puissance des centrales de production utilisant des combustibles fossiles devient supérieur à 3 GW dès que la puissance appelée dépasse 50 GW soit pour 9104 quarts d’heure (sur un total de 11712) ou l’équivalent de 94 jours sur 122.
Les graphiques semblent indiquer que la gestion des centrales à combustible fossiles donne la priorité à la mise en service des centrales à gaz. En effet, leur contribution atteint un palier dès que la puissance appelée dépasse 55GW. Au contraire, la contribution des centrales à charbon augmente continûment avec la puissance appelée. La figure 13 illustre le fait que les centrales à fioul et les centrales de pointe ne sont mises en route que lorsque la demande de puissance devient très importante.
IV L’éolien de la France continentale
L’étude des contributions de l’ensemble des modes de production pilotables de la France a montré qu’ils étaient mis en service en cohérence avec la demande d’électricité du pays et autant que possible avec l’étagement de leurs coûts respectifs (principe du « merit order »)[13]. Depuis l’été 2010, les chiffres de la production éolienne française sont enfin devenus disponibles (Ils l’étaient depuis des années au Danemark, en Allemagne et en Espagne[14]). Sur la période Septembre-Décembre 2010, la puissance des éoliennes installées en France continentale a cru de façon régulière de 5GW jusqu’à presque 5,2GW. Un suivi de la courbe de croissance de ce parc à partir des données du site www.suivi-eolien.comdonne pour les quatre mois une valeur moyenne de 5,1GW. La figure 14 présente l’évolution de la puissance instantanée livrée par le parc éolien au réseau RTE sur la fin de l’année 2010.
Cette courbe traduit les fortes fluctuations typiques de ce mode de production, fluctuations sans corrélations bien sûr avec les variations de la demande. La puissance moyenne a été de 1,19 GW soit un facteur de charge légèrement supérieur à 23%. De plus, on observe que l’effet de lissage par « foisonnement » (argumenté par l’ADEME sur la base de l’existence en France de trois façades maritimes dont les productions ne seraient pas corrélées) est très partiel. Ainsi l’éolien peut être absent sur tout le territoire sur de longues périodes (Septembre, ou fin Novembre[15]). En l’occurrence, c’est plutôt la révélation de Saint Jean qui semble validée : « le vent souffle où il veut ».
Fig.14 Evolution temporelle de la puissance éolienne (en MW) en France continentale sur la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010. La ligne horizontale bleue donne la puissance installée (moyenne sur la période considérée) du parc éolien en France continentale (5,1GW). La ligne verte donne la puissance éolienne moyenne (1,2GW). La ligne violette donne la puissance « garantie à 95% » (390MW, voir texte).
La notion de puissance « garantie » présentée à la figure 14 correspond à une puissance disponible au moins 95% du temps[16]. Elle s’élève à 393 MW, soit seulement 8% de la puissance éolienne installée. Ce chiffre donne une indication de l’ordre de grandeur de la puissance de centrale pilotable dont la construction aurait pu être épargnée par l’installation des 5,1 GW éolien.
Une autre façon d’analyser la contribution éolienne consiste à compter le nombre de quarts d’heure pour lesquels la puissance éolienne a été comprise dans des intervalles de puissance de largeur 250 MW pris dans l’intervalle [0, 5GW]. Ces nombres sont reportés dans la figure 15.
Fig.15 Distribution du nombre de quarts d’heure en % du nombre total (11712) selon les intervalles de puissance éolienne en France continentale (largeur d’intervalle 250 MW)
Comme on pouvait s’y attendre, compte tenu de la puissance moyenne sur les quatre mois (1,19 GW), la distribution de la figure 15 passe par un maximum entre 0,750 et 1,250GW. C’est seulement pour un pourcentage faible du temps que la production a dépassé la moitié de la puissance installée. La probabilité pour que la puissance livrée soit comprise entre 0 et 10% de la puissance installée (soit moins de 500MW) est plus grande que la probabilité qu’elle soit dans l’intervalle [50%, 100%]. De fait, sur les quatre mois étudiés dans ce document, le facteur de charge du parc éolien n’a atteint 80% que pendant quelques jours[17]. Ce phénomène se distingue bien sur la figure 1. A partir du milieu de la semaine, la zone verte devient bien visible.
La figure 16 analyse cette période exceptionnelle qui va du 11 au 14 Novembre pendant laquelle la puissance éolienne livrée a pu dépasser 3 GW. Comme la demande de puissance électrique était très faible à cause d’une part du pont du 11 Novembre, d’autre part des températures clémentes, les centrales à combustible fossile étaient à l’arrêt. L’équilibre production-consommation a donc dû être géré essentiellement par l’hydraulique de barrage et le nucléaire. La partie droite de la figure 16, qui donne l’évolution de la puissance nucléaire sur cette période, montre qu’EDF a su la faire décroitre puis la faire augmenter de 8 GW en seulement quelques heures. Ceci illustre le fait que, contrairement à ce qui est parfois écrit, le nucléaire n’est pas qu’une énergie de base[18] mais peut tout à fait participer à la régulation de la puissance (pilotage dit « en mode gris »).
Fig.16 Evolution temporelle des puissances éolienne (à gauche) et nucléaire (à droite) (MW) pendant le « pont » du 11 Novembre (11-14 Novembre). Les valeurs en abscisse donnent le numéro des quarts d’heure depuis le 1er Septembre 2010. Les numéros sont espacés de 96, c.a.d. un jour.
Sur la figure 17 on compare les évolutions pendant le mois de Novembre de la puissance éolienne (échelle de gauche) et de la température moyenne relevée à Toussus le Noble. Ce site a été retenu car, situé loin des effets perturbateurs des grandes agglomérations, il correspond aussi à peu près au centre de gravité géographique du parc éolien français[19]. Les pics de production éolienne du début du mois correspondent à des remontées de températures associés à l’arrivée de dépressions atlantiques tièdes. C’est en particulier le cas pour la période faste comprise entre le 11 et le 14 Novembre. Par contre à la fin du même mois on observe pour les deux courbes (puissance éolienne et température) un comportement typique de l’installation d’un anticyclone d’hiver. On constate d’une part une forte chute de la production éolienne et d’autre part l’établissement progressif d’une période de grand froid (une descente graduelle des températures qui s’accompagne de consommations électriques croissantes[20]). Cette faiblesse de la production éolienne lorsque s’installe l’anticyclone venu de la Sibérie a déjà été observée à l’étranger lors de précédentes grandes vagues de froid comme en France durant les grands froids de Janvier 2010. Ces épisodes sont analysés dans l’appendice B.
Fig.17 Comparaison des évolutions temporelles de la puissance éolienne (courbe bleue) et des températures à Toussus le Noble (courbe marron) sur le mois de Novembre 2010. La numérotation des quarts d’heure commence ici au 1er Novembre 0h.
Les figures 18 et 19 donnent les gradients[21] de la puissance éolienne et de la puissance appelée respectivement (unité MW/h). On constate que les premiers dépassent souvent 200 MW/h et peut parfois atteindre 400 MW/h[22]. Lorsque le parc éolien aura atteint les objectifs du Grenelle (25 GW à l’horizon 2020) et sera devenu cinq fois plus important, il deviendra donc nécessaire de garder en « standby » une puissance d’environ 2 GW avec une cinétique rapide pour gérer les fluctuations éoliennes. La comparaison avec la figure 19 et le détail des jours froids montre que les gradients de consommation s’élèvent à environ 6 GW/h. Lorsque 25 GW d’éoliennes auront été déployés, la difficulté de la gestion des cinétiques de variation sera en valeur absolue augmentée de 30%[23].
Fig.18 Evolution temporelle des gradients de puissance éolienne (en MW/h) sur la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010.
Fig.19 Evolution temporelle des gradients de puissance appelée (en MW/h) sur la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010.
Finalement la figure 20, construite de façon identique aux figures 8 à 13, montre que l’éolien se comporte de façon très différente des autres moyens de production. En valeur moyenne, quelles que soient les puissances appelées, la puissance éolienne est restée à peu près égale à la valeur moyenne sur toute la période considérée. L’éolien n’a donc pas contribué particulièrement à la couverture en électricité du pays au moment où celui-ci en avait particulièrement besoin.
Fig.20 Puissance moyenne (MW) livrée par le parc éolien français en fonction d’intervalles de puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW). Sur la période du 1er Septembre au 31 Décembre, la puissance éolienne moyenne a été de 1,19 GW.
V Conclusion
L’analyse des données de RTE sur la période Septembre-Décembre 2010 montre que l’ensemble des moyens de production pilotables se sont ajustés aux besoins en électricité du pays. Leur mise en route a été dictée par le principe du « merit order » en tenant compte bien sûr du niveau de disponibilité des parcs à chaque instant. Seuls 55 GW du parc nucléaire étaient disponibles en Décembre pour répondre aux forts appels de puissance lors d’un épisode de froid marqué.
Par contre la puissance éolienne a été fortement fluctuante d’heure en heure, d’un jour à l’autre, d’un mois à l’autre sans relation avec la puissance appelée[24]. D’un point de vue temporel, on est donc en présence d’une énergie changeante et peu prévisible[25]. Sur la base des chiffres RTE pour la fin de l’année 2010, on peut estimer que lorsque les objectifs éoliens du Grenelle auront été atteints (25 GW[26]) il sera nécessaire de garder en réserve, prêt à réagir, l’équivalent de deux GW de centrales à cinétique rapide de façon à compenser des gradients intempestifs de la puissance du vent.
Cependant, l’éolien montre un caractère prévisible dans un type particulier de situation météorologique : les périodes anticycloniques, qu’elles correspondent à des canicules (Aout 2003, voir EON-Wind-Report-2004) ou à des vagues de froid (France, Janvier 2010 ou seconde moitié de Novembre 2010). Dans ces périodes où le pays a un besoin particulier d’électricité (climatisation ou chauffage), les éoliennes produisent souvent peu. On notera aussi que les données RTE ne mettent pas particulièrement en évidence le phénomène de lissage temporel de la production qui résulterait d’un effet de « foisonnement géographique sur nos trois zones de vent » (rhétorique de l’ADEME). Dans une période aussi favorable que l’automne, le facteur de charge de l’éolien français est voisin de 23% proche de celui de 2009. Finalement, l’analyse des moyennes sur des intervalles importants de puissance consommée (2,5 GW), montre que, au contraire de ce qu’on observe pour tous les autres moyens de production du parc français tels que recensés par RTE, la production éolienne est une énergie fatale qui n’est pas corrélée aux besoins en électricité des Français.
Appendice A
Quelques remarques sur l’utilisation des données RTE dans ce document
A.I) Le site éCO2mix de RTE
Ce site est accessible à l’adresse :
La figure 1.1 montre l’aspect de la page d’accueil
Fig. A.1Page d’accueil du site éCO2mix de RTE
Un ensemble d’informations sur la production et la consommation électrique française sont disponibles sur le site éCO2mix avec une résolution temporelle du quart d’heure. La figure A.2 présente quelques une de ces fonctionnalités. Les sections A.II, A.III et A.IV reprenne la présentation que fait RTE des fonctionnalités du site (Le texte RTE est en italique. Pour nos commentaires la fonte n’est pas italique).
A.II) Consommation d’électricité :
La demande d'électricité varie tout au long de la journée et des saisons. Le diagramme présente par quart d'heure :
- la consommation française d'électricité de la journée en cours,
- la prévision estimée la veille pour le jour en cours (J-1),
- une seconde prévision pour le jour en cours, estimée le jour même (J) et mise en ligne vers 14h30,
- le solde des échanges est calculé comme la somme des imports moins les exports depuis la France.
Les éventuels écarts entre consommation prévue et réalisée résultent principalement de l'évolution des conditions météorologiques par rapport aux données prévues (température et luminosité).
Les prévision[s]et les mesures sont établies par le Centre National d'Exploitation du Système de RTE (également appelé dispatching national).
Le Centre National d'Exploitation Système ajuste, à tout moment, les volumes de production aux besoins en électricité des consommateurs. Il s'assure que les programmes de production prévus par les différents fournisseurs d'électricité permettent de satisfaire la consommation totale
Consommation d’électricité Production d’électricité détaillée par filières Emissions de CO2
Fig.A.2Diagrammes disponibles sur le site de RTE permettant un suivi par quart d’heure de la consommation électrique prévue et effective, ainsi que des diverses productions électriques et de la quantité d’émissions CO2 associée à la production électrique en France.
A.III) Production par filières (mix énergétique) :
Les filières de production françaises sont agrégées en fonction du combustible utilisé afin de produire de l'électricité. La courbe présente les données de la journée en cours. Les données affichées au-dessus de l'axe des abscisses correspondent à la consommation intérieure française. Les exports sont affichés comme valeurs négatives, les imports en valeur positive.
"Autres" concerne les moyens de production raccordés au réseau de distribution pour le[s]quels il n'est pas possible, comme sur le réseau de transport de RTE, d'effectuer une télémesure. Il s'agit donc d'une estimation. Cela concerne les productions sous régime d'Obligation d'Achat, les cogénérations et autres productions thermiques dites diffuses. »
La note 5 et la section A.VII ci-dessous commentent les réserves que nous faisons à cette formulation du la production « Autres » ainsi que les informations dont nous estimons qu’elles manquent.
A.IV) Emissions de CO2
Il s'agit d'une estimation du contenu carbone de l'électricité produite sans prise en compte des émissions de CO2 qui ont été générées lors de la construction des moyens de productions d'électricité ou lors du cycle d'extraction / transformation des combustibles.
Les imports d'électricité ne sont pas pris en compte dans le calcul des émissions de CO2.
La contribution de chaque filière de production aux émissions de CO2 est indiquée ci-dessous. Les émissions de CO2 sont estimées par RTE à partir de valeurs de référence par filière employées par l'ENTSO-E, l'association européenne des gestionnaires de réseau de transport, dans le cadre de ses publications. Ces valeurs sont également utilisées par l'Agence Internationale de l’Energie (AIE) pour ses propres publications.
- 0,96 t/MWh pour les groupes charbon,
- 0,80 t/MWh pour les groupes fioul,
- 0,36 t/MWh pour les CCG,
- 0,40 t/MWh pour la production thermique décentralisée.
Ces valeurs seront révisées régulièrement en fonction des évolutions techniques des moyens de production.
Les données publiées par RTE sont purement indicatives et ont pour seule destination l’information du grand public. Ces données ne sont pas opposables et ne font pas référence pour le marché du CO2.
De fait, on peut regretter les restrictions mentionnées au début de ce chapitre. Il serait en effet utile que RTE chiffre le contenu en CO2 des importations (d’Allemagne par exemple) pour ne pas donner la fausse impression que le contenu en CO2 de l’électricité française consommée est plus grand quand le pays exporte (et consomme relativement peu d’électricité) que quand il importe. Il serait aussi intéressant que RTE indique quelle fraction de la production « Autres » est émettrice de CO2 et dans ce cas à quel taux.
A.V) Les fichiers numériques fournis par RTE
Dans la dernière partie du site, une fenêtre associée à un calendrier permet d’extraire pour les 31 jours précédents, quart d’heure par quart d’heure, des valeurs des productions électriques selon divers modes, du solde import-export, des émissions de CO2, de la consommation électrique et des deux dernières prédictions de cette consommation. La longueur de chaque fichier que l’on peut ainsi extraire est de 100 lignes : 96 pour les quarts d’heure et 4 pour des commentaires.
Le site de SLC mettra à disposition les fichiers mensuels de données brutes (2800, 2800, 3000 ou 3100 lignes selon le mois).
A.VI) Déficiences des fichiers RTE ; remédiations adoptées
Un des commentaires accompagnant chaque fichier est : « RTE ne pourra être tenu responsable de l'usage qui pourrait être fait des données mises à disposition, ni en cas de prévisions qui se révèleraient imprécises. ». De fait, l’analyse de ces fichiers révèle quelques omissions ou incohérences[27] que dans la mesure du possible nous avons tenté de corriger de façon à ne pas introduire de phénomènes aberrants dans nos courbes et analyses statistiques.
Un fichier de données, nettoyé des valeurs que nous avons interprétées comme des « scories » numériques, est mis à disposition sur le site de SLC. Toutes les valeurs « retouchées » y seront identifiables (case de couleur jaunes). Leur nombre n’excède pas quelques centaines sur un total de plus de cent mille (11712x12). Les quelques problèmes repérés et les options retenues sont :
· Pour certains quarts d’heure (un, deux et encore plus rarement trois consécutifs) les données de production manquent complètement. Plutôt que de les mettre à zéro, on a choisi de réaliser une interpolation linéaire sur la base des deux quarts d’heure informés les plus voisins. Dans ces cas, nous avons aussi effectué l’interpolation sur la valeur de la consommation même quand celle-ci était donnée dans le fichier RTE. En effet, pour ces quarts d’heure, les valeurs de la consommation reportées semblaient n’être que des extrapolations des prévisions des jours au jour J et au jour J-1.
· Certaines fluctuations qui semblaient aberrantes ont été éliminées. Pour acquérir le qualificatif « aberrant », il fallait qu’elles cumulent plusieurs des caractéristiques suivantes 1) elles étaient en valeur relative de grande ampleur par rapport à la production considérée 2) elles ne concernaient qu’un seul quart d’heure, 3) elles créaient, pour le même quart d’heure, une fluctuation violente compensatoire dans une autre production 4) elles n’apparaissaient pas sur les courbes publiées par ailleurs par RTE. Nous avons laissé visible un tel exemple sur la figure 17 (il a néanmoins fait l’objet d’une correction dans tous les calculs). Au voisinage du quart d’heure 1101 (mesuré à partir du 1er Novembre 0h), dans une période de forte production éolienne, les données RTE brutes montrent un brusque décrochement. Or, celui-ci n’apparaît pas dans la courbe de facteur de charge éolien pour le mois de Novembre qu’a publié RTE[28]. La partie gauche de la figure 16 montre (entre les quarts d’heure 6817 et 6913) la courbe de puissance éolienne une fois effectué le lissage de la puissance éolienne pour ce quart d’heure.
· Le calcul de la différence D entre la valeur dans la colonne « Consommation » et la somme des valeurs des productions montre deux types d’incohérences. Nous ne sommes en mesure de proposer une interprétation que pour une seule. Ainsi, sur la période considérée dans ce document, chaque fois que la valeur de la production hydraulique est strictement égale à zéro, on constate que D est négatif. L’écart peut dépasser 1 GW. Notre interprétation a été que ce désaccord reflétait le turbinage (STEP et barrages). Nous avons donc choisi de remettre D à zéro en assignant la valeur négative adéquate aux lignes correspondantes de la colonne «Hydraulique».
· Les données RTE de la première semaine de Janvier montrent un autre type d’incohérence. Systématiquement, lorsque la production des centrales à charbon est rapportée comme étant strictement nulle, la différence D est encore négative. Sa valeur absolue atteint typiquement des valeurs de plusieurs dizaines de MW alors que, de façon générale, D fluctue autour de zéro à 1 ou 2 MW près. Incapables d’imaginer un « turbinage charbon », cette incohérence étant de plus de faible ampleur, nous envisageons de conserver les chiffres RTE, dans l’attente d’une explication.
A.VII) Considérations sur la production « Autres »
La figure A.3 donne l’évolution temporelle de la production identifiée « Autres » sur le site éCO2mix. Les informations ci-dessus fournies par RTE sur cette production sont trop parcellaires pour qu’on ne puisse avancer autre chose que des supputations.
Fig. A.3 Evolution temporelle de la puissance (en MW) identifiée par RTE comme « Autres »(voir note 5) sur la période du 1er Septembre au 31 Décembre. Les chiffres sur l’axe des abscisses correspondent aux numéros des quarts d’heure à partir du 1er Septembre 0h. Les valeurs croissent par intervalle de 672 quarts d’heure, soit une semaine.
Il semble que pendant les 8 premières semaines (Septembre et Octobre), « Autres » est dominé par la production hydraulique « fil de l’eau ». La valeur estivale de puissance est quasi constante et légèrement inférieure à 2 GW (pour une capacité maximale de barrages supérieure à 3,5 GW). On distingue des oscillations de puissance (amplitude entre 100 et 200 MW) très régulières sur ce fond continu (la régularité devient bien visible après agrandissement horizontal de la figure) qu’il serait intéressant d’expliquer. Après la huitième semaine (Début Novembre), les centrales à cogénération (qui obtiennent alors leur tarif d’achat favorable) se mettent en route et stabilisent leur production pour une puissance de l’ordre de 3,5 GW.
Pas plus que pour les barrages sur le Rhône et le Rhin, l’introduction de leur production sur le réseau ne relève stricto sensu du « merit order » ; dans le premier cas, la « fatalité » a une cause essentiellement naturelle, dans le second, la cause est avant tout budgétaire.
Il serait intéressant de connaître l’évolution de l’ensemble des productions subventionnées (photovoltaïque, biomasse). En tout état de cause, il semble déraisonnable d’espérer les détecter à partir d’un tel diagramme. On ne peut que souhaiter que RTE fournisse un jour des informations détaillées au public qui subventionne la plupart des énergies (renouvelables ou cogénération) qui composent la production « Autres ».
Appendice B
Production éolienne et températures en période anticyclonique automnale et hivernale
Le commentaire de la figure 17, dans laquelle on suit en parallèle la production éolienne française et les températures moyennes relevées sur le site de Toussus le Noble, affirme que la seconde partie du mois de Novembre fournit une bonne illustration de l’établissement d’un anticyclone froid. En effet, il nous semble illustrer un enchaînement séquentiel de phénomènes très caractéristique. Dès que l’anticyclone s’installe, la production éolienne s’effondre. Elle reste faible tant que l’anticyclone est en place. De façon concomitante, on observe une baisse progressive des températures qui se traduit par une augmentation des besoins en électricité. Dès le retour de dépressions (vents tièdes ou plutôt moins froids) la température remonte rapidement en même temps qu’augmente fortement la puissance éolienne[29].
Fig.B.1 La courbe rouge de la partie supérieure de la figure donne la production éolienne (en MW) de la zone Allemande EON-Transpower pendant le mois de janvier 2010. La résolution temporelle est horaire. La ligne verte donne la puissance installée du parc en ce mois de Janvier (10 GW). La ligne horizontale jaune indique la puissance moyenne sur le mois (2 GW). La courbe bleue indique les erreurs de prévision sur la puissance éolienne que le réseau a du gérer. Elles peuvent atteindre 2 GW. La partie inférieure de la figure donne l’évolution des températures moyennes à Berlin fournie par le « Deutsches Wetterdienst ».
La figure B.1 fournit une illustration de configuration anticyclonique pour la zone gérée par E-ON en Allemagne lors des deux vagues de froid anticycloniques qui ont marqué le mois de Janvier 2010. Le phénomène, commençant par une chute rapide de la production éolienne et une baisse progressive des températures, et se terminant par une remontée rapide et de la production éolienne et de la température est bien visible. On notera que sur ce mois de Janvier 2010 le facteur de charge des éoliennes allemandes a été de 20%.
Fig.B.2 La courbe bleue de la partie supérieure de la figure donne la production éolienne (en MW) de la zone danoise Energinet pendant le mois de décembre 2007. La résolution temporelle est du quart d’heure. L’axe vertical, (graduation 500 MW) monte jusqu’à 3,5 GW. La ligne violette donne la puissance installée du parc danois en ce mois de Décembre (3,2 GW). La partie inférieure de la figure donne l’évolution des températures moyennes à Hambourg fournie par le « Deutsches Wetterdienst ».
A partir des données danoises relevées sur le site de la compagnie danoise Energinet, la Figure B.2 fournit une autre illustration du même enchaînement de phénomènes pour la très longue période anticyclonique qui a débuté vers le 10 Décembre et a duré près de deux semaines. Elle a aussi affecté la France mais les données analytiques de l’éolien français pour cette période ne sont pas disponibles.
Finalement pour illustrer les limites de la notion de « foisonnement » ou de complémentarité des productions éolienne des diverses zones européennes, la figure B.3 compare les productions allemande et française pour le mois de Janvier 2010.
Fig.B.3 La courbe rouge de la partie supérieure de la figure donne la production éolienne (en MW) de la zone Allemande EON-Transpower pendant le mois de décembre 2007 (voir légende Fig. B.1). La partie inférieure de la figure (source RTE) donne, pour le même mois, l’évolution de la puissance appelée française (courbe bleue, échelle de gauche, graduation 10 GW entre 50 et 90 GW) et le facteur de charge éolien français (courbe violette, échelle de droite, graduation 5% entre 0 et 65%
La forte similarité des courbes de production éolienne des deux pays permet d’avoir des doutes sur la capacité de lissage à l’échelle du continent qui est parfois annoncée par les défenseurs de l’éolien (et par l’ADEME). Il semble toutefois que le second anticyclone sibérien (seconde moitié du mois) soit arrivé d’Allemagne, dans notre pays, avec un jour de retard.
Pour tester cette hypothèse du « foisonnement » il serait intéressant de disposer de données qui soient analytiques non seulement en temps mais aussi suivant les zones géographiques d’implantation des éoliennes. Il suffirait pour cela que RTE (ou l’ADEME) mette à la disposition du public les productions instantanées de quelques parcs éolien de taille similaire situés sur nos « trois façades maritimes ». De plus, comme une grande partie du potentiel éolien français est placé dans des zones a priori peu favorables (centre, est de la France), il conviendrait aussi de donner la production électrique de quelques parcs situés dans ces régions. Cela constituerait certainement une information pertinente pour aider le citoyen-consommateur-« subventionneur » à se former une opinion.
On notera que, sur ce mois de Janvier 2010, l’efficacité des éoliennes Allemandes a atteint 80% pendant quelques quarts d’heure. Celles des éoliennes françaises n’a elle dépassé 60% que pendant quelques quarts d’heure.
[1]Un document définitif est actuellement en préparation sur la base de données de six mois de production électrique de Juillet à Décembre 2010. Les données antérieures ne sont pas disponibles.
[2]82 €/MWh en 2006. Plus aujourd’hui, si on tient compte de l’indexation prévue par les arrêtés (ainsi pour l’année 2011, la Commission de Régulation de l’Energie retient un tarif moyen de 86,4€/MWh).
[3]Dans l’appendice A on trouvera l’adresse web à laquelle on peut se procurer les données ainsi qu’un descriptif sommaire du contenu du site. Cet appendice précise aussi la façon dont ces données sont utilisées dans le présent document.
[4]La production solaire photovoltaïque n’est pas précisée, probablement parce que sa contribution est trop marginale. Pour ce qui concerne l’énergie de pompage voir aussi l’appendice A
[5]A. de Lamartine, les Méditations Poétiques, Le Lac ; A. de Vigny, Les Destinées, La Maison du Berger.
[6]On notera une rubrique « Autre » pour laquelle RTE indique : « Autres concerne les moyens de production raccordés au réseau de distribution pour le[s]quels il n’est pas possible, comme sur le réseau de transport de RTE, d’effectuer une télémesure. Il s’agit donc d’une estimation. Cela concerne les productions sous régime d’Obligation d’Achat, les cogénérations et autres productions thermiques dites diffuses ». Telle quelle, cette description apparaît à la fois incorrecte et incomplète. Pour plus de détails, on se rapportera à l’appendice A.Ici, on remarquera seulement que la référence générale à l’Obligation d’Achat est incorrecte puisque l’éolien qui en relève n’est pas comptabilisé dans « Autres » mais bénéficie d’une rubrique dédiée (zone verte). Elle aussi incomplète puisque « Autre » incorpore aussi entre autres la production hydraulique fatale (« fil de l’eau », marémotrice). On ne dispose pas d’information sur la façon dont le mini-hydraulique est comptabilisé. Sur la période étudiée dans ce document, « Autre » évolue au fil du temps avec une certaine régularité comme le montre la figure dessinée dans l’appendice A.
[7]« Glissant » signifie que les valeurs de puissances portées en Fig.3 pour un quart d’heure donné correspondent à la moyenne des valeurs des puissances instantanées pour les 48 quarts d’heure qui le précédent, lui-même et pour les 47 quarts d’heure qui le suivent.
[8]« bin » : mot anglais de jargon statistique (traduction littérale « case » ou « boite ») qui correspond à une partition de l’espace de la variable aléatoire (ici la consommation globale) en intervalles (de largeur constante ou variable) dans chacun desquels on choisit de regrouper un sous-ensemble des points d’un échantillonnage fini (ici, on regroupe tous les points associés à une valeur de la variable comprise dans l’intervalle), de façon à leur appliquer un traitement statistique commun (moyenne, dispersion quadratique, …). Le choix des bins, de façon à utiliser au mieux un échantillonnage fini, est un problème qui n’a pas de réponse unique : la réponse est aussi statistique. Il importe donc de vérifier la stabilité des conclusions vis-à-vis de variations du paramétrage des bins, par exemple, ici reprendre l’étude pour des largeurs de 2 GW ou de 3 GW ou des variations aléatoires de largeur d’un bin à l’autre ou en décalant l’origine des bins, (de 1,25 GW par exemple).
[9]En fait, ponctuellement, elles ont atteint des valeurs de 6 GW.
[10]Autant par l’augmentation nominale de puissance du parc nucléaire installé que par la souplesse que ces deux unités supplémentaires de moins de dix ans auraient apporté dans la programmation des arrêts de tranche.
[11]Source : site de l’ADEME www.suivi-eolien.com
[12]Ce qualificatif n’est qu’en partie vrai pour « Autres » qui contient des énergies fatales (mais bien prévisibles) associées aux barrages de grands fleuves (production au fil de l’eau). De fait on constate (Appendice A) que même ceux qui sont en principe partiellement pilotables (cogénération) tournent aussi à leur maximum de puissance de façon à exploiter au mieux les bénéfices financiers associés à l’Obligation d’Achat.
[13]On notera que cet « ordre de mérite » ne s’applique ni à « Autres » ni à l’éolien, qui bien qu’étant l’énergie la plus chère (plus chère hors les productions électriques à partir de biomasse et de solaire photovoltaïque qui ne sont pas détectables dans les chiffres fournis par RTE), est injectée en priorité sur le réseau dans le cadre de l’Obligation d’Achat.
[14]De fait, l’ADEME qui, pendant un temps, donnait des indications de production, ferme éolienne par ferme éolienne sur son site, avait cessé de le faire à partir de mars 2006.
[15]L’appendice B discute un cas similaire pendant la forte vague de froid de Janvier 2010.
[16]A cet effet, on rappellera que les engagements de RTE sont que le défaut de fourniture d’électricité aux usagers ne doit pas excéder trois heures par an soit très largement moins que 5% du temps.
[17]Cet évènement était tellement extraordinaire qu’il a donné lieu à un communiqué du Syndicat des Energies Renouvelables (SER).
[18]Même si c’est bien sûr dans cette fonction de base qu’il est le plus rentable puisque son facteur de charge est alors maximal.
[19]Contrairement à ce qu’on pourrait croire le développement du parc éolien français ne s’effectue pas particulièrement dans les zones les plus ventées. Les données du site ADEME http://www.suivi-eolien.com/montrent que les régions Picardie, Centre et Est, pourtant modérément ventées (selon les données de l’ADEME), pèsent plus que la Bretagne, la Vallée du Rhône et le Roussillon en termes de puissance installée. L’éolien serait-il donc moins un moyen de production mis au service de la Nation qu’un moyen de mettre la Nation (par le budget de ses consommateurs) au service des investisseurs et (souvent) de grands propriétaires terriens ?
[20]RTE indique qu’en hiver chaque degré en moins se traduit par un appel de puissance supplémentaire de 2,1 GW.
[21]Le gradient pour un quart d’heure donné mesure la rapidité de variation de la puissance à cet instant. L’unité choisie est le MW par heure : MW/h. Ici, il est calculé comme le double de la différence des puissances des deux quarts d’heure voisins.
[22]On explique dans l’Appendice A pourquoi il n’a pas semblé pertinent, en l’état, de s’attarder à commenter les quelques gradients qui dépassent 600 MW. Par contre, il sera intéressant de confirmer ou non l’existence de tels gradients extrêmes de puissance éolienne dans la mesure où ils pourraient être les représentants d’un phénomène (dit de « fat tails ») qui affecte certaines distributions statistiques (indices boursiers, distributions de vitesses atomiques dans un gaz pour des températures sub-milli-Kelvin ou phénomènes météorologiques extrêmes par exemple).
[23]Il convient de remarquer qu’au contraire des gradients éoliens peu prévisibles, ceux de la consommation électrique sont plus faciles à anticiper dans la mesure où ils s’expliquent pour l’essentiel par des comportements sociétaux et des facteurs externes tels que la température. Une régularité de comportement est d’ailleurs visible sur la figure 20 dont une analyse de Fourier mettrait en évidence des pics journaliers (à 2.pi/96) et hebdomadaire (à 2.pi/672).
[24]La comparaison des mois de Novembre 2009 et 2010 montre aussi de fortes variations d’une année à l’autre. Ainsi RTE (Aperçu sur l’énergie électrique, Novembre 2010) annonce que la production éolienne du mois de Novembre 2010 a été inférieure de près de 27% à celle du même mois en 2009.
[25]Sur la figure B.1 (Appendice B) on peut constater qu’en Janvier 2010, les erreurs de prévision de puissance éolienne dans la zone allemande gérée par EON-Transpower se sont parfois élevées à 2 GW pour une puissance éolienne installée de 10 GW et une puissance moyenne livrée de 2 GW. Une erreur de prévision sur l’arrivée du vent sur les éoliennes du nord de l’Allemagne a aussi joué un rôle important à l’origine du blackout européen du 4 Novembre 2006.
[26]Il est prévu 19 GW d’éolien terrestre et 6 GW d’éolien maritime pour lesquels on ne dispose d’aucune donnée.
[27]Il semble que certains écarts pourraient être dus à des asynchronismes dans la transmission des informations collectées, par exemple d’ERDF vers RTE. Le quart d’heure semble donc être la limite inférieure de précision temporelle pour une collecte fiable. De fait, sauf peut-être pour le calcul des gradients, une telle résolution n’apparaît pas vraiment nécessaire pour les analyses. Une résolution horaire qui serait bien sûr plus commode semble suffisante comme on peut s’en convaincre en comparant les courbes originales (résolution du quart d’heure) et la courbe obtenue après un lissage glissant sur quatre valeurs consécutives (résolution horaire).
[28]RTE, www.rte-france.com/uploads/media/pdf_zip/publicationsmensuelles/apercu_energie_elec_2010_11.pdf
« Aperçu sur l’énergie électrique Novembre 2010 », première figure en page 3.
[29]L’explication de ce comportement des températures (descente progressive, remontée rapide) pourrait tenir à l’effet important de la circulation de l’air dans la régulation de la température moyenne. Lorsque l’anticyclone s’établit, cette circulation disparaît alors que le ciel est en général dégagé. La progressivité observée de la chute de température tiendrait alors à un bilan cumulatif journalier négatif des transferts de chaleur : la perte nocturne étant plus importante que le gain diurne. De fait, surimposées à la tendance décroissante de la température moyenne visible sur les figures 17, B.1 et B.2, un suivi horaire des températures montre d’importantes oscillations. Par contre, dès l’arrivée des vents en provenance de l’Atlantique, ceux-ci établissent rapidement un équilibre pour des températures plus élevées (ce type de dépressions apportant souvent aussi une couverture nuageuse, on observe aussi une diminution de l’amplitude des oscillations jour-nuit des températures).