il est grand temps de reprendre ses esprits
La vie politique est un long chemin semé d’embûches et de prises de décisions difficiles et lourdes de conséquences. En tant qu’association, nous sommes tout à fait respectueux de l’engagement des hommes et des femmes qui s’y consacrent. Comme il est normal, la vie politique n’est pas faite que de réussites ni de décisions pertinentes, justes et adaptées. Mais, parce que le climat est notre première préoccupation, nous sommes tout autant attachés à dénoncer les décisions ineptes pour la décarbonation de notre énergie.
Les 21 février et 30 juin 2020 avaient lieu les mises à l’arrêt définitif des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim. Cet événement était le résultat d’un long processus politique étalé sur de nombreuses années. Plusieurs ministres du gouvernement de l’époque avaient été, à titre personnel, signataires d’une tribune parue dans Le Monde dès le 22 février 2020 intitulée « La fermeture de Fessenheim marque une étape historique » : rien de moins ! Il y était affiché que cet acte incarnait une « écologie de responsabilité ». Les ministres y reprenaient les arguties fallacieuses, contestées y compris par l’Autorité de Sûreté Nucléaire, de l’âge de la centrale et de sa situation géographique. Ils annonçaient même triomphalement la fermeture à venir de 12 autres réacteurs (ce qui était prévu par la loi à échéance 2025 !).
Par la suite, comme nous le dénoncions dès 2020, les faits ont montré que l’arrêt de cette centrale a été une opération perdante sur toute la ligne. Il a, en particulier, privé le pays d’un moyen de production décarbonée fiable et pilotable. Il a aussi envoyé un signal déplorable à une filière industrielle déjà à la peine qui a stoppé ses investissements en technique et en compétences. Saper ainsi la filière nucléaire française, qui s’était construite pendant des décennies, a été un contre-sens majeur au détriment de l’un de nos meilleurs atouts au service de la souveraineté énergétique de notre pays et de sa décarbonation. Nous en subissons depuis les conséquences.
La situation est telle, qu’aujourd’hui, non seulement les fermetures de réacteurs ne sont, heureusement plus à l’ordre du jour, mais la priorité est d’en construire de nouveaux. Ce changement de pied est davantage le résultat de la fin de l’aveuglement dogmatique et du refus de considérer les réalités techniques et scientifiques qu’une réponse à l’évolution incontestable du contexte international.
Force est de constater que cette tribune triomphante des ministres était plus qu’une erreur, une faute lourde. En matière d’énergie, c’est le temps long qui permet de valider la pertinence des décisions. En matière de politique, l’humilité face à des décisions aussi lourdes de conséquences devrait être de mise.
Il est grand temps de cesser ces va-et-viens funestes qui ont généré la fébrilité actuelle sur la relance de la filière industrielle à laquelle ont été envoyés tant de signaux négatifs (dont la fermeture de Fessenheim). La demande récente du Conseil de Politique Nucléaire de travailler à la maîtrise des réacteurs à neutrons rapides, 5 ans après avoir torpillé le projet Astrid est aussi parfaitement illustrative du manque de vision dans la durée. Il faudra attendre la désignation du porteur d’un éventuel projet, son financement et son calendrier, pour juger du degré de réalité de cette demande.
Il est grand temps de redonner leur place à la science et aux réalités dans les décisions politiques, pour comprendre en profondeur les enjeux de décarbonation de l’économie et d’indépendance énergétique du pays en mettant en œuvre les recommandations de la Commission d’Enquête et en se référant enfin aux avis éclairés de l’Académie des Sciences et de l’Académie des Technologies qui sont si peu prises en compte par les décideurs politiques.
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