III Les données de RTE pour la période Septembre à Décembre 2010 ; approche énergétique
Pour l’analyse de longues périodes, il semble donc préférable de choisir un type de représentation qui ne soit plus basé sur la suite des quarts d’heure ordonnée temporellement. Il est alors usuel d’adopter une présentation s’appuyant sur les besoins en électricité du pays. C’est le principe de la « monotone » de consommation dessinée en figure 4. Les 11712 quarts d’heure des quatre mois étudiés y ont réorganisés, indépendamment de leur date, selon les valeurs décroissantes de la consommation électrique entre sa valeur maximale (environ 93 GW) atteinte au milieu de Décembre et sa valeur minimale (environ 35GW) correspondant à une nuit de Septembre.
Fig. 4 Monotone de consommation électrique (en MW) pour la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010. Les quarts d’heure (de 1 à 11712) sont ordonnés de façon à créer une monotone de consommation décroissante. La légende en bas de figure donne le code couleur indiquant la façon dont, pour chaque valeur de consommation, celle-ci a été couverte par les divers modes de production disponibles.
Toutefois la figure 4 montre aussi un inconvénient de ce type de graphique. Deux points consécutifs de la monotone, peuvent correspondre à des quarts d’heure très éloignés temporellement. Dans ce cas, les façons dont les deux consommations, bien que très voisines en valeur, sont couvertes par les moyens de production disponibles peuvent être très différentes. Seules les sommes totales sont proches. De ce fait, les contours inférieurs et supérieurs des diverses zones colorées de la figure 4 sont fluctuants.
Une amélioration visuelle peut être est obtenue en effectuant pour chaque production la moyenne sur un certain nombre de points consécutifs de la monotone. Par exemple, la figure 5 montre ce qui est obtenu par un lissage sur 96 points. On peut déjà en tirer certaines conclusions.
Fig. 5 Monotone de consommation électrique (en MW) pour la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010. Les quarts d’heure (de 1 à 11712) sont ordonnés de façon à créer une monotone de consommation décroissante. Puis, pour chaque contribution à la production électrique, on a porté la moyenne sur 96 points consécutifs de la monotone originale (Fig.4). La légende donne le code couleur des divers modes de production disponibles.
Comme on pouvait s’y attendre, les importations d’électricité (zone rouge sombre en bas à gauche) ont eu lieu lorsque les consommations étaient les plus élevées. De même on constate que les productions des centrales nucléaires ou à combustible fossile ainsi que celles des barrages du pays ont crû en même temps qu’augmentait la demande d’électricité montrant ainsi leur capacité à suivre les variations annuelles de la consommation: leur production (zones colorées en rose, bleu, noir, jaune d’or et jaune citron) s’accroit vers la gauche du diagramme. Par contre, on n’observe pas un tel comportement pour la fine zone verte (éolien). Nous reviendrons plus quantitativement sur ce point lors de la discussion de la figure 20 en Sect. IV.
Toutefois, pour s’affranchir de l’arbitraire dans le choix de la valeur de l’intervalle de lissage (pourquoi lisser sur 96 quarts d’heure de la monotone plutôt que sur 50 ou 200 ?) il est préférable d’analyser les données de production selon une variable qui soit représentative des besoins de la Société, par exemple sur la puissance électrique appelée. Celle-ci, qui s’étage entre 35 et 95GW, a été découpée en intervalles de largeur égale comme représenté en ordonnée de la figure 4. Le choix d’une largeur de 2,5 GW pour ces intervalles résulte des considérations suivantes. D’une part cette largeur est assez petite pour permettre un suivi analytique en fonction de la consommation électrique du pays (en effet on dispose de 22 intervalles pour suivre les tendances). D’autre part, elle est assez grande pour que tous les « bins[8] » contiennent suffisamment de quarts d’heure garantissant ainsi une valeur statistique convenable aux moyennes.
Fig. 6 Nombre de quarts d’heures de la période du 1er Septembre au 31 Décembre 2010 pendant lesquels la consommation électrique a été comprise dans les intervalles d’énergie indiqués en abscisse.
La figure 6 donne le nombre de quarts d’heure pour chaque intervalle de puissance globale consommée. Les variations de pente de la monotone – plus forte à ses deux extrémités, plus faible pour les consommations moyennes – entrainent que le nombre de points par tranche varie de quelques centaines à un millier. La qualité statistique est donc la meilleure (par approximativement un facteur 2 à 3) pour les tranches de puissance consommée de l’intervalle médian [42,5GW, 82,5GW].
Les figures 7 à 13 qui suivent donnent d’une part les puissances moyennes exportées ou importées selon chacune de ces tranches de consommation électrique et d’autre part celles correspondant aux productions des centrales et des barrages (Nucléaire, Hydraulique de barrage, « Autres », Charbon, Gaz et Fioul+Pointe).
Fig.7 Puissance moyenne (MW) importée (valeurs positives) ou exportées (valeurs négatives) en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Sur la figure 7, on constate que les fortes puissances appelées s’accompagnent d’importations qui, en moyenne, peuvent s’élever jusqu’à 3 GW[9]. Ceci illustre les déficiences de la programmation de mise en production des moyens électriques sur la dernière décennie. En effet, depuis l’an 2000, la France n’a plus démarré de centrales de puissance (coup d’arrêt au déploiement du nucléaire) alors même que la consommation électrique de la population n’a cessé de croître. On peut penser que la construction de deux EPR sur ces dix dernières années aurait aidé à assurer l’indépendance électrique du pays[10]. De fait, sur cette même période, le seul déploiement notable a été celui du parc éolien (5,2 GW en France continentale au 31 Décembre 2010[11]) et gaz. Or, on verra plus loin que l’éolien ne contribue que marginalement à la production pendant les périodes d’extrême pointe et ne peut donc guère servir à éviter les besoins d’importations.
Fig.8 Puissance moyenne (MW) livrée par le parc nucléaire français en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.9 Puissance moyenne (MW) livrée par l’hydraulique de barrage en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.10 Puissance moyenne (MW) correspondant à la définition « Autres » de RTE (voir note n° 5) en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.11 Puissance moyenne (MW) livrée par les centrales à charbon françaises en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.12 Puissance moyenne (MW) livrée par les centrales à gaz françaises en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Fig.13 Puissance moyenne (MW) livrée par les centrales à fioul et les centrales de pointe françaises en fonction d’intervalles de la puissance électrique consommée en France (largeur des intervalles de 2,5 GW).
Ces figures confirment ce que la figure 5 laissait entrevoir : lorsque la puissance appelée s’accroit (coté droit des figures 8 à 13), tous les moyens de production pilotables[12] disponibles augmentent leur contribution à l’alimentation du réseau électrique.
La figure 8 montre que la puissance nucléaire maximale qu’EDF a pu mettre en route au moment des vagues de froid de Novembre et Décembre 2010 a été de l’ordre de 55GW. Ceci pourrait indiquer qu’EDF a été prise de court par l’arrivée précoce de froids automnaux de la fin 2010. La programmation des arrêts des réacteurs est en effet décidée très en amont. De fait, l’hiver précédent, les épisodes les plus froids étaient survenus en Janvier 2010 et on a constaté que ce n’est qu’au début de l’année 2011 qu’EDF a annoncé que les 63GW de son parc nucléaire étaient opérationnels simultanément.
Les figures 11 et 12 montrent que la mise en service avant 2010 de deux EPR aurait eu un fort impact sur les émissions de CO2. En effet, l’appel de puissance des centrales de production utilisant des combustibles fossiles devient supérieur à 3 GW dès que la puissance appelée dépasse 50 GW soit pour 9104 quarts d’heure (sur un total de 11712) ou l’équivalent de 94 jours sur 122.
Les graphiques semblent indiquer que la gestion des centrales à combustible fossiles donne la priorité à la mise en service des centrales à gaz. En effet, leur contribution atteint un palier dès que la puissance appelée dépasse 55GW. Au contraire, la contribution des centrales à charbon augmente continûment avec la puissance appelée. La figure 13 illustre le fait que les centrales à fioul et les centrales de pointe ne sont mises en route que lorsque la demande de puissance devient très importante.