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Maitrise des émissions nécessaire pour limiter le changement climatique anthropique

  • Publié le 19 février 2014
Michel Petit
  • Changement climatique
  • Gaz à effet de serre
  • Climat
  • Science et technologie
  • Combustibles fossiles
  • GIEC
  • Production d’énergie

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Sauvons Le Climat           Conseil Scientifique                                    février 2014

 

Maitrise des émissions nécessaire
pour limiter le changement climatique anthropique

Michel Petit

 

Résumé

L’introduction anthropique dans l’atmosphère terrestre de gaz absorbant le rayonnement infrarouge émis par le Terre a provoqué une augmentation de la température moyenne du globe de l’ordre de 0,75° au cours des 100 dernières années. [Ce réchauffement s’accélère et est plus important sur les continents que sur les océans. On observe ses conséquences sur certains systèmes physiques tels que le niveau moyen des océans ou l’enneigement des régions de haute latitude ou altitude et aussi sur certains phénomènes biologiques comme la migration annuelle de certains oiseaux ou la date des vendanges.] Les simulations sur ordinateur de la dynamique de l’océan et de l’atmosphère reproduisent correctement les valeurs observées, à condition de prendre en compte le changement observé de la composition de l’atmosphère.

L’évolution à venir est particulièrement préoccupante, car les émissions de l’humanité ont tendance à augmenter sous le double effet de la croissance démographique et du développement. La convention sur le changement climatique adoptée lors du sommet de Rio en 1992 a prévu de plafonner la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre, mais sans fixer la valeur de ce plafond. Pour limiter l’augmentation de la température moyenne du globe à 2 ou 3°, ce qui représente environ la moitié de l’écart entre les deux extrêmes des cycles glaciaire/interglaciaire qui ont bouleversé la géographie du globe, il faudrait que les émissions actuelles mondiales soient divisées par un facteur 2 d’ici une cinquantaine d’années.

 

Le changement climatique observé

Les stations météorologiques disséminées dans le monde entier enregistrent en permanence la température locale, de façon fiable depuis près d’un siècle. Les valeurs recueillies varient très largement avec la situation géographique, l’heure du jour, la saison et peuvent être très différentes d’un jour à l’autre et d’une année à l’autre pour le même jour. La seule manière de dégager une tendance générale est de faire la moyenne sur l’ensemble du globe et sur plusieurs années. On a observé qu’en un siècle, la température moyenne mondiale a augmenté d’environ trois quarts de degré et que cet accroissement est de plus en plus rapide et a atteint au cours des 25 dernières années un rythme estimé entre 1,3 et 2,3 ° par siècle.

Cette tendance générale ne fait que traduire des observations locales. C’est ainsi qu’entre 1960 et 2010, le nombre de jours de gel est passé, en moyenne, à Nancy de 90 à 65 jours et à Toulouse de 45 à 25 jours et que l’enneigement moyen au col de Porte (massif de la Chartreuse) supérieur à un mètre a diminué de deux mois et demi. Les vendanges à Châteauneuf du Pape  ou à Tavel ont avancé d’environ trois semaines au cours des cinquante dernières années. La chenille processionnaire du pin est remontée vers le nord au cours des 20 dernières années passant d’Orléans à Rambouillet.

 

Ce changement climatique est-il bien d’origine humaine ?

La température moyenne d’une planète s’établit à une valeur qui lui permette d’évacuer dans l’espace sous forme de rayonnement infrarouge une énergie égale à l’énergie du rayonnement solaire qu’elle absorbe. Si on ajoute dans son atmosphère des gaz absorbant le rayonnement infrarouge, elle va temporairement émettre moins d’énergie qu’elle n’en reçoit et sa température va augmenter jusqu’à ce que cet accroissement lui permette de rayonner un peu plus et de compenser l’absorption. Or, on observe de façon incontestable que, depuis le début de l’ère industrielle, la concentration de gaz, ayant cette propriété, dits gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone et le méthane pour ne citer que les deux plus efficaces a cru dans l’atmosphère de la Terre. Quantitativement, la quantité de dioxyde de carbone supplémentaire correspond à environ la moitié des émissions de l’humanité, l’autre moitié étant absorbée par l’océan et la biosphère. L’origine anthropique de ce changement de composition est donc indiscutable, d’autant plus qu’elle est étayée par la mesure de la composition isotopique du carbone atmosphérique qui confirme le caractère fossile de l’excédent.

 

Qu’est ce que la modélisation numérique du climat ?

Des programmes sur ordinateur, faisant appel aux lois de l’aérodynamique, sont capables de prévoir le comportement en vol d’un avion, avant même qu’il ait été construit. De façon analogue, les lois qui régissent la mécanique des fluides et l’interaction entre le rayonnement et les molécules de l’atmosphère permettent de simuler le comportement des composantes de la machine climatique, c’est-à-dire de l’atmosphère et de l’océan. Chaque modèle numérique constitue donc une petite planète qui vit sous l’effet de ses équations et crée son climat. La validité du modèle est établie en comparant ses résultats au climat observé sur notre Terre. Les modèles cernent maintenant la réalité de façon très satisfaisante. La précision de leurs restitutions est néanmoins limitée par la taille des mailles du quadrillage du globe sur lequel ils reposent. Pour des raisons de temps de calcul, cette taille reste de l’ordre de 100 km et l’influence sur l’écoulement des phénomènes de plus petite taille doit être pris en compte de façon statistique, sous la forme d’une « paramétrisation ». C’est là la source essentielle des incertitudes sur les simulations faites par les modèles.

 

Les modèles permettent-ils de simuler les évolutions récentes du climat ?

La figure 1 montre qu’à condition de prendre en compte le changement mesuré de la composition de l’atmosphère, les modèles reproduisent de façon satisfaisante (bandes rouges) les variations récemment observées de la température, en moyenne mondiale, mais aussi continent par continent. Par contre, si la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est supposée constante, les résultats des modélisations diffèrent significativement de la réalité (bandes bleues). C’est là une preuve que, non seulement qualitativement, mais aussi quantitativement, le changement de composition de l’atmosphère apparaît comme la cause très vraisemblable des changements climatiques récents.

 

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Figure 1 A quelles émissions de gaz à effet de serre faut-il s’attendre ?

En l’absence de toute politique volontariste, les émissions dépendront des évolutions démographiques, économiques, technologiques et culturelles des divers pays du monde. En 2000, le Giec a publié un rapport spécial sur les scénarios d’émission qui constitue une synthèse des travaux de prospective publiés sur le sujet. Plusieurs scénarios ont été retenus comme référence de façon que les résultats des différentes études de l’évolution du climat puissent être comparés. Ils pavent en gros l’étendue des évolutions envisagées comme possibles, en l’absence d’actions volontaires de réduction des émissions. Il convient de noter que l’évolution observée depuis 2000 est proche de celle des scénarios les plus émissifs.

 

Quelles sont les changements climatiques qu’on peut craindre ?

Les incertitudes sur l’ampleur des changements climatiques auxquels on peut s’attendre au cours de ce siècle ont deux origines distinctes, la première résultant de l’évolution future des émissions et dont on vient de parler et la seconde des incertitudes des modèles climatiques. Si on associe le scénario le moins émissif au modèle le moins sensible aux variations de composition de l’atmosphère, le réchauffement moyen mondial serait de1,1°, tandis qu’en associant le scénario le plus émissif et le modèle climatique le plus sensible, on arrive à 6,4°. Pour apprécier cet ordre de grandeur, il faut avoir conscience que la température moyenne est beaucoup plus stable que les températures locales et se souvenir que 6° seulement séparent notre climat de celui qui régnait lors de la précédente ère glaciaire au cours de laquelle l’Europe du Nord était recouverte d’une couche de glace de 3 km d’épaisseur. D’autre part, les océans se réchauffant moins  que les continents, ces derniers où vivent la plupart des êtres humains connaîtront une augmentation de température double de la moyenne mondiale et les régions les plus septentrionales seront confrontées à des accroissements encore supérieurs, leur albédo diminuant avec la fonte des neiges et des glaces.  La moyenne mondiale des précipitations devrait croître. Certaines régions comme le nord de l’Europe seront plus arrosées tandis que le Bassin méditerranéen sera confronté à une sécheresse accrue. On observera davantage de phénomènes pluvieux intenses, même dans les régions plus sèches.

 

Quelles seront les conséquences de ces changements climatiques ?

Les changements climatiques redoutés vont être lourds de conséquences sur les ressources en eau, certains écosystèmes naturels, la santé, l’agriculture, la sylviculture, les systèmes côtiers et les zones de basse altitude qui seront affectées par la montée du niveau de la mer sous le double effet de la dilatation d’une couche océanique superficielle d’épaisseur croissante et de l’apport d’eau résultant de la fonte des glace de terre. Ce dernier phénomène pourrait entraîner des conséquences catastrophiques pour de nombreuses populations, les habitants des petites iles et des deltas où vivent actuellement plus de 300 millions de personnes : la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, possible d’ici quelques siècles ou peut-être moins encore, provoquerait une augmentation du niveau de la mer de plus de 5 mètres.

Un certain nombre de mesures d’adaptation sont envisageables pour atténuer les effets duchangement climatique. Il semble évident que les pays développés auront des possibilités d’adaptation supérieures à celles des pays qui le sont moins. Il faut donc s’attendre à ce que le déséquilibre nord sud s’en trouve accentué, avec l’apparition d’émigrés climatiques et la multiplication des problèmes associés aux demandes massives de migration.

 

De combien faudrait-il diminuer les émissions pour limiter sérieusement le changement climatique ?

Un premier aspect du problème de la maîtrise de l’ampleur du changement climatique est lié à l’inertie de l’ensemble du système. En effet, chaque élément composant ce système  évolue ou réagit avec des constantes de temps de plusieurs dizaines d’années.  Ainsi, il faut plusieurs décennies avant que l’augmentation de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre n’ait eu son plein effet sur le climat. En outre, la concentration ne réagit elle-même qu’avec un retard de plusieurs dizaines d’années aux variations des émissions annuelles. Enfin, les systèmes socio-économiques responsables de ces émissions ont eux-aussi une inertie variable, mais du même ordre de grandeur. Les actions volontaristes d’aujourd’hui ne produiront donc leur effet qu’après des décennies  au cours desquelles les changements climatiques se poursuivront jusqu’à des valeurs très supérieures aux valeurs actuelles et s’y maintiendront pendant des millénaires. Tout retard dans la maîtrise des émissions aura des conséquences sérieuses sur le climat dans un demi-siècle. La montée du niveau des mers obéit à un rythme encore plus lent et risque de dépasser plusieurs mètres d’ici quelques siècles.

Réduire les émissions pour plafonner la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et limiter l’ampleur du changement climatique est un objectif explicitement mentionné dans l’article 2 de la convention sur le changement climatique, signée lors du sommet des chefs d’Etat à RIO en 1992, mais aucune valeur numérique n’y est donnée. Les dernières réunions de la Conférences des parties à cette convention ont précisé cet objectif en donnant une valeur de 2° à l’augmentation admissible de la température moyenne mondiale par rapport à l'ère pré-industrielle. Elles n’ont pas pour autant débouché sur des engagements concrets sur les limitations des émissions permettant d’atteindre ce résultat.

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Figure 2

Les courbes de la figure 2 éclairent la problématique de cette limitation. Elles indiquent la variation de la température attendue en fonction du plafond de la concentration et les émissions permettant de ne pas le dépasser.

Plus précisément, la figure de droite représente la variation de température à long terme par rapport à l'ère pré-industrielle que fournissent les modèles,  en fonction de la valeur plafond atteinte par  la concentration des gaz à effet de serre. Cette concentration est exprimée sous la forme d’une teneur en CO2 qui aurait un pouvoir réchauffant égal à celui de l’ensemble de ces gaz. Les diverses couleurs correspondent à des plages de concentration, tandis que la figure de gauche montre l’évolution des émissions qui permet de rester à l’intérieur de la plage de même couleur.

Pour avoir des chances de limiter l’augmentation de la température moyenne du globe à 2 °, soit un peu moins de la moitié de la différence entre une ère glaciaire et un optimum interglaciaire, alors que nous en sommes déjà à 0,75 °, il faudrait que les émissions actuelles mondiales soient divisées par un facteur 2 d’ici une cinquantaine d’années.

 

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