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Les paradoxes d’Hiroshima et Nagasaki

  • Publié le 1 août 2004
SLC
  • Nucléaire

 

 

Les 6 et 9 août 1945 explosaient deux bombes atomiques au dessus de Hiroshima et Nagasaki. Elles causèrent plus de deux cent mille morts, soit sur le champ, soit dans les deux ou trois mois qui suivirent, souvent attribués à "la maladie des rayons". Elles inaugurèrent l’ère atomique sous de sinistres auspices qui marquent encore le développement de l’énergie nucléaire pacifique.

Ayant fait de nombreuses victimes parmi les pionniers de la physique nucléaire et les radiologues, les effets cancérigènes des radiations étaient déjà connus. De même les célèbres expériences de Morgan sur la mouche du vinaigre avaient démontré que les radiations provoquaient des mutations génétiques et pouvaient donner naissance à des mouches monstrueuses. Il n’est donc pas étonnant que l’on ait cru que les rescapés de la bombe seraient condamnés à une mort lente et qu’ils donneraient éventuellement naissance à des enfants monstrueux. Les survivants de Hiroshima et Nagasaki furent l’objet d’une surveillance médicale attentive aussi bien par les autorités japonaises que par le Comité des Nations Unies d’étude des effets des Radiations Atomiques (UNSCEAR).

Les résultats de ce suivi médical ne confirmèrent pas les craintes initiales. En effet, pour les 50000 survivants le nombre de cancers observés en l’an 2000 était de 5500, alors que celui observé dans une population analogue mais n’ayant pas été irradiée atteint 5000. Le nombre de cancers en excès du fait de l’irradiation était donc de 500. Par ailleurs, si des anomalies à la naissance ou des avortements spontanés de bébés dont les mères étaient enceintes au moment de l’explosion furent observés, on ne nota aucune augmentation des maladies génétiques dans la descendance des parents irradiés. C’est à partir de ces études sur les survivants d’Hiroshima et Nagasaki que l’UNSCEAR put établir une relation entre la dose reçue lors d’une irradiation et le taux de cancers supplémentaires qui en résulte. Il faut remarquer que cette relation n’a été expérimentalement établie que pour des doses instantanées supérieures à 100 mSv, largement supérieures à l’irradiation naturelle annuelle moyenne (2,5 mSv).

Ces résultats, somme toutes assez réconfortants quant aux effets des radiations sur l’homme, restent largement ignorés du grand public qui demeure persuadé que la majorité des survivants ont développé un cancer et que de nombreux enfants anormaux ont été mis au monde. Ces croyances ont été renforcées par des photos de tels enfants parues dans les médias et prises dans les hôpitaux locaux. Alors que, partout dans le monde, naissent des enfants affectés de tares génétiques sans que pour autant leurs parents aient été irradiés, il semblait évident qu’à Hiroshima et Nagasaki ces tares ne pouvaient qu’être dues à la bombe.

Alors que les premières études ont porté quasi exclusivement sur la relation entre irradiation et taux de cancers ou mutations génétiques, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, l’attention des chercheurs s’est portée sur la morbidité en général de la population irradiée. Et ils ont trouvé qu’effectivement, au delà de doses reçues de 300 mSv, la morbidité croissait linéairement avec celles-ci, se concrétisant par un accroissement des troubles cardio-vasculaires ou du système immunitaire.

Les explosions d’Hiroshima et Nagasaki furent des évènements d’une violence incroyable. Pendant quelques millionièmes de seconde la puissance de l’explosion fut égale à 20 milliards de fois celle d’un réacteur nucléaire. La température de la "boule de feu" atteignit plusieurs millions de degrés. D’énormes flux de rayons gammas et de neutrons furent produits. C’est cet évènement d’une extraordinaire brutalité qui fut responsable de la quasi-totalité des malheureuses victimes au moment des explosions et les doses élevées reçues par les survivants qui entraînèrent la relativement faible augmentation des taux de cancers évoquée plus haut. Le kilogramme de produits de fission répandu dans l’atmosphère et l’activation du sol et des bâtiments par les neutrons ont eu des effets négligeables.

Les enseignements apportés par l’étude des conséquences sanitaires des explosions d’Hiroshima et Nagasaki en matière de relation dose-effet ne concernent que les effets des fortes doses et n’ont permis d’établir de relation prouvée que pour des doses instantanées supérieures à 100 mSv.

Peut-on faire un rapprochement avec Tchernobyl ? Uniquement pour les fortes doses reçues par les pompiers qui sont intervenus dans les premières heures. En revanche Hiroshima et Nagasaki n’ont fourni aucune indication concernant les cancers de la thyroïde et les effets à long terme des doses faibles et étalées dans le temps reçues par un très grand nombre de personnes en Ukraine, Biélorussie et Russie.

[1] R.Masse, « Que doit-on craindre d’un accident nucléaire ? », ed. Le Pommier, 2004

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