Jean-Louis Bobin

Au bar du café du commerce : Pierre, Paul et Jacques discutent avec le patron.

PAUL              C'est une honte ! Vous avez entendu le ministre ? Il vient de déclarer qu'il ne sera pas possible de réduire, dès 2025, la part du nucléaire à 50% dans la production électrique. Pourtant la loi est claire. Elle doit être appliquée.

PIERRE          Quelles que soient les conséquences fâcheuses de cette loi incohérente ?

PAUL              Quelles conséquences fâcheuses ?

PIERRE          J'en vois deux possibles : des coupures de courant ou une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

PATRON         Moi, avec des coupures de courant, je ne peux plus compter sur le frigo, encore moins sur le congélateur. Et puis vous imaginez cet établissement sans lumières ? Autant fermer boutique.

PAUL              Mais les coupures, ça se programme. Par exemple pendant les heures où la clientèle est rare.

JACQUES      Quand la clientèle est rare c'est qu'elle est au travail. Moi, je bosse dans une salle des marchés. Si tous les ordinateurs sont « out » ce sera la panique, et dans le monde de la finance, la panique est contagieuse. Et puis on ne va pas arrêter les trains ni fermer les aéroports.

PAUL              On pourrait très bien avoir des secteurs prioritaires à qui la fourniture de courant serait garantie. Mais ces coupures ne sont pas une fatalité. Un développement rapide des renouvelables, voilà la bonne solution.

PIERRE          Et comment pallie-t'on l'intermittence ?

PAUL              Vous voulez dire la variabilité ? Elles est suffisamment prévisible pour que des consommateurs intelligents ajustent leur demande dans un bel élan de citoyenneté. Et si nécessaire, il reste le recours à des centrales à gaz pour combler les déficits de production.

PIERRE          Donc vous augmenteriez les émissions de gaz à effet de serre. C'est bien ce que je disais. Mais ces centrales n'existent pas actuellement. Il faudra les construire… et les payer. Et d'où viendra le combustible ? Le gaz de schiste extrait de notre sous sol, peut être ?

PAUL              Vous n'y pensez pas ! C'est une horreur écologique. Je voulais dire : le gaz naturel.

PATRON         La cuisine de ce café est équipée au gaz naturel. C'est pratique.

PIERRE          Mais sa combustion produit du CO2 et contribue à la menace climatique. Et je ne compte pas les fuites de méthane, autre participant à l'effet de serre.

JACQUES      Si je comprends bien, le gaz naturel, c'est écologique, le gaz de schiste ça ne l'est pas, mais tout ça c'est du méthane, non ? Quelle est la différence ?

PIERRE          Aucune. Savez-vous pourquoi un certain gaz est appelé naturel ?

JACQUES      Euh… non.

PIERRE          Pour des raisons historiques. Autrefois, nous avions du gaz de ville obtenu par distillation de la houille dans des usines à gaz. Chaque agglomération un peu importante avait la sienne. Et puis dans les années cinquante sont arrivés, en abondance et moins cher, le gaz de Lacq et celui de la mer du Nord. Maintenant, nous avons du gaz russe ou algérien. Tous ces gaz proviennent de poches enfouies dans les replis de formations sédimentaires. Les usines à gaz ont disparu et le terme n'a été conservé que pour désigner la complexité administrative.

PATRON         M'en parlez pas !

PIERRE          Alors, comme il fallait changer les brûleurs…

JACQUES      Et modifier les contrats…

PIERRE          On a qualifié de naturel le gaz qui n'était pas de ville afin de bien faire la distinction. De ce point de vue, le gaz de schiste est tout aussi naturel, mais il est politiquement incorrect de le dire. Cette parenthèse sémantique nous a éloignés de la déclaration de Nicolas Hulot.

PAUL              Elle a semble-t'il été inspirée par les nucléocrates de RTE. C'est d'autant plus scandaleux ! D'ailleurs les mouvements écologistes sont unanimes pour condamner cette volte face qui au mépris de la loi, met en péril la transition énergétique.

PATRON         Ce M. Hulot aurait il mieux fait de prendre des vacances ?

JACQUES      Toujours le mot pour rire, patron !

PIERRRE       Un peu facile, vous ne trouvez pas ?

JACQUES      Mais en quoi la transition énergétique est elle menacée ?

PAUL              En plus d'être horriblement coûteux, le nucléaire est immoral et dangereux. Tout le contraire des renouvelables. La transition énergétique, c'est aller vers 100% de renouvelables. Ce gouvernement n'en prend plus le chemin, en contradiction avec les promesses de campagne.

PIERRE          Moi qui suis membre de « Sauvons le Climat », j'approuve au contraire Nicolas Hulot d'avoir fait preuve de réalisme en accordant la priorité à la lutte contre le changement climatique. Patron, c'est ma tournée !

 

Jean-Louis Bobin

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