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Nouvelles normes pour le bâtiment

  • Publié le 6 février 2022
Etienne SICCARDI, Claude JEANDRON
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Nouvelles normes pour le bâtiment

Une réglementation en pleine évolution, mais un secteur à soutenir pour longtemps encore

Crédit photo : Batiactu - Levkr-Thinkstockphotos

 La nouvelle Réglementation Environnementale pour les bâtiments (RE 2020) est entrée en application à compter du 1er janvier 2022 : elle concerne les nouvelles constructions à l’exception d’une partie importante des bâtiments tertiaires. Mais elle ne concerne pas l’existant alors que c’est dans ce secteur que les plus gros efforts de décarbonation devront être faits. Pour ces bâtiments existants, le nouveau Diagnostic de Performance Energétique (DPE) est entré en application le 1er juillet 2021 pour les transactions immobilières. Les travaux de rénovation énergétique suscités par ce DPE font l’objet d’un dispositif de soutien renforcé : « MaPrimeRénov’ », qui connaît un grand succès auprès des citoyens propriétaires (malgré la limitation des aides en fonction des revenus).

RE 2020 et DPE veulent réellement lutter contre le réchauffement climatique : elles visent en effet à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur du bâtiment, y compris lors de la construction du bâtiment à travers l’analyse du cycle de vie dynamique.  Contrairement aux versions précédentes ces réglementations évoluent donc dans le bon sens.

Cependant, l’urgence climatique impose d’aller rapidement au bout de cette logique : il faut bannir totalement les énergies fossiles (dont bien sûr le gaz naturel) et  équilibrer les efforts d’isolation et de décarbonation dans l’existant : un effort à soutenir dans la durée.

 

La RE 2020 poursuit trois objectifs principaux pour la construction neuve :

  • Donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie

Un effort supplémentaire d’environ 30 % sera exigé sur la qualité de l’isolation (le Bbio). Mais l’expérience de l’application de la RT2012 met en évidence des problèmes d’habitabilité par suite d’un renouvellement d’air insuffisant dans les bâtiments très isolés.

            La RE 2020 introduit la notion de Consommation d’énergie primaire non renouvelable (Cep nr). Le législateur raisonne toujours en énergie primaire mais le coefficient de transformation énergie finale en énergie primaire passe de 2.58 à 2.3 pour l’électricité. Le but avoué est de ne pas voir réapparaitre les convecteurs à effet Joule. Compte tenu de l’introduction du coefficient Ic-énergie (voir paragraphe suivant), le Cep nr a un impact bien moindre sur les solutions chauffage que la RT 2012.

      La grande nouveauté de la RE 2020 est l’apparition d’un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre Ic-énergie qui traduit l’impact sur le changement climatique associé aux consommations d’énergie primaire en période d’habitation, exprimé en kg équivalent CO2/(m2.an). L’enjeu est de cesser d’utiliser des énergies fossiles pour se chauffer, et de corriger ainsi l’impact néfaste de la RT 2012. Avec un seuil max de 4 kgCO2/m²/an, les solutions gaz en maisons individuelles ne seront plus possibles. Mais pour le logement collectif, comme le montre la remarquable étude de l’AFPAC (association Française des pompes à chaleur) avec un seuil de 14 kg en 2022, les solutions gaz resteront permises même si ce seuil sera ramené à 7,1 en 2025 : c’est inacceptable !

  • Diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments

C’est également une grande nouveauté de la RE 2020 : la prise en compte des émissions de construction, par le calcul de l’analyse du cycle de vie (ACV) qui additionne les impacts carbone estimés de tous les matériaux et équipements utilisés dans un bâtiment (d’où l’indicateur Ic-Construction). Pour des bâtiments performants (très isolés) cet impact est prépondérant, il représente aujourd’hui entre 60 et 90 % des émissions de la vie du bâtiment !

Au vu de ce constat, on peut légitimement se poser la question de l’utilité de la course à l’isolation, quand les émissions de construction représentent la grande majorité des émissions. La RE 2020 amènera-t-elle à revoir les objectifs d’isolation ? Une question à suivre pendant les premières années de son application.

  • Garantir le confort non seulement l’hiver mais aussi en cas de forte chaleur.

Encore une nouveauté, car le confort d’été était traité trop sommairement dans la RT 2012. L’objectif est de privilégier les constructions passives : inertie importante, ventilation naturelle par ouvertures en façades pour corriger un des défauts de la précédente règlementation qui privilégiait des constructions légères très bien isolées, mais qui devenaient de véritables cocottes minutes l’été et impliquaient l’installation d’une climatisation à posteriori.

Mais il faudra aller rapidement au bout de cette logique :

On peut regretter en effet les points négatifs suivants dans la RE 2020 :

  • Maintien des consommations en énergie primaire qui pénalise les solutions basées sur le chauffage électrique alors qu’il est décarboné en France. Il faut évidemment privilégier les solutions par pompe à chaleur plutôt que par effet Joule chaque fois que cela est possible ;
  • Dans les logements collectifs, le coefficient Ic-énergie est trop élevé, ce qui permettra de faire perdurer les solutions de chauffage au gaz ;
  • Une grande partie des bâtiments tertiaires ne sont pas concernés par la RE2020 et pourront faire appel aux énergies fossiles comme mode de chauffage ;
  • Enfin les exigences sur l’isolation (Bbio) sont très ambitieuses au détriment souvent du confort des occupants et pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il serait préférable de décarboner en priorité l’énergie utilisée plutôt que de faire des efforts démesurés pour l’économiser.

 

Le DPE, plus fiable, est devenu opposable

            La détermination des consommations des bâtiments existants se fait désormais uniquement par le calcul en modélisant une utilisation conventionnelle ; la méthode sur facture trop dépendante des occupants est supprimée. Les consommations prises en compte sont les même que celles de la RE :  le chauffage, l’eau chaude sanitaire, le refroidissement, l’éclairage et les auxiliaires. Afin de permettre une comparaison entre logements, il est nécessaire de supposer une occupation « conventionnelle » en s’affranchissant des spécificités d’occupation liées à chaque foyer. Sont également interdits les DPE vierges. Le diagnostiqueur doit faire au moins une visite sur place et vérifier toutes les données d’entrée du calcul : surfaces, caractéristiques et dimensionnement des matériaux, etc. Le nouveau DPE est opposable ce qui veut dire qu’il engage la responsabilité du diagnostiqueur en cas d’erreurs manifestes.

 

Un DPE qui prend mieux en compte les enjeux climatiques par une étiquette « double seuil »

            Afin de faire du DPE un outil qui puisse également orienter la politique publique de rénovation énergétique vers les logements les plus émetteurs de gaz à effet de serre, les seuils des étiquettes traduisant la performance énergétique sont désormais calculés en fonction de deux facteurs : l’énergie primaire mais également les émissions de gaz à effet de serre. Les seuils de chaque classe énergétique sont donc des « double-seuils », un logement étant classé selon sa plus mauvaise performance, en énergie primaire ou en gaz à effet de serre.

 Image1 normes pour batiment

 Ces seuils sont contraignants car les logements mal classés F, G et plus tard E seront interdits à la location dans les prochaines années.

            Le ministère maintient la notion d’énergie primaire pour l’étiquette énergie, dans un souci de ne pas trop avantager l’électricité qui est actuellement plus chère que le gaz. Pourtant la notion d’énergie primaire ne « parle » pas au grand public auquel le DPE est destiné et qui ne connaît que l’énergie finale, celle qu’il paye et qui est indiquée sur sa facture ; cela va à l’encontre de l’objectif initial du DPE qui était de ne pas en faire un outil trop technique.

 

Pour ce qui concerne les travaux de rénovation de l’existant :

Deux réglementations s’appliquent : rénovation globale pour les travaux importants, réglementation éléments par éléments pour les travaux partiels. Elles sont moins exigeantes que la RE 2020 et la RT 2012 ce qui est une bonne chose, mais elles mériteraient d’être revues et d’intégrer des exigences environnementales de manière à exclure à chaque fois que c’est possible les solutions d’énergie à base de fossiles. Il est clair que les solutions techniques développées pour la RE 2020, faite pour la construction neuve, vont diffuser vers le bâti existant. Pour ces bâtiments anciens, seule la consommation d’énergie finale devrait être prise en compte, car elle seule peut guider l’occupant dans ses décisions d’amélioration des performances énergétiques.

À notre avis, le décret tertiaire de 2019, qui pour les bâtiments tertiaires de plus de 1000 m² va exiger à partir de 2030 des efforts importants sur les consommations, est à réexaminer dans le même esprit.

Il serait souhaitable de toiletter ces réglementations disparates et de les intégrer dans une future « RE 2020 existant » qui exigerait des performances moins ambitieuses en termes de consommations mais introduirait des exigences environnementales conduisant à des émissions de CO2 fortement réduites.

En ce qui concerne la rénovation de l’ancien, on sait déjà que la recherche d’une baisse extrême de la consommation par une isolation très poussée est vite ruineuse et décourageante pour les propriétaires. Il vaut mieux un complément d’isolation raisonnable et un passage à un mode de chauffage excluant les énergies fossiles.

 

« MaPrimeRénov’ » : un dispositif de soutien qui a du succès

Les aides financières à la rénovation reposaient jusqu’en 2020 sur le principe des réductions d’impôts. Leur efficacité était affectée notamment par le délai entre la réalisation des travaux et le versement de l’aide. Depuis 2021 le dispositif « MaPrimeRénov’ » a pris le relais ; le projet de rénovation énergétique fait maintenant l’objet d’un examen et d’un accord préalable par le nouveau service public « France Rénov ». Le montant de l’aide est fixé en fonction de la nature des travaux et des revenus du foyer (dommage : cela va diminuer le nombre de dossiers). Le barème est connu du dépositaire lorsqu’il fournit son dossier et le montant de l’aide est confirmé avant les travaux. L’aide est versée à la fin des travaux après contrôle des factures. Ce dispositif a connu un bon succès dès son lancement puisque le nombre de dossiers déposés en 2021 a nettement dépassé les prévisions de l’administration : 770 000 dossiers déposés, 670 000 acceptés, 380 000 aides versées à fin décembre. Le Ministère du logement vise de dépasser le million de dossiers déposés en 2022. Le principal critère de satisfaction des dépositaires est bien sûr la rapidité de versement de l’aide après fourniture des factures. Le délai moyen observé est de dix à quinze jours après fourniture des documents exigés mais dans 1 % des cas le paiement est bloqué par manque d’une pièce exigée.

 

Si les évolutions introduites dans la RE 2020 et le nouveau DPE vont dans le bon sens, il nous apparaît donc que leurs effets vont devoir être surveillés de très près et que le soutien aux rénovations va devoir être maintenu pour longtemps en veillant en priorité à la décarbonation des modes de chauffage.

 

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