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Emissions de CO2 : L’Europe récompense les mauvais élèves

Le nouveau paquet « énergie et climat » de la commission européenne a été largement commenté. Nous avons nous-mêmes regretté que la commission propose de courir trois lièvres à la fois et ne se concentre pas sur l’objectif unique de diminution des émissions de Gaz à Effet de Serre. Nous avions souhaité que la CE fixe à chaque pays un objectif de réduction et le laisse « se débrouiller » pour l’atteindre.

En réalité une lecture attentive des textes proposés au vote du Parlement Européen enlève aux états leur possibilité d’intervention  sur la politique d’émission de Gaz à Effet de serre dans les secteurs les plus importants : production d’électricité, métallurgie, papier-carton, l’industrie minérale en attendant la production d’aluminium  et la pétrochimie.

Ces industries sont ou seront soumises au Système Communautaires d’Echange de Quotas d’Emission de Gaz à Effet de Serre (SCEQE). Jusqu’en 2013 les états établissent des Plans d’Allocation des Quotas échangeables (PNAQ) qu’ils distribuent  gratuitement aux entreprises et installations. Celles-ci doivent payer des amendes si elles ne respectent pas leurs quotas.

A partir de 2013 les quotas devraient être vendus aux enchères aux entreprises et installations, le montant total des droits à émettre étant fixé par la Commission et devant diminuer progressivement de 21% à l’horizon 2020. A ce niveau les états n’interviendront donc plus.

Par contre ils seront chargés de percevoir les revenus de la vente des quotas. Ils devront utiliser 20% de ces droits pour diverses actions liées au réchauffement climatique et au développement des énergies renouvelables. Pour le reste il semble qu’ils soient libres de les utiliser à leur gré tout en informant la CE de leurs destinations.

Les nouvelles règles de fonctionnement du SCEQE sont un véritable bouleversement. Si le principe d’une vente aux enchères des permis d’émission constitue un progrès, sa mise en œuvre  comporte un motif d’indignation et  quelques motifs d’inquiétude :

 

Un motif d’indignation

Les revenus de la vente des quotas d’émission seront considérables. Par exemple, le secteur électrique allemand émet environ 350 millions de tonnes de CO2. En admettant un prix modeste  de la tonne de CO2 de 10 Euros le gouvernement allemand bénéficiera d’une rente de 3,5 milliards au frais des consommateurs d’électricité, soit environ 10% du montant de leur facture, alors que le gouvernement français devra se contenter de  420  millions pour des émissions de 42 millions de tonnes. Au fur et à mesure que le montant des quotas diminuera leur prix augmentera si bien que les revenus de leur vente  croîtront.

Les bonnes performances environnementales du système électrique français sont le résultat de décisions politiques  courageuses face à la propagande des mouvements antinucléaires. Est-il admissible qu’elles soient ainsi l’objet d’une sanction financière de fait ?

Le même raisonnement, mutatis mutandis,  peut, évidemment, être tenu dans une comparaison entre le Danemark et la Suède.

Si le principe d’une vente aux enchères des quotas présente de l’intérêt, les revenus de cette vente devraient revenir à l’union européenne et non aux états les plus polluants et de toutes façons devraient être entièrement consacrés au financement de la réduction des émissions de GES.

 

Des motifs d’inquiétude

La nouvelle réglementation ôtera aux états une de leur dernières responsabilités concernant le secteur électrique. Certes, les achats de quotas constitueront un avantage pour les opérateurs d’installations non émettrices de CO2, comme EDF.  Que feront ces opérateurs de leur « rente nucléaire » ?  En feront ils profiter leurs clients, leurs actionnaires ? Se lanceront-ils dans des opérations de croissance externe ou en profiteront-ils pour développer leur investissements ?

L’électricité se stockant difficilement (essentiellement indirectement, grâce aux barrages)  il faut assurer sur le long terme l’équilibre entre consommation et production. Pour cela, il faut que les moyens de production soient susceptibles de faire face à la demande maximale envisageable. L’expérience de la Californie et de l’Italie a montré que les mécanismes de marché seuls sont incapables d’assurer cette condition. Compte tenu des délais nécessaires à la construction des gros moyens de production faiblement émetteurs de CO2 (centrales à flamme équipées de systèmes de captage-stockage ou centrales nucléaires) une planification à long terme des investissements est nécessaire. Elle est encore assurée par l’état français avec la Programmation Pluriannuelle des Investissements.  Au cas où un insuffisance d’investissements amènerait à une situation de crise l’état français serait encore considéré comme responsable. Pour combien de temps ?  La tendance est de transférer ces responsabilités sur la Commission Européenne dans le cadre d’un grand marché  de l’électricité. L’Europe aura-t-elle la volonté d’en assurer une évolution harmonieuse sur le long terme ? Et si elle avait cette volonté, aurait elle les moyens de la mettre en œuvre ? Les états conservent et conserveront sans doute pour longtemps le contrôle des autorisations de construction des centrales. Même si les responsables européens ont reconnu la nécessité de recourir au nucléaire, ils n’ont pas les moyens de l’imposer aux états qui n’en  veulent pas. On va donc vers une situation où la responsabilité de la politique énergétique sera ôtée aux états qui garderaient toutefois les moyens de l’exercer pour être  transférée à l’Union Européenne qui, au contraire, ne disposera pas de l’autorité pour y faire face. N’y aura-t-il plus de pilote dans l’avion ? Peut-on accepter que ce qui reste de pilotage soit le monopole d’organismes techniques politiquement irresponsables comme les commissions de régulation ?  En tout cas, il nous semble que les responsabilités doivent se situer au niveau politique et que des transferts de souverainetés des états membres vers l’Union Européenne doivent être accompagnés des moyens de l’exercer.

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